AUTODÉTERMINATION
Le mot « autodétermination » se réfère tant aux acquis de la philosophie qu'à ceux du droit international. En termes philosophiques, il désigne la possibilité pour un individu de choisir librement sa conduite et ses opinions, hors de toute pression extérieure. En droit international, ce terme renvoie par extension au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est-à-dire de choisir librement leur État et leur forme de gouvernement, de ne pas être cédés ou échangés contre leur volonté, et au besoin de faire sécession. Ce principe possède de profondes racines historiques, mais il a longtemps été traité avec circonspection en raison de son ambiguïté, concernant à la fois ses bénéficiaires et son applicabilité.
Les Révolutions américaine et française sont les premières à affirmer formellement le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ; par la suite, le principe des nationalités au xixe siècle joua un rôle important dans la formation des nations d'Europe occidentale. En 1918, son inscription parmi les buts de guerre américains (les Quatorze Points du président Wilson) a conduit à sa transformation en règle de droit international à travers les traités de paix, qui ont établi de nouvelles frontières étatiques dessinées autour de territoires réputés homogènes. Le Pacte de la S.D.N. ne comportait lui aucune obligation précise quant au principe d'autodétermination, mais la Charte des Nations unies, signée après la Seconde Guerre mondiale, comprenait des dispositions beaucoup plus explicites, notamment par le biais de son article premier affirmant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Dans ce cadre, l'autodétermination apparaît comme la composante politique principale du droit des peuples. Par la suite, différentes résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies ont développé ce droit, en l'appliquant plus spécifiquement aux situations de décolonisation et de domination étrangère ; ce faisant, elles l'ont formalisé tout en limitant son champ d'application.
Concrètement, l'autodétermination peut être mise en œuvre par le biais d'un référendum ou d'un plébiscite (de ratification ou de détermination), ayant pour but de recueillir le consentement de la population d'une manière démocratique et absolument incontestable. Les événements consécutifs au démembrement de l'U.R.S.S. et de la Fédération yougoslave ont néanmoins mis en évidence la difficulté d'application du principe d'autodétermination lorsque de nombreuses minorités se partagent un même territoire. On a ainsi pu assister durant ces dernières décennies – hors les cas de domination coloniale – à une tendance à la dissociation du droit des peuples et du principe d'autodétermination témoignant de la réduction progressive du champ d'application de ce dernier.
Telle que définie dans l'article premier de la Charte des Nations unies, puis dans un certain nombre de textes ultérieurs tels que la résolution 1514 (XV) de 1960 sur « l'octroi de l'indépendance aux peuples et aux pays coloniaux », l'autodétermination d'un peuple implique des droits politiques, mais aussi des droits économiques, culturels et sociaux.
Au niveau politique, l'autodétermination externe peut s'exercer dans trois situations principales : une domination coloniale, un régime de domination ou un apartheid, et une domination étrangère ; son exercice peut par ailleurs se traduire par la création d'un État souverain et indépendant, par une libre association ou une intégration avec un État indépendant, ou par l'acquisition de tout autre statut politique librement décidé par le peuple en question. En tout état de cause, l'autodétermination ne peut être réelle que si elle résulte d'un choix libre et volontaire, exprimé selon des méthodes démocratiques et largement[...]
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Écrit par
- Élise FÉRON : docteur en science politique, chargée de recherches au C.I.R., chargée d'enseignement à l'I.E.P. de Lille
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