PÉROU
Nom officiel | République du Pérou |
Chef de l'État et du gouvernement | Dina Boluarte - depuis le 7 décembre 2022 |
Capitale | Lima |
Langue officielle | Espagnol (Le aymara et le quechua sont reconnus comme langues officielles localement.) |
Population |
33 845 617 habitants
(2023) |
Superficie |
1 285 220 km²
|
Article modifié le
Avec ses paysages très contrastés et ses écosystèmes variés, le Pérou fait partie des pays qui possèdent la plus grande biodiversité de la planète. En 2016, 31,5 millions de Péruviens vivaient sur ce territoire de 1 285 216 kilomètres carrés, divisé en trois grands ensembles géographiques : le désert, fine frange côtière entre l'océan Pacifique et les Andes, où se trouve Lima, capitale et mégapole de 10 millions d'habitants qui regroupe le tiers de la population du pays ; la cordillère andine, qui culmine à 6 768 mètres et regorge de gisements minéraux, abrite la vie humaine et l'agriculture jusqu'à 4 300 mètres ; enfin, la forêt tropicale d'Amazonie, qui couvre près des deux tiers de la surface du pays, même si la densité humaine y est très faible, renferme gaz et pétrole dans ses sous-sols.
Émancipée de l'Espagne en 1824 après la lutte d'indépendance menée par les élites créoles (descendants d'Européens nés en Amérique), la jeune République connaît une forte instabilité politique ponctuée de coups d'État successifs, puis une cuisante défaite lors de la guerre contre ses voisins chiliens (1879-1883). La profusion de révoltes paysannes indigènes jusqu'au milieu du xxe siècle révèle les profondes inégalités de la société péruvienne. Mais il faut attendre la prise du pouvoir par la junte militaire, en 1968, pour que la réforme agraire démantèle définitivement l'oligarchie terrienne. Depuis 1980, le régime démocratique domine la scène politique.
Au-delà de ses ressources naturelles exceptionnelles, le « pays des Incas » possède un patrimoine archéologique qui en fait une destination touristique internationale majeure. Le Pérou se distingue encore par sa diversité socioculturelle et linguistique : multiplicité de cultures hybrides où s'entrelacent influences indigènes, de descendants d'esclaves africains, de coolies asiatiques et d'immigrés européens. « Il n’y a pas de pays plus diversifié, avec autant de variété terrestre et humaine », écrivait l’écrivain péruvien José María Arguedas.
Néanmoins, le Pérou se caractérise aussi par la misère endémique qui touche une majorité de ses habitants, principalement en zone rurale et dans les périphéries urbaines. Les inégalités sociales, l'exclusion et le racisme expliquent, en partie, le déploiement de la violence politique au cours des deux dernières décennies du xxe siècle. La lutte armée lancée par la guérilla maoïste radicale du Sentier lumineux et la répression sanglante des forces de l'ordre ont plongé le pays dans l'épisode le plus sombre de son histoire républicaine.
Géographie
La représentation la plus courante du territoire péruvien s'appuie sur la distinction entre le désert côtier, la montagne et la forêt amazonienne. Elle symbolise la variété des milieux écologiques mais sert aussi de base pour caractériser leurs habitants, comme pour expliquer leurs situations économiques respectives, au risque de gommer le poids de l'histoire et des décisions politiques dans les disparités spatiales du pays.
La diversité des milieux
Un vaste territoire
Le Pérou, autrefois immense vice-royaume dépendant de l'Espagne, est aujourd'hui un pays de taille moyenne : le Brésil est six fois plus grand et l'Argentine deux fois plus. Néanmoins, avec ses 1 285 216 kilomètres carrés, il est plus étendu que ses voisins andins (Bolivie, Équateur) et bien plus vaste que n'importe quel pays d'Europe occidentale. Au nord, il atteint presque l'équateur, et sa pointe méridionale se situe à quelques degrés du tropique du Capricorne. Cette extension contribue à expliquer la variété de ses climats. La saison sèche est plus courte dans le nord que dans le sud, du fait des passages plus prolongés de la convergence intertropicale. Les températures sont plus constamment élevées dans le nord ; dans le sud et le centre, les hivers sont parfois très rigoureux. En revanche, le nord est touché plus directement que le sud par les oscillations climatiques d'El Niño qui provoquent de fortes inondations. Au sud et dans le centre, les remontées d'eau froide du Pacifique, permises par la dérive des eaux superficielles vers le nord - nord-ouest (courant de Humboldt), bloquent l'ascendance de l'air, empêchant les précipitations et provoquant la formation de brouillards, pendant l'hiver austral, dans la région côtière. Le nord, qui échappe en partie à cette influence, est moins aride, d'autant que les Andes, moins massives, ne font pas obstacle aux vents chargés d'humidité venus de l'Amazonie ; le versant occidental est, comme le versant oriental, assez abondamment arrosé, alors qu'une grande partie de l'ensemble andin méridional reçoit peu de précipitations.
Le rôle prédominant des Andes
C'est le relief andin qui, par la combinaison de son volume et du climat tropical, rend la diversité des milieux exceptionnelle. La cordillère andine culmine au Pérou à 6 768 mètres (Nevado Huascarán), comporte des dizaines de sommets à plus de 5 000 mètres et atteint de 400 à 500 kilomètres de largeur dans le sud ; elle est plus étroite et plus basse dans le nord, avec des crêtes entre 3 000 et 4 000 mètres. Les versants des piémonts sont abrupts, résultat des plissements qui commencèrent au Crétacé (il y a environ 100 Ma), accompagnés d'intrusions de batholites et d'émissions volcaniques auxquelles sont associés de très nombreux gisements métalliques. Le soulèvement des Andes et leur érosion, à l'origine du dépôt de grandes quantités de sédiments dans les plaines pacifique et amazonienne, où se trouvent les gisements de gaz et de pétrole, se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. La subduction de la plaque océanique sous la plaque continentale sud-américaine explique cette dynamique qui génère une sismicité pratiquement permanente, le plus souvent de faible intensité, mais avec, périodiquement, des mouvements de grande magnitude (7,9 MW en magnitude du moment lors du tremblement de terre du 15 août 2007).
À l'intérieur de la cordillère, on distingue d'un point de vue géomorphologique deux chaînes de montagne principales, parallèles à la côte (nord - nord-ouest/sud - sud-est) et subdivisées en plusieurs branches. Entre celles-ci, de hauts plateaux, situés à environ 4 000 mètres d'altitude, parsemés de lacs et surmontés de volcans, composent l'un des paysages les plus caractéristiques des Andes centrales tropicales. Ils sont particulièrement favorables à la circulation. Plus bas, des vallées plus ou moins larges et plus ou moins encaissées sont façonnées par des cours d'eau qui coulent d'abord parallèlement aux chaînes et creusent, ensuite, des gorges profondes pour rejoindre le bassin amazonien.
La diminution des températures avec l'altitude (5 à 6 degrés tous les 1 000 mètres) transforme le climat tropical classique − chaud toute l'année − en climat tropical de montagne.
Les milieux d'altitude
Au-dessus de 3 800 mètres, les gelées nocturnes sont fréquentes ; elles sont utilisées pour la conservation des aliments. Une steppe herbeuse, plus drue au nord, avec quelques bosquets d'arbres natifs, sert de pâturage, sur des sols peu développés. Jusqu'à 4 200-4 300 mètres sont cultivées des variétés douces et amères de pommes de terre. Les températures diurnes sont positives toute l'année – les moyennes annuelles sont situées entre 4 et 10 0C − rendant possible la présence humaine, malgré la diminution de l'oxygène dans l'air. La limite des neiges éternelles se situe autour de 5 000 mètres. À moindre altitude, entre 3 500 et 4 000 mètres, les gelées sont limitées à la saison sèche et les cultures sont plus variées : quinoa, lupins, fèves, oca, olluco, orge. Encore plus bas, les températures moyennes, plus élevées, entre 11 et 17 0C, et les précipitations relativement abondantes, entre 400 et 1 000 millimètres par an selon la latitude et l'exposition, sont propices à des cultures comme le maïs et le blé. Les gelées disparaissent au-dessous de 3 000 mètres. Des arbres fruitiers d'origine européenne (pruniers, pommiers, pêchers, etc.) sont plantés dans certaines vallées. L'eucalyptus est largement utilisé pour la reforestation. Des ouvrages d'irrigation, le plus souvent de petite dimension, complètent l'agriculture pluviale.
Les piémonts : ouest aride, est humide
Au-dessous de 2 200 mètres, versants et plaines des piémonts composent également des milieux très originaux. Sur le littoral, la température moyenne annuelle − 19 0C à la hauteur de Lima − est inférieure à celle de la côte brésilienne à la même latitude, avec une forte humidité mais des précipitations presque nulles, sauf dans le nord. Les eaux froides expliquent l'abondance de la faune marine : poissons – pêchés et exportés sous forme de farine essentiellement −, oiseaux à l'origine du guano, phoques, etc.
L'irrigation, très tôt développée par les cultures préhispaniques sur de grandes extensions, est indispensable à l'agriculture. L'eau est dérivée des fleuves côtiers, qui prennent naissance dans la cordillère, ou puisée dans les nappes phréatiques du piémont. Dans les périmètres irrigués, canne à sucre, riz, coton, maïs pour le bétail laissent de plus en plus de place à des cultures développées plus récemment : asperges, artichauts, piments, mangues et citriques, etc. En dehors de ces périmètres, l'absence de végétation caractérise une grande partie de la frange côtière : les roches et le sable, accumulés sur les pentes ou sous forme de dunes, où prospèrent les élevages avicoles, dominent les paysages. Les brouillards permettent, pendant la saison froide, la croissance d'une végétation d'herbes et d'arbustes dans des creux topographiques et sur les pentes les mieux exposées. Au-dessus des brouillards, entre 500 et 2 000 mètres, les températures restent élevées toute l'année − entre 20 et 24 0C − et un grand nombre de cultures sont possibles dans les fonds de vallée (arbres fruitiers en particulier, dont la lucuma, l'avocatier...), lorsque ces derniers ne se réduisent pas à une étroite gorge entre des versants escarpés et arides, où poussent le Schinus molle (faux poivrier) et diverses variétés de cactus.
Le piémont oriental des Andes péruviennes, qui constitue plus de la moitié du territoire national, appartient au bassin amazonien. Les vallées étroites qui descendent des Andes, à la limite de l'air froid des hauteurs et de l'air chaud et humide de l'Amazonie, sont très arrosées : plus de 3 000 millimètres par an. La grande variété de la faune et de la flore originelles a diminué avec l'intensification de la mise en culture, qui a commencé à l'époque coloniale, a repris au xixe siècle et s'est accélérée surtout dans la seconde moitié du xxe siècle. Les températures élevées et stables au cours de l'année sont favorables aux cultures permanentes, comme le thé, le café, associées à des fruits comme la banane ou l'orange et à des cultures vivrières comme le manioc ou le riz. Diverses races de bovins et de zébus ont été introduites parallèlement. La coca a connu un développement rapide depuis les années 1970, malgré les politiques visant à son élimination. L'exploitation du bois précède et accompagne le développement des cultures. Les vastes plaines de l'Amazone, au nord, et du Madre de Dios, au sud, au-dessous de 500 mètres, sont moins densément peuplées que le versant andin. Les grands cours d'eau qui les parcourent forment d'innombrables méandres, qui servent de voies de communication en l'absence presque totale de routes. Cependant, le boom du pétrole, dans les années 1970, a accéléré l'immigration et la croissance des villes du nord oriental, dont Iquitos. L'exploitation de l'or, déposé par les cours d'eau, a également provoqué un regain de migrations vers le Madre de Dios à partir des années 1980.
Un territoire à la construction complexe
Diversité et richesse culturelles
L'organisation de l'espace actuel est due tout autant, sinon plus, à une histoire complexe qu'à la géographie physique. Aujourd'hui, la population est concentrée dans les oasis côtières et les vallées tempérées, où se trouvent pratiquement toutes les grandes villes (à quelques exceptions près, comme Puno et Juliaca à 3 800 m, la ville minière de Cerro de Pasco à 4 300 m, ou Iquitos dans la plaine amazonienne) et où les densités rurales sont souvent de l'ordre de 50 habitants par kilomètre carré. Cependant, beaucoup d'étendues apparemment vides, en altitude ou dans les plaines orientales, sont aménagées et fournissent pâturages, combustibles, produits de la chasse ou de la cueillette, minéraux. Et toutes les régions géographiques avaient participé au développement des cultures préhispaniques, dont les centres étaient situés aussi bien en altitude (Tiahuanaco, Chavín) que dans des vallées tempérées (Wari, Inca), sur la côte (Chimu, Moche, Nazca) que sur le versant oriental de la cordillère (Chachapoyas). Les toponymies et les langues encore parlées sur le territoire (plusieurs variétés de quechua, deux variétés principales d'aymara, une quarantaine de langues amazoniennes dont l'aguaruna, l'asháninka, le shipibo, le chayahuita) témoignent de la diversité des cultures, des échanges et des déplacements de population.
