BOLCHEVISME
Le terme de bolchevisme, dérivé du substantif abstrait bolchinstvo (majorité), désigne la théorie révolutionnaire de Lénine et la praxis du Parti bolchevique dont celui-ci fut le fondateur, le dirigeant et le stratège. Les origines et l'évolution sémantique de ce mot, lointain souvenir d'un jargon d'exilés qui n'est entré dans le langage politique qu'à partir de la révolution de 1917, illustrent les vicissitudes, les métamorphoses du phénomène même qu'il désigne.
« D'abord, c'est un mot parfaitement incolore » (Berdiaev). Son origine remonte à 1903, au IIe congrès du P.O.S.D.R. (Parti ouvrier social-démocrate de Russie). Réuni initialement à Bruxelles, puis contraint de siéger à Londres, ce congrès fut le point de départ de la plus grave division qu'ait connue la social-démocratie. Après le congrès, pour désigner les protagonistes des deux tendances majeures qui s'y étaient affrontées, on nomma « bolcheviks » (c'est-à-dire membres de la majorité) les partisans de la conception de Lénine, et « mencheviks » (minoritaires) ceux dont le chef de file fut Martov.
Les origines
Lors du IIe congrès du P.O.S.D.R., les divergences éclatèrent à propos de l'article premier des statuts, sur la question de savoir qui serait considéré comme membre du parti. Celui qui « en reconnaît le programme et soutient le parti tant par des moyens matériels que par sa participation personnelle dans une des organisations du parti », selon la formulation de Lénine, ou celui qui, en reconnaissant son programme, « coopère personnellement et régulièrement sous la direction de l'une des organisations du parti », selon celle de Martov ? Discussion oiseuse en apparence. En fait, les divergences sur le problème masquaient des dissensions plus profondes sur l'interprétation de la théorie marxiste de la révolution dans les conditions propres à la Russie. L'apparition et le développement du bolchevisme, en tant que théorie et praxis mûries en un long processus, doivent être situés dans un double contexte dont la complémentarité est organique : celui de la société russe industriellement peu développée, à l'orée de la révolution bourgeoise destinée à renverser l'autocratie tsariste, et celui de la doctrine marxiste, dans son évolution historique et dans son cadre.
Pour la social-démocratie, représentée dans les pays européens industrialisés par de puissants partis de masse, la Russie du début du xxe siècle apparaissait comme un cas tout à fait particulier. Dans ce pays, encore gouverné par un monarque absolu, une première tâche s'imposait à la social-démocratie : aider à l'accomplissement de la révolution bourgeoise démocratique, première étape historique vers la révolution socialiste. Pour accomplir cette tâche, il ne suffisait pas d'adapter la théorie marxiste de la lutte des classes, il fallait en outre tirer profit de l'expérience antérieure des marxistes, et notamment organiser un véritable parti. Or, depuis des années, la social-démocratie russe éprouvait des difficultés à quitter le stade des petits groupes où la propagande était la forme principale d'activité, pour passer à la création d'un parti structuré, capable de répondre aux exigences d'une action politique concertée à l'échelle nationale. Cela conféra une importance primordiale à la définition théorique du type particulier d'organisation dont devait disposer la social-démocratie russe pour « remplir sa mission historique ».
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Écrit par
- Georges HAUPT : sous-directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Médias
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