DICKENS CHARLES (1812-1870)
Charles Dickens est, avec Shakespeare et Emily Brontë, l'un des très rares écrivains anglais qui jouissent d'une véritable popularité en France. Dans son pays natal, après avoit été adulé de son vivant, il connut l'inévitable éclipse qui suit toute réputation et souffrit du discrédit général dans lequel tomba la littérature de l'époque victorienne.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, Dickens suscite un intérêt considérable et sans cesse grandissant. On découvre dans son œuvre des valeurs nouvelles : son rôle de lutteur pour la justice sociale explique son succès en U.R.S.S. ; ailleurs, en Grande-Bretagne et plus encore aux États-Unis, c'est l'artiste, le créateur d'une prose originale, riche en symboles, qui attire l'attention de la critique moderne. Enfin, l'humour dickensien, à la fois divertissement et révélation, paraît encore plus précieux et nécessaire à notre temps qu'au xixe siècle.
L'enfance et la jeunesse
Charles Dickens naquit à Portsea (Portsmouth). Son père, John Dickens, était issu d'une famille de domestiques mais, grâce à son mariage avec Elizabeth Barrow, fille et nièce de fonctionnaires employés au bureau de paie de l'Amirauté, il avait obtenu un poste dans la même administration. John Dickens fut muté à Chatham (ville jumelle de Rochester, Kent) peu après la naissance de son fils, et celui-ci y vécut les années les plus heureuses de son enfance, parmi ses frères et sœurs et auprès d'un maître d'école débonnaire qui sut le stimuler. Aussi Charles demeura-t-il volontiers à Chatham quand son père fut nommé à Londres en 1822. Quand il alla rejoindre sa famille en 1823, la situation financière était telle que ses études se trouvèrent interrompues. Les difficultés, accrues par l'imprévoyance et l'incapacité de ses parents, s'aggravèrent ; au printemps de 1824, le jeune garçon connut une double et douloureuse humiliation. John Dickens fut emprisonné pour dettes et Charles devint, à l'âge de douze ans, employé dans une fabrique de cirage. Ce contact brutal avec la réalité de la vie et de la misère, et avec les absurdités du système pénal de son pays, le marqua de manière définitive. Son œuvre entière devait garder la trace des découvertes et des sentiments qui datent du printemps tragique de 1824 : la nostalgie de l'enfance heureuse et pure ; l'obsession de la faim et de la pauvreté ; la fascination exercée par les aspects les plus populaires et même les plus sordides de Londres ; la vibrante indignation contre la loi et les gens de lois ; et surtout la résolution inflexible de ne pas suivre les traces de son père et de se mettre au plus tôt, à force de travail acharné, à l'abri du besoin et de la déchéance. Charles Dickens n'avait enduré cette épreuve que pendant quelques semaines : elles furent décisives.
Quand prit fin l'emprisonnement de John Dickens, Charles quitta la fabrique. Il fit encore trois années d'études à Londres (1824-1827), puis fut employé chez un avoué. Après s'être formé par ses propres moyens et pendant ses instants de loisir, il put remplir les fonctions de sténographe ; il les exerça d'abord auprès du Collège des docteurs (c'était un vétuste tribunal), puis à la Chambre des communes comme reporter de presse. La fréquentation des milieux juridiques renforça son mépris pour la loi ; celle du Parlement le conduisit à adopter la même attitude envers les législateurs.
Dès 1829, Charles Dickens était tombé amoureux de Maria Beadnell ; leurs fiançailles longtemps secrètes furent troublées par plusieurs orages ; la rupture définitive intervint en 1833 ; le père de Maria, qui était banquier, n'avait guère encouragé ce prétendant aux ressources incertaines : cette nouvelle humiliation fut durement ressentie par Charles et joua un rôle important[...]
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Écrit par
- Sylvère MONOD : professeur émérite de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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Médias
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