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EUCHARISTIE

À l'origine, un événement : selon un usage juif, Jésus a partagé avant de mourir un repas avec ses disciples, rompant avec eux le pain « qui était son corps », et il les a invités à « faire cela en mémoire de lui ». Ce repas religieux aux multiples significations a été transmis de génération en génération, comme un donné de tradition vivante qui toujours dépasse les explicitations théoriques que l'on peut en proposer. Cette tradition, fidèle, n'a pas connu un développement linéaire. On a insisté sur la sacralité de cet acte, puis on s'est efforcé de le désacraliser. On l'a surchargé de symboles admirables que beaucoup interprètent aujourd'hui comme des survivances d'un univers culturel devenu étranger. On l'a diversement ritualisé, avec certaines structures fixes toutefois. On a perdu, puis retrouvé quelques-unes de ses valeurs fondamentales. La valorisation de tel ou tel aspect de l'acte liturgique a engendré des théologies limitatives. Théologies – car ce geste a suscité aux divers temps de la vie de l'Église des doctrines accordées avec la façon dont il était vécu. Deux idées maîtresses y dominent : l'actualisation mystérieuse dans l'eucharistie de l'événement de salut qu'est la mort-résurrection du Christ ; son lien à l'Église dont elle est le sacrement par excellence, signe et source d'unité.

Évolution des doctrines

Il n'y a pas de doctrine organisée de l'eucharistie dans le Nouveau Testament, mais on y trouve une pluralité de thèmes, parfois simplement évoqués et ne découvrant leur sens que sur la toile de fond de l'Ancien Testament : mémorial (ἀνάμνησις, Ι Cor., xi, 25), action de grâce (εὐχαριστήσας, Luc, xxii, 19), acte suprême d'amour (ἄγαπήσας, Jean, xiii, 1-20), unité (εἷς ἄρτος, ἕν σω̃μα, I Cor., x, 17), repas du Seigneur en attendant son retour (ἄχρι οὗ ἔλθη, I Cor., xi, 26 ; cf. Matth., xxvi, 29), pain de vie et corps du Christ (ἄρτος, σάρξ, Jean, vi, 51-57 ; σω̃μα, I Cor., x, 16), Pâque nouvelle (Marc, xiv, 12-16 ; cf. Jean, xix, 36). La période patristique sera l'âge d'or de la liturgie : création de rites multiples ; enrichissement par des symboles empruntés au judaïsme ou au paganisme (lumières, gestes, vêtements, comparaisons poétiques) ; apparition de théologies symboliques comme celle d'Augustin, reliant entre eux et au mystère du salut les thèmes divers et désormais somptueusement étoffés. Cette pensée symbolique n'incluait aucune négation de la réalité de la présence du corps et du sang du Christ, même si celle-ci ne faisait pas l'objet d'analyses spécifiques. Le haut Moyen Âge avait gardé un sens vigoureux de la symbolique mais, dès le xie siècle, survient la crise déclenchée par la réaction de Bérenger de Tours contre un matérialisme sacramentel très accusé. Bérenger semble nier la présence réelle, montrant par là que les augustiniens eux-mêmes ne comprennent plus le réalisme du symbole. Des siècles de dévotions au Saint-Sacrement et de constructions théologiques, l'intervention d'un concile (quatrième concile du Latran, 1215), ne sembleront pas de trop pour assurer cette doctrine. En outre, au xiiie siècle, la participation réelle de l'assemblée est déjà très réduite (langue, évolution du chant), la théologie eucharistique s'appauvrit et n'est plus en connaturalité avec les symboles, la mentalité scolastique tend à définir avec précision le statut ontologique des réalités de salut. Toute l'attention se concentre sur la présence réelle du Christ, jusqu'à ce qu'une autre controverse vienne fournir un nouveau point de fixation. La doctrine scolastique était restée discrète et traditionnelle quant à l'aspect[...]

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Écrit par

  • : docteur en théologie, dominicain, directeur du centre de formation théologique du Saulchoir, directeur de la revue La Vie spirituelle

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