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1934 2e Coupe du monde de football

Dans le climat outrancier de l'Italie fasciste, l'organisation de la IIe Coupe du monde est affaire d'État pour le régime mussolinien, et le duce en personne assiste le 24 mai à Rome, dans le stade du parti fasciste porté à quarante-cinq mille places pour la circonstance, à la rencontre États-Unis - Mexique (4-2), qui doit désigner le seizième pays qualifié sur les vingt-neuf ayant tenté d'accéder à la phase finale, qui va se dérouler du 27 mai au 10 juin, selon la formule de l'élimination directe.

Pour ce qui est de la France, vingt-deux joueurs ont été préparés avec soin depuis la mi-mai par le magister britannique G.S. Kimpton – adepte d'un WM permettant un marquage serré – à Compiègne d'abord, puis durant quatre jours dans la région des lacs italiens, à Orta. En revanche, ne sont présents ni l'Angleterre, toujours en froid avec la Fédération internationale, ni l'Uruguay, dont les champions ont vieilli, tandis que l'Argentine et le Brésil ont envoyé des équipes faibles.

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Le dimanche 27 mai, à Rome, l'Italie écrase les États-Unis (7-1), tandis qu'à Gênes l'Espagne ne laisse nulle chance au Brésil (3-1) ; à Naples, la Hongrie domine l'Égypte (4-2, douce revanche d'une défaite concédée lors des Jeux Olympiques de 1924) ; à Trieste, la Tchécoslovaquie peine pour venir à bout (2-1) d'une coriace Roumanie – qui, lors de la phase qualificative, avait surpris en coupant à la Yougoslavie la route de l'Italie. À Milan, la défense suisse et son gardien Franck Sechehaye restent quasi hermétiques, malgré les efforts de l'avant-centre “Bep” Backhuys et de ses équipiers, pourtant soutenus par sept mille Néerlandais, et la Suisse bat les Pays-Bas 3 buts à 1 ; à Florence, l'Allemagne (3 buts de l'avant-centre Conen) fait bon marché de la Belgique (5-2), alors qu'à Bologne la Suède renvoie chez elle l'Argentine (3-2). Au stadio Mussolini de Turin, la France ne désespère pas d'éliminer le fameux Wunderteam autrichien ; Jean Nicolas, violemment choqué par Smistik, n'en ouvre pas moins le score dès la dix-huitième minute sur passe de Keller ; l'artiste Mathias Sindelar en personne égalise juste avant la mi-temps ; plus rien n'est marqué, et il faut disputer la prolongation. À la quatre-vingt-treizième minute, le stade entier voit Schall en position de hors-jeu, sauf l'arbitre néerlandais qui valide ce but décisif, car la troisième réalisation de Bican, à laquelle répond un penalty de Verriest, ne renverse plus le cours des choses ; la rencontre a été appréciée par toute la presse. À leur retour en France, plus de trois mille personnes attendront à la gare de Lyon Thépot, Mairesse, Mattler, Delfour, Lietaer, Alcazar, Rio, Aston, Keller, Nicolas et Verriest pour les remercier et les acclamer.

Voici déjà, le jeudi 31 mai, les quarts de finale : à Turin, il faut attendre la quatre-vingt-troisième minute pour que Nejedly qualifie la Tchécoslovaquie (3-2) face à la Suisse, à l'issue d'une rencontre serrée ; à Milan, seules deux belles réussites d'Hohmann, l'intérieur droit, permettent à l'Allemagne de battre la Suède (2-1). Mais l'âpreté des deux derniers affrontements est autrement saisissante. À Bologne, l'Autriche et la Hongrie semblent régler des querelles ancestrales, orage au-dessus des têtes et sur le terrain ; Lischek, auteur du second but autrichien, le premier ayant été marqué par Horvath, reste étendu à la cinquante-troisième minute, quatre Hongrois sont blessés et Markos expulsé peu avant la fin ; le penalty de Sarosi, à la soixante-septième minute, ne peut suffire à empêcher l'élimination hongroise. À Florence, c'est dans la douleur que l'Italie va se frayer son chemin contre l'Espagne : cent vingt minutes n'aboutissent qu'à une égalité (1-1) ; à trente-trois ans, le gardien de but Ricardo Zamora, “El Divino”, s'est encore montré excellent, tout comme son homologue et autre capitaine Giampiero Combi ; il faut rejouer la rencontre dès le lendemain avec sept nouveaux chez les Ibériques et cinq chez les Transalpins ; douze minutes après le début du match, tandis que sur un corner l'on “s'occupe” de Noguès, le gardien de but espagnol, Giuseppe Meazza inscrit le seul but de la rencontre, et les efforts de l'arrière au bandeau Quincocès, déjà extraordinaire la veille et qui reste crucifié sur le terrain au coup de sifflet final, demeureront vains.

Le dimanche 3 juin à San Siro, soixante mille Italiens doivent porter par des clameurs incessantes leurs compatriotes ; Guaita, en marquant à la vingtième minute le seul but d'une partie jouée dans un marécage, permet à l'Italie d'éliminer l'Autriche ; à Rome, le fameux gardien de but Frantisek Planicka (74 sélections à la fin de sa carrière) donne confiance à ses coéquipiers ; trois buts, dont deux de Nejedly, et les joueurs de Tchécoslovaquie sortent l'Allemagne, qui n'en marque qu'un. Après que, à Naples, l'Allemagne eut privé l'Autriche de la troisième place (3-2), vient, ce 10 juin, le jour tant attendu par le peuple italien et son duce ; pourtant, à Rome, c'est bel et bien Puc qui donne l'avantage aux Tchécoslovaques : 1 but à 0 à la soixante-dixième minute ; les vociférations incessantes s'arrêtent ; pour reprendre de plus belle à la quatre-vingt-cinquième minute quand Orsi, enfin, égalise ; au début de la prolongation, un but de Schiavo soulage tout un peuple.

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Ainsi la Squadra Azzurra, préparée par l'intelligent Vittorio Pozzo, forte de ses Combi, Monzeglio, Allemandi, Ferraris IV, Bertolini, Meazza, Schiavo, Ferrari, mais aussi de ses oriundi argentins d'origine – Luigi Monti à l'inadmissible brutalité plus ou moins tolérée par les arbitres, Guaita et Orsi –, a-t-elle atteint son objectif. Mais cette Coupe du monde très européenne s'est déroulée devant un public survolté et dans une atmosphère détestable.

— Jean DURRY

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Écrit par

  • : écrivain, directeur du Musée du sport français, membre de l'Académie internationale olympique

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