Les héritages géographiques de l'histoire
Les ruptures et les réorganisations introduites par la conquête espagnole, à commencer par la brutale diminution démographique, marquèrent durablement l'espace. Les fondations de villes (dont la capitale Lima, en 1535), les restructurations administratives, les déplacements forcés de main-d'œuvre, l'importation d'esclaves (toutefois plus limitée que dans les Caraïbes et au Brésil), la recherche de ressources naturelles, minières en particulier, modifièrent le peuplement tout au long de l'époque coloniale. La conquête a signifié également l'introduction de nouvelles cultures (blé, orge, vigne, etc.), d'espèces animales (caprins, ovins, bovins, animaux de basse-cour) et de techniques (araire, roue...) qui ont transformé l'utilisation des milieux. Puis, à partir du xixe siècle, se multiplièrent les investissements péruviens et étrangers dans le cadre de l'industrialisation et de l'expansion des échanges mondiaux.
Les régions ont conservé l'héritage des époques de prospérité, parfois encore visible dans l'architecture, la richesse des œuvres d'art ou la renommée des grandes familles. Ainsi, les Andes du Sud ont fourni main-d'œuvre, aliments, bois d'étayage et de combustion à la mine d'argent de Potosí (aujourd'hui en Bolivie), et ont ensuite participé, à partir du xixe siècle, au boom de l'exportation de la laine (Arequipa en assurait la transformation et la commercialisation) ; la côte a vu se développer l'exploitation du guano et les cultures commerciales du sucre de canne et du coton ; les versants caféiers, surtout à l'est de la cordillère, ou encore les enclaves qui se sont créées autour des activités d'extraction (mines de Cerro de Pasco, pétrole vers Talará, caoutchouc puis pétrole dans la région d'Iquitos...) témoignent également de la marque des cycles économiques sur les paysages. Lima, la capitale qui a toujours centralisé les activités, n'a cessé de gagner en importance, surtout à partir du xixe siècle, passant le cap du demi-million d'habitants dès les années 1930.
La géographie actuelle est également le résultat de la brutalité des rapports de force sociaux et ethniques. Jusqu'au milieu du xxe siècle, une minorité de propriétaires terriens, souvent d'origine espagnole ou européenne, réussit à concentrer entre ses mains, par l'emploi de méthodes souvent abusives et en profitant de l'affaiblissement considérable de la population autochtone à partir de la conquête, l'essentiel des ressources foncières, hydriques et minières. Forte de cette hégémonie, elle exerçait sur les paysans attachés au domaine, d'origine essentiellement indigène, et sur les travailleurs agricoles permanents, indigènes, noirs et asiatiques – coolies chinois importés à la fin du xixe siècle et leurs descendants − un contrôle sévère, qui transparaît encore dans l'organisation des bourgs formés autour des maisons de maître. Proches du pouvoir, les grands propriétaires fonciers décidaient de la construction des routes et des chemins de fer, contribuant également, selon leur bon vouloir, à l'introduction de l'électricité, de la télévision, de l'éducation dans les campagnes. Les grands domaines ont, pour la plupart, disparu avec la réforme agraire de 1969, qui entraîna leur expropriation et la formation de coopératives de production confiées aux travailleurs. Ces coopératives furent presque immédiatement dissoutes, sauf les grandes coopératives sucrières de la côte nord, ainsi que quelques coopératives d'élevage dans les Andes centrales. De petites parcelles, exploitées individuellement par les anciens travailleurs, ont alors succédé aux grandes. Parallèlement, des communautés indigènes ont conservé des portions de leurs anciens territoires, devenus inaliénables depuis la Constitution de 1933 ; les familles cultivent en usufruit de petits lopins, distribués entre plusieurs terroirs bien délimités et reconnaissables dans le paysage.
