MÉRINIDES LES (XIIIe-XVe s.)
« Les villes et les monuments tombèrent en ruine, les routes et les chemins s'effacèrent, les maisons demeurèrent désertes, les gouvernements et leurs sujets connurent l'abaissement et tout ce qui était stable fut transformé. » En termes d'apocalypse Ibn Khaldoun, qui fut commensal des Mérinides, retrace la fin d'un monde dans lequel s'effondra leur dynastie. L'ébranlement de tout le domaine musulman dans les grandes crises des xiiie, xive et xve siècles éclaire la dynastie mérinide, expliquant ses débuts heureux comme sa fin tragique et son histoire, somme toute assez médiocre, malgré l'éclat d'une civilisation qui porte en elle comme le reflet des décadences.
Les Banu Mérin, cavaliers et chameliers berbères passés au service des Almohades, nomadisant dans les steppes du Maroc oriental, profitèrent des difficultés de leur suzerain pour se constituer un fief dans le Nord marocain, avec Fès pour capitale (1244). À partir de 1258, sous l'impulsion d'Abu Yussuf Yakub, ils partirent à la conquête du Sud, prenant Marrakech (1269), s'emparant du Sous et se posant en successeurs des Almohades. Pendant un court moment ils parurent devoir égaler leurs prédécesseurs. Leurs ambitions s'affirmaient, comme dans le cas des fondateurs des grandes dynasties marocaines, par la création d'une nouvelle capitale, Fès Djdid. En fait, ils se heurtèrent très vite à d'autres appétits, nés comme les leurs de la décomposition de l'Empire almohade. Les gouverneurs de l'Ifrikiya (Tunisie) s'étaient haussés au rang de dynastie indépendante (Hafsides) ; à Tlemcen, les Abd el Ouadites s'installaient en souverains indépendants ; dans l'extrême sud de l'Espagne le royaume nasride (Grenade et Malaga) maintenait sa position précaire au prix de compromissions avec les chrétiens. Chacune des trois dynasties maghrébines s'opiniâtre, avec des succès divers, à établir sa supériorité. Un temps, les Mérinides l'emportent sous les règnes d'Abou Hassan (1331-1351) et d'Abou Inou (1358) qui marquent l'apogée de la dynastie, s'avançant jusqu'à Tunis en 1357, mais refluant, bientôt, en deçà de Tlemcen.
Les guerres coûteuses et la perte progressive du contrôle des grandes routes caravanières du sud à la suite de l'extension de l'empire du Mali incitent à rechercher de nouvelles ressources dans la guerre de course. Celle-ci fournit esclaves et richesses, mais coupe les relations avec l'Europe au moment où se raréfient les échanges avec l'Afrique noire et alors que les oppositions dynastiques et les révoltes entravent les communications avec l'Orient : isolement lourd de conséquences. Il annonce une distorsion décisive entre l'évolution de l'Europe occidentale et celle de l'ouest de l'Afrique du Nord au moment où le centre de gravité de la Méditerranée musulmane bascule vers le Maghreb. Les dernières décennies de la dynastie sont agitées de complots, de guerres et sont marquées par l'irrémédiable décadence d'une autorité politique de plus en plus fragile sur un territoire de plus en plus réduit jusqu'à l'effondrement définitif en 1420.
À défaut de succès politiques durables, les Mérinides ont fait de leur temps un des âges d'or de la civilisation marocaine, à la fois dans le domaine de la pensée et dans celui de l'art. Ils encouragent les sciences religieuses, les collèges (madrasa) qui diffusent le malékisme. L'école de Fès s'affirme. Lettrés et savants sont appelés à la cour tels Ibn Marzouk, familier d'Abou Inan. L'historien Ibn Khaldoun (1332-1406), le géographe Ibn Batouta (1304-1369) dominent leur époque.
L'art mérinide, art citadin et dynastique, donne la première place aux édifices religieux : mosquées-cathédrales (Fès, El Eubbad), oratoires,[...]
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Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
Classification
Médias
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