BOLTZMANN LUDWIG (1844-1906)
Physicien et philosophe des sciences, Ludwig Boltzmann est un des penseurs les plus originaux de la seconde moitié du xixe siècle. Son influence a été profonde sur le développement de la science moderne. Par son interprétation de l'entropie, qui introduit la probabilité en thermodynamique, il a inspiré les travaux de Planck et d'Einstein sur la théorie statistique du rayonnement, sur l'hypothèse des quanta et des photons.
Il a été l'un des créateurs de la théorie cinétique des gaz qu'il n'a cessé de considérer comme un exemple privilégié pour la philosophie de la science et qu'il a enrichie d'un théorème, connu sous le nom de théorème H, concernant la répartition des vitesses des molécules.
Son œuvre scientifique proprement dite, riche et complexe, est tout entière marquée par des débats sur les principes, dont l'actualité demeure. S'il n'a pas laissé un exposé systématique de la méthodologie en matière de physique théorique, Boltzmann a eu, à cet égard, un rôle de premier plan par son enseignement et les controverses auxquelles il a intensément participé.
Une vie de recherche
La renommée internationale de Boltzmann a été considérable. Il rencontra cependant, surtout dans le monde germanique, les oppositions les plus vives, parce qu'il fut à peu près le seul à résister au dogmatisme de la phénoménologie. Il a souffert de l'incompréhension dont il était l'objet au point de sombrer dans la neurasthénie, mais il a vigoureusement défendu ses idées quant au jugement nuancé qu'il convient d'avoir sur le rôle des images (Gedankenbilder) dans l'élaboration scientifique. Si cette élaboration, qui aboutit à des lois formelles très générales, semble distendre le lien avec les concepts de base, on ne saurait sans erreur, selon Boltzmann, penser que l'on s'est complètement affranchi de ces concepts.
Selon sa propre expression, l'opposition entre la divisibilité de la matière à l'infini et la structure atomique de celle-ci tient encore aujourd'hui la science en haleine. Les difficultés qu'il a rencontrées attestent sa perspicacité exceptionnelle.
Né à Vienne le 20 septembre 1844, Boltzmann entra à l'université en 1863 ; il y fut l'élève de Josef Stefan et devint son assistant en 1867, après son doctorat en philosophie (1866). Il devait interpréter plus tard la célèbre loi de son maître sur le rayonnement du corps noir. Ces années passées à Vienne dans un climat de recherche intense, malgré l'insuffisance des moyens matériels, le marquèrent profondément. Il fit la connaissance de Loschmidt, pour lequel, malgré les controverses ultérieures, il conserva respect et estime. C'est sur l'instigation de Stefan qu'il se livra à une lecture approfondie de Maxwell ; et le traité qu'il consacra à la théorie électromagnétique permit la diffusion en Allemagne de l'œuvre du physicien anglais. En 1869, Boltzmann fut nommé professeur de physique mathématique à l'université de Graz. En 1870 et 1871, il se rendit à Berlin auprès d'Helmholtz et de Kirchhoff. Professeur de mathématiques à Vienne en 1873, il revint à Graz, en 1876, occuper la chaire de physique expérimentale, et il y fonda un foyer.
En 1888, il refusa la succession de Kirchhoff à Berlin, mais accepta deux ans plus tard la chaire de physique théorique de Munich où il eut de nombreux étudiants étrangers.
Vienne le rappela en 1894 pour succéder à Stefan ; mais, en 1900-1902, il enseigna à Leipzig et ne revint à Vienne que pour donner quelques années à la philosophie de la science.
Malgré quelques soutiens, notamment en Angleterre, Boltzmann restait l'objet de contradictions. Sujet à de fréquentes dépressions, atteint d'angine de poitrine, il mit fin à ses jours le 5 septembre 1906, à Duino, près de Trieste, au moment où les[...]
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Écrit par
- Pierre COSTABEL : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
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