Explosion démographique et migrations vers la côte et les villes
L'accélération des déplacements de longue durée s'explique, en partie, par la libération de la main-d'œuvre des grands domaines, mais surtout, et plus généralement, par la croissance démographique. Celle-ci atteint son taux le plus élevé dans les années 1960, presque 3 % par an, en raison de la diminution de la mortalité infantile et de l'accroissement général de l'espérance de vie, sans réduction des naissances dans un premier temps. Cette croissance, qui est encore forte (environ 1,5 % par an au début du xxie siècle), rend presque inévitable le départ d'une partie des jeunes générations de ruraux. Celles-ci sont également attirées par les possibilités nouvelles qu'offrent les agglomérations, en termes de services, de formation, d'emplois valorisants. Leurs destinations sont les villes, surtout Lima, ainsi que les piémonts et les plaines amazoniens, colonisés aux dépens des peuples originels et où l'exploitation de l'or et surtout la culture de la coca offrent des revenus élevés. La population des cordillères a augmenté (environ 9 millions d'habitants au début des années 2000, contre 6 millions dans les années 1970), mais son importance relative a diminué. Elle représente environ un tiers de la population totale, contre presque la moitié au début des années 1970. Lima, dont la population, jeune, croît aussi de façon endogène, concentre plus de 8 millions d'habitants sur les 29,5 millions de Péruviens en 2011. La deuxième ville, Arequipa, située à 2 300 mètres d'altitude, est presque dix fois moins peuplée. Les trois autres villes les plus importantes : Piura, Chiclayo et Trujillo, sont sur la côte nord, où le développement du commerce et l'expansion des services sont facilités par les fortes densités héritées de l'histoire, par la proximité des ports, par la facilité du passage vers le piémont amazonien et par la présence de la route panaméricaine, axe principal du pays. Cuzco, l'ancienne capitale inca, n'est plus que la huitième ville du Pérou, avec plus de 400 000 habitants en 2011.
Le maintien des disparités sociospatiales
Les disparités entre villes et campagnes se sont largement maintenues. L'éducation primaire s'est diffusée dans les bourgs et villages, permettant aux enfants des familles les plus aisées d'aller ensuite continuer leurs études en ville. Cependant, l'éducation secondaire et supérieure reste encore largement concentrée dans les agglomérations principales, à Lima et dans ses arrière-pays, le long de la panaméricaine et de la route dite « centrale », qui relie la capitale à la cordillère et au versant oriental.
De même, les activités industrielles (sidérurgie, pétrochimie, métallurgie, agro-industrie, industrie textile, du cuir, du bois...) et surtout tertiaires se sont développées essentiellement dans la capitale et dans les quelques grandes villes régionales ; l'artisanat rural a diminué devant la concurrence des biens manufacturés, souvent importés en contrebande. L'électrification s'est effectuée à partir des villes, qui ont été pourvues avant même les espaces ruraux proches des centrales hydroélectriques. Dans la seconde moitié des années 1980, les politiques de soutien à l'agriculture paysanne – crédit, subventions, présence de techniciens dans les campagnes – ne suffirent pas à compenser l'instabilité macroéconomique et la priorité donnée à la consommation urbaine. La frustration des paysanneries explique, en partie, l'influence qu'a pu avoir la guérilla maoïste du Sentier lumineux. La violence, amplifiée par l'intervention des forces de l'ordre, a accentué à son tour les migrations depuis les campagnes les plus menacées (Ayacucho, Huancavelica, Apurímac) vers les villes les plus proches et vers Lima. L'État ne reprendra le contrôle du territoire qu'à partir du début des années 1990, au prix d'une guerre qui fit près de 70 000 morts.
Les effets mitigés de la mondialisation
Dans le contexte de la libéralisation des années 1990, l'État se retire des activités productives et supprime ses actions de soutien direct à l'agriculture. Il développe désormais les infrastructures nécessaires à l'entreprise privée : grands projets d'irrigation, construction ou amélioration des routes qui permettent l'exportation des produits miniers et du gaz en reliant l'intérieur à la côte. La construction des routes devant permettre de joindre l'Atlantique au Pacifique à travers les Andes, dans le nord et dans le sud, est attribuée en concession, tout comme la gestion des aéroports. Des pans entiers de l'économie, comme les mines et la téléphonie, sont privatisés. Les entreprises étrangères, d'origine américaine (États-Unis, Chili, Colombie, Canada...), européenne (Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas) ou asiatique (Chine...), sont de plus en plus nombreuses à investir dans ces secteurs et dans d'autres, comme la grande distribution, l'hôtellerie, la banque ou encore l'agriculture. Dans les campagnes, une réforme foncière d'inspiration libérale, dont la mise en œuvre est appuyée par la Banque interaméricaine de développement (BID), facilite l'acquisition de terres par des investisseurs privés, y compris dans les territoires des communautés indigènes jusque-là protégés, ou dans ceux des quelques coopératives agricoles encore existantes, obligées de se transformer en sociétés anonymes par actions. Ces nouveaux entrepreneurs jouent un rôle moteur dans l'essor d'une agriculture tournée vers des marchés mondiaux en développement, surtout sur la côte, mieux desservie. Quelques produits d'exportation se développent aussi dans la cordillère, l'artichaut par exemple. Au total, les exportations ont explosé : de 3 milliards de dollars en 1990, à 7 milliards en 2001 et plus de 45 milliards en 2011 ; les importations (combustibles, biens de consommation intermédiaire, biens d'équipement) ont également progressé. Parallèlement, le tourisme a augmenté : environ 2 millions de personnes visitent le pays chaque année, générant 2,4 milliards de dollars d'entrées de devises en 2010. Le Pérou exporte également de plus en plus sa force de travail à l'étranger (dans les pays voisins, mais aussi aux États-Unis et au Canada, en Europe du Sud) et les remises d'argent sont passées de 700 millions de dollars en 2000 à 1 440 millions en 2005. Au total, le P.I.B. a augmenté à un rythme de 5 à 8 % par an entre 2004 et 2011.
Ces dynamiques de développement ne résolvent pourtant pas tous les problèmes de l'aménagement du territoire. Populations et milieux apparaissent peu protégés face à l'accroissement des pollutions et de la pression sur les ressources : terre, eau, végétation amazonienne. Les dégâts provoqués par les tremblements de terre et les Niño mettent régulièrement en évidence le manque de mesures de prévention. Ainsi, les quelque cinq cents morts lors du séisme d'août 2007 sont en grande partie la conséquence du non-respect des normes de sécurité dans les bâtiments et de l'improvisation dans l'organisation des secours. Des zones entières échappent, en partie, au contrôle de l'État, en particulier dans les vallées productrices de coca (vallées de l'Apurímac et de l'Ené, Huallaga), où le narcotrafic élève les niveaux de violence et d'insécurité. Plus encore, 31 % des Péruviens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Ce taux est plus élevé dans les campagnes. L'agro-industrie et l'activité minière, dans un contexte de technologies sophistiquées, génèrent peu d'emplois permanents, susceptibles d'élever durablement le niveau de vie des populations. Les petites exploitations familiales ont, pour leur part, du mal à alimenter des filières aux règles strictes imposées par les pays du Nord, alors que le crédit des banques commerciales reste hors de leur portée. Les produits miniers représentent 60 % de la valeur des exportations en 2003, mais leurs gains partent, en partie, à l'étranger.
L'instauration du suffrage universel, depuis 1980, et les lois de régionalisation et de décentralisation, qui se sont difficilement mises en place depuis lors, ont permis la participation des sociétés locales aux décisions qui les concernent. Mais la pratique démocratique se heurte encore à la corruption et à l'autoritarisme ; les collectivités territoriales ont souvent du mal à faire reconnaître leurs droits dans les conflits qui les opposent aux compagnies minières polluantes ou aux spéculateurs. La redistribution sociale et géographique des bénéfices de la croissance économique des premières années du xxie siècle, comme celle du pouvoir politique, restent donc des enjeux majeurs.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- François BOURRICAUD : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
- Albert GARCIA : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris-X
- Alain LABROUSSE : retraité de l'Éducation nationale, expert dans le domaine de la géopolitique des drogues
- Évelyne MESCLIER : ancienne élève de l'École normale supérieure, docteur de l'université de Paris-VII, géographe chargée de recherches (C.R. 1) à l'Institut de recherche pour le développement
- Valérie ROBIN AZEVEDO : professeure des Universités en anthropologie à l'université de Paris, laboratoire URMIS
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
PÉROU, chronologie contemporaine
- Écrit par Universalis
-
ALTIPLANO
- Écrit par Olivier DOLLFUS
- 549 mots
- 3 médias
-
AMÉRINDIENS - Hauts plateaux andins
- Écrit par Carmen BERNAND
- 4 691 mots
...piémont forestier des Andes. Le conflit s'acheva en 1572 avec la capture et la décapitation de l'Inca Tupac Amaru, le dernier souverain de la dynastie. La chute des souverains « naturels » du Pérou eut pour effet la perte d'influence des élites péruviennes et la transformation d'une population contrastée... -
AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Jean AUBOUIN , René BLANCHET , Jacques BOURGOIS , Jean-Louis MANSY , Bernard MERCIER DE LÉPINAY , Jean-François STEPHAN , Marc TARDY et Jean-Claude VICENTE
- 24 173 mots
- 23 médias
...Chili central (320 S.), les épandages volcaniques du Trias moyen à supérieur (formation Pichidangui) dépassent 6 000 mètres d'épaisseur. Des faciès comparables se retrouvent au Pérou (groupe Chocolate) entre 80 S et 60 S. Les faciès plus orientaux du Pérou central, dépourvus de volcanisme,... -
AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géographie
- Écrit par Jacqueline BEAUJEU-GARNIER , Danièle LAVALLÉE et Catherine LEFORT
- 18 110 mots
- 9 médias
Les chaînes montagneuses sud-américaines peuvent être divisées en trois parties : jusqu'au centre duPérou, les cordillères sont vigoureuses, séparées par de profonds fossés tectoniques dont celui du río Magdalena est le plus remarquable ; les volcans forment les principaux sommets, le plus élevé... - Afficher les 66 références
Voir aussi
- AGRAIRES RÉFORMES
- IRRIGATION
- HUMALA OLLANTA (1962- )
- AJUSTEMENT STRUCTUREL
- SECTEUR INFORMEL
- GUANO
- LATIFUNDIA
- AGRAIRES STRUCTURES
- AMÉRIQUE ESPAGNOLE
- PAUVRETÉ
- CATASTROPHES NATURELLES
- EXTRACTION, métallurgie
- TUPAC AMARU MOUVEMENTS RÉVOLUTIONNAIRES
- GRANDE-COLOMBIE RÉPUBLIQUE DE (1819-1830)
- KUCZYNSKI PEDRO PABLO (1938- )
- TOLEDO ALEJANDRO (1946- )
- PIÉMONT, géographie
- ESPAGNOL EMPIRE COLONIAL
- AMÉRIQUE DU SUD
- SANTA CRUZ ANDRÉS (1792-1865)
- CRÉOLE
- PIÉROLA NICOLÁS DE (1839-1913)
- CASTILLA RAMÓN (1797-1867)
- PRADO Y UGARTECHE MANUEL (1889-1967)
- ODRÍA MANUEL ARTURO (1897-1974)
- APRA (Alianza popular revolucionaria americana)
- FEMME
- BUSTAMENTE Y RIVERO JOSÉ LUIS (1894-1989)
- FONCIÈRE RURALE POLITIQUE
- STÉRILISATION HUMAINE
- COUP D'ÉTAT
- SISMICITÉ ou SÉISMICITÉ
- AMÉRINDIENS ou INDIENS D'AMÉRIQUE, Amérique du Sud
- TREMBLEMENT DE TERRE
- COMERCIO EL
- ESPAGNE, histoire : XVIIIe et XIXe s.
- AYLLU
- RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE
- POLITIQUE ÉCONOMIQUE
- EXPORTATIONS
- DIRIGEANTES CLASSES
- VIOL
- MORALES BERMÚDEZ FRANCISCO (1921- )
- ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE, histoire, de 1945 à nos jours
- PRIVATISATION
- COMMERCE DES ARMES
- TRAFIC DE DROGUE
- CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE
- CORRUPTION
- GARCIA ALAN (1948-2019)
- SENTIER LUMINEUX