LE MAÎTRE ET MARGUERITE, Mikhaïl Boulgakov Fiche de lecture
Le Maître et Marguerite est le dernier roman de Boulgakov (1891-1940), et son chef-d'œuvre. Écrit de 1928 à 1940, il ne vit le jour que plus d'un quart de siècle après la mort de son auteur. Sa parution en 1966-1967 dans la revue Moskva, à une époque où se trouvaient déçus les espoirs suscités par le dégel, constitua un événement. Ce roman fantastique tour à tour grave et cocasse, qui affirme le triomphe de l'art sur la tyrannie, est devenu en Russie un livre culte. Traduit en de nombreuses langues, il a été à plusieurs reprises adapté pour la scène, transposé en opéra et porté à l'écran (A. Petrovic, Le Maître et Marguerite, 1972).
« Roman sur le diable » et roman de l’artiste
Tout d'abord conçu comme une œuvre satirique, ce « roman sur le diable » s'est doublé, au cours d'une genèse mouvementée (Boulgakov, accablé par l'interdiction de ses autres œuvres et par les attaques de la critique officielle, détruisit une bonne partie de la première version), d'un roman de l'artiste, d'où sa structure tout à fait originale. La narration se déroule donc sur deux plans qui finissent par converger.
L'action principale se passe au printemps à Moscou, à une époque non précisée qui tient à la fois des années 1920 et 1930. Dans un jardin public, un influent directeur de revue et un jeune poète prolétarien discutent du poème antireligieux écrit par ce dernier : au lieu de montrer que Jésus n'a jamais existé, le poète a eu le tort de le dépeindre « parfaitement vivant », bien que fort peu sympathique. Un mystérieux étranger vient se mêler à la conversation. En guise de démenti à ce qui vient d’être dit, il entreprend un récit qui nous transporte vingt siècles plus tôt à Jérusalem. Là, nous assistons à l’interrogatoire et à la condamnation d'un certain Yeshoua, « philosophe errant », par Ponce Pilate. Au terme du récit, les deux littérateurs croient avoir rêvé. Soutenant l'idée que l'homme n'est pas maître de son destin, l'étranger, qui se présente comme le professeur Woland, spécialiste de magie noire, annonce au directeur de revue qu'il aura la tête coupée par une femme, prédiction qui se réalise peu après lorsque son interlocuteur glisse sous un tramway. Bouleversé, Ivan le poète prend en chasse celui qu'il considère comme un espion. Mais, au terme d'une course poursuite de plus en plus fantastique, il provoque un scandale dans le somptueux restaurant Griboïedov, réservé aux écrivains officiels. On le conduit dans une clinique psychiatrique où il tente vainement de s'expliquer avant de faire connaissance avec son voisin de chambre, le Maître, qui lui raconte son histoire : sa liaison secrète avec Marguerite, les persécutions endurées à cause de son roman sur Ponce Pilate et l'angoisse irrépressible qui l'a conduit à brûler son manuscrit. Fasciné par cette coïncidence, Ivan comprend que l'étranger n'était autre que le diable. Il s'endort et voit en rêve le supplice de Yeshoua et le désespoir de Matthieu Lévi, son unique disciple.
Cependant, la présence à Moscou de Woland et de sa pittoresque suite (dont un énorme et volubile chat noir) sème le désordre parmi les bureaucrates et les représentants de la culture officielle. Les multiples diableries qui se succèdent à un rythme trépidant ont pour points culminants le spectacle de magie noire donné par Woland au Théâtre des Variétés et le grand bal de la pleine lune dans un appartement transformé en palais par l’effet de la « cinquième dimension ». À cette soirée participe Marguerite en qualité de reine du bal, rôle qu’elle a accepté dans l’espoir que Woland l’aiderait à retrouver l’écrivain dont elle est sans nouvelles. Telle est effectivement sa récompense. Le diable fait surgir le malade venu tout droit de la clinique et demande à voir son[...]
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Écrit par
- Laure TROUBETZKOY : Agrégée de russe, docteur en études slaves, maître de conférences de russe à l'université de Paris-Sorbonne
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