NOUVELLE VAGUE, cinéma
En 1959, lors du 12e Festival international de Cannes, sont présentés simultanément Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais et Les 400 Coups de François Truffaut, qui obtient le prix de la mise en scène. En février et mars étaient sortis avec succès les deux premiers films de Claude Chabrol, Le Beau Sergeet Les Cousins. Deux ans plus tôt, Et Dieu créa la femme, de Roger Vadim, avec Brigitte Bardot dans le rôle principal, avait fait scandale. Le jeune critique François Truffaut jugeait le film « typique de notre génération, d’une grande franchise », à la fois amoral et puritain. En 1958, Truffaut saluait également Les Amants, de Louis Malle, avec Jeanne Moreau, comme « la première nuit d’amour du cinéma », « d’une pudeur absolue ». Pendant ce temps, dans des films moins ambitieux, le public s’habituait à de nouveaux visages, de nouveaux gestes et de nouveaux comportements : ceux d’Alain Delon, de Mylène Demongeot, de Jean-Paul Belmondo, de Sami Frey, de Pascale Petit... Leur jeu spontané et décontracté ne s’inspirait plus de Gérard Philipe ou Martine Carol, mais de Marlon Brando, James Dean, Cary Grant ou Marilyn Monroe.
Une génération chasse l’autre ?
« Il s’agissait avant tout d’une relève de génération », expliquera Éric Rohmer quelques années plus tard. La nouvelle vague est en effet née de la rencontre du baby-boom et des Trente Glorieuses, à la charnière de deux Républiques. L’année même du triomphe d’Alain Resnais et de François Truffaut à Cannes, le sociologue et démographe Alfred Sauvy publie La Montée des jeunes : une montée qu’il estime « irrépressible » parce que, biologiquement, « la matière vivante l'emporte [toujours] sur la matière morte ». C’est d’ailleurs un slogan journalistique, sans rapport avec le cinéma, qui a suscité le terme de « nouvelle vague ». Le 3 octobre 1957, L’Express titre : « La Nouvelle Vague arrive ! » Françoise Giroud y commente les résultats d’une enquête sociologique effectuée auprès de jeunes de 18 à 30 ans. Le terme passe l’année suivante de la sociologie au cinéma sous la plume du critique Pierre Billard.
« Nouvelle vague » désigne alors tout ce qui relève de la « jeunesse » au cinéma. On y mêle indistinctement nouveaux réalisateurs novateurs ou académiques, anciens assistants déjