DANDYSME
L'étymologie du terme « dandy » ouvre d'emblée un espace d'incertitude. L'Académie n'accueille qu'en 1878 ce néologisme venu d'Angleterre. Selon les Anglais, dandy pourrait dériver du français dandin (sot, niais), de dandiprat (nain, pièce de menue monnaie), de dandelion (ou dent-de-lion, pissenlit), du verbe to dandle, se dandiner, ou du prénom Andrew. Quoi qu'il en soit, le mot apparaît en Angleterre à la fin du xviiie siècle, et les étymologies attestent les échanges franco-britanniques qui caractérisent le dandysme au xixe siècle.
L'invention de Brummell
En rupture avec la tradition d'élégance incarnée en Angleterre par les Beaux sur la scène de la Restauration autour de Charles II (1630-1685), le premier dandysme, celui de Brummell (ou Brummel), apparaît comme l'invention d'un personnage absolument original, irréductible au courtisan ou à l'honnête homme. Favori du prince de Galles (le futur roi George IV) puis tombé en disgrâce, peut-être pour son insolence, George Bryan Brummell (1778-1840) est parfois présenté comme un parvenu qui se serait imposé à l'aristocratie anglaise par son élégance et son esprit. La réalité est plus complexe. Dans les premières années du xixe siècle, Brummell règne sur la bonne société et impose une mode vestimentaire d'une grande rigueur et d'une extrême sobriété, répondant au principe que « pour être bien mis, il ne faut pas être remarqué ». Un détail cependant de la tenue de Brummell tranche par son excès : la raideur d'une cravate blanche et amidonnée, qui doit être plissée autour du cou au premier essai, et empêche tout mouvement de la tête. Les préceptes de celui qui passe pour « l'arbitre des élégances » sont paradoxaux. Non seulement parce que la singularité de la cravate tranche sur la retenue générale, mais, à l'inverse, parce que la logique de la modération tend à rendre « invisible » la véritable élégance. Le premier dandy s'avère un personnage déroutant, flegmatique et apathique, maniant davantage l'humour que la bouffonnerie romantique, préférant les ruses du minuscule et du presque rien à la démesure ou à l'excentricité. Mettant, comme le voudra Oscar Wilde, « son génie dans sa vie », montrant un personnage fragile et éphémère, Brummell présente une identité incertaine d'elle-même, qui dénonce toute permanence de l'œuvre ou de la subjectivité. Son dandysme est une succession de poses discontinues et détachées qui a besoin de l'espace public pour apparaître. Mais l'entreprise est bien éloignée de l'épiphanie triomphante à laquelle on l'assimile volontiers. Ainsi, en une figure ultime de son dandysme, Brummell finit-il sa vie à Caen, dans la pauvreté et la déchéance. Son effondrement et son effacement ont retenu notamment l'attention de Virginia Woolf (The Common Reader, « Beau Brummell », 1932) et d'Edith Sitwell (English Eccentrics, 1933).
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Écrit par
- Françoise COBLENCE : professeur émérite, université de Picardie-Jules-Verne
Classification
Médias
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