ALMORAVIDES
Dynastie musulmane qui domina l'Afrique du Nord et l' Espagne, les Almoravides (étymologie arabe : al-mūrabiṭūn) tirent leur origine d'un groupe de tribus berbères sahariennes qui nomadisaient entre le Sénégal et le sud du Maroc, les Lamtūna et les Juddala. Ces deux tribus faisaient partie du grand groupe berbère des Sanhāǧa. Elles étaient connues par leur coutume de porter un voile (litām) sur le bas du visage. Elles vivaient de l'élevage et du trafic caravanier. Elles se convertirent à l' islam à la fin du ixe siècle et firent la guerre sainte aux Noirs du Sénégal.
L'ascension
Vers 1048, le chef des deux tribus, ayant fait un pèlerinage à La Mecque, ramena dans son pays un savant en sciences religieuses du Sud marocain, ‘Abdallāh ibn Yāsin, afin qu'il enseigne aux siens les vraies règles de la vie musulmane. Il créa dans une île (du fleuve Sénégal ?) un couvent militaire (ribāt) : de nombreux guerriers voués à la guerre sainte y menèrent une vie très austère, rigoureusement disciplinée. On les appela les « gens du ribāṭ » (al-murābiṭūn). Leur chef religieux, ‘Abdallāh ibn Yāsin, s'associa à un chef militaire, Yaḥyā ibn ‘Umar, de la tribu Lamtūna.
Tandis qu'une partie des Almoravides dirigeait ses efforts guerriers et missionnaires vers les pays noirs, conquérant et islamisant à partir de 1054 le pays de Ghāna, d'autres remontaient vers le nord. ‘Abdallāh ibn Yāsin soumet vers 1055 la ville de Siǧilmāsa au Tafilelt, que dominaient les Maġrāwa du groupe berbère des Zanāta. Il périt en 1059, en luttant contre les hérétiques Barġawāṭa du Maroc atlantique. Abū Bakr ibn ‘Umar, frère de Yaḥyā (mort en 1056), poursuit la conquête du Maroc, grâce à son cousin Yūsuf ibn Tāšfīn. Il finit par lui déléguer ses pouvoirs sur le Maghreb et par lui céder sa femme Zaynab, tandis qu'il se retire au Sahara où il meurt vers 1087.
Yūsuf fonde Marrakech (vers 1060), d'abord simple camp, prend Fès (1069), où régnaient les Maġrāwa, puis Tlemcen, Oran et Ténès, et met le siège devant Alger (1082). Il est sollicité de venir en aide aux musulmans d'Espagne, divisés en de multiples principautés (sous les reyes de taifas) et menacés par la Reconquista chrétienne. En 1085, en effet, Tolède est prise par Alphonse VI. Yūsuf passe le détroit de Gibraltar et inflige au roi castillan une cuisante défaite à Sagrajas (az-Zallāqa), le 2 novembre 1086. Puis il repart pour le Maroc, mais les princes musulmans, que l'offensive chrétienne à l'est met de nouveau en difficulté, doivent le rappeler. Il reparaît en 1089 puis en 1090.
Les classes populaires et le « clergé » des savants en religion, les fuqahā' (sing. : faqih ; en espagnol, alfaqui), sont favorables aux Almoravides, d'une piété ostensible, qui abolissent les impôts non coraniques et paraissent seuls capables d'écarter les razzias chrétiennes. Mais les couches dirigeantes sont partagées entre leur peur des chrétiens et celle des Sahariens dont ils redoutent la brutalité, l'orthodoxie rigide, la haine du luxe et de la culture. Les princes renseignent et approvisionnent mal Yūsuf ; ils engagent des tractations avec Alphonse VI. Pourvu d'une fatwà (consultation juridique) des fuqahā' d'Occident et d'Orient, Yūsuf dépossède ces reyes de taifas, conquiert leurs États (1090-1094), sauf Valence et les royaumes du Nord-Est soumis au protectorat du Cid (Rodrigo Díaz de Bivar), et rétablit l'unité de l'Espagne musulmane. Les conquêtes reprirent après la mort du Cid (1099) : sa femme Jimena évacue Valence en 1102, et Saragosse est occupée de 1110 à 1118.
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Écrit par
- Maxime RODINSON : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (IVe section)
Classification
Média
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