- 1. Une pensée de la compréhension
- 2. L'équité herméneutique et les exigences de l'interprétation (F. G. Meier).
- 3. Le perspectivisme des interprétations et l'objectivité de la connaissance (J. M. Chladenius)
- 4. L'herméneutique comme art philosophique universel (F. Schlegel)
- 5. L'herméneutique et la vie de l'esprit universel (F. Ast)
- 6. La circularité herméneutique (F. Schleiermacher)
- 7. La fondation philosophique de l'herméneutique (W. Dilthey)
- 8. La compréhension comme modalité de l'être-au-monde (M. Heidegger)
- 9. La fécondité herméneutique de la distance temporelle (H.-G. Gadamer)
- 10. « Expliquer plus, c'est comprendre mieux » (P. Ricœur)
- 11. Bibliographie
HERMÉNEUTIQUE
Dès l'Antiquité, l'herméneutique désigne l'art d'interpréter (ars interpretandi), traditionnellement exercé dans trois domaines principaux : la philologie classique, l'exégèse biblique et la jurisprudence. Dans son acception contemporaine, elle peut être définie comme la théorie des opérations de la compréhension impliquées dans l'interprétation des textes, des actions et des événements.
Dès l'Antiquité, les philosophes se sont intéressés au statut ambigu de cet art, qui recouvre aussi bien l'interprétation des œuvres poétiques que l'art divinatoire (mantique). Dans le Ion, Platon (428 env.-env. 347 av. J.-C.) soutient que l'hermèneia (en l'occurrence la déclamation et le commentaire des poèmes par les rhapsodes) ne saurait constituer ni une technique pouvant être enseignée ni, à plus forte raison, un savoir digne de ce nom. Quelles qu'en soient les formes, l'interprétation n'intéresse pas le philosophe, l'homme du logos, en quête d'un savoir ferme et stable. Au mieux, il s'agit d'un « don divin » incontrôlable, qui est une pure affaire de virtuosité.
De son côté, Aristote (385 env.-322 av. J.-C.) problématise le concept d'interprétation dans le cadre de son Traité de l'interprétation, en se focalisant sur l'interprétation de la réalité que le langage propositionnel rend possible. L'interprétation n'est pas ici subjective, mais objective.
Une pensée de la compréhension
Longtemps réduite à un simple catalogue de règles pragmatiques, l'herméneutique conquiert une dimension nettement plus philosophique au début de la modernité. Même si l'interprétation devient alors un objet d'intérêt et d'inquiétude pour la philosophie, elle est toujours vue comme une activité extra-philosophique. Un changement de paradigme décisif se produit au début du xixe siècle, lorsque l'art d'interpréter est rapporté au problème fondamental de la compréhension et de la mécompréhension.
Ce tournant rend possible l'élargissement progressif du champ d'investigation, incluant non seulement les textes, mais les échanges oraux, les témoignages historiques et les actions. En même temps, le problème herméneutique gagne en profondeur et dévoile ses enjeux philosophiques. Renonçant à se définir comme simple méthodologie générale des pratiques interprétatives et refusant d'élaborer un « canon » de règles, l'herméneutique conquiert ainsi un statut philosophique. Alors que Friedrich Schleiermacher (1768-1834) y voit encore une simple « science auxiliaire » de la philosophie, Wilhelm Dilthey (1833-1911) va lui accorder une dimension philosophique intrinsèque, en montrant le rôle central que les notions d'interprétation et de compréhension jouent dans l'édification du monde historique dans les sciences de l'esprit.
C'est également à Dilthey qu'on doit la première étude sur les origines de l'herméneutique. Sa thèse, d'après laquelle l'histoire de l'herméneutique au sens moderne ne commence qu'au xvie siècle, avec les controverses théologiques qu'avait suscitées la crise de la Réforme, a longtemps fait autorité et elle influence en partie la vision que Hans Georg Gadamer et Paul Ricœur, au xxe siècle, se feront de l'histoire de la discipline. Cette vision de l'histoire de l'herméneutique n'a fait l'objet d'une révision critique qu'à partir des années 1960-1970, grâce notamment aux travaux de L. Geldsetzer, H.-E. Jaeger et A. Bühler, qui ont montré que le fondateur de l'herméneutique est J. K. Dannhauer (1603-1666). Celui-ci, dans son Idea boni interpretis et malitiosi calumniatoris (1630), relit le Traité de l'interprétation d'Aristote pour en tirer une épistémologie générale[...]
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Écrit par
- Jean GREISCH : docteur en philosophie, professeur émérite de la faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, titulaire de la chaire "Romano Guardini" à l'université Humboldt de Berlin (2009-2012)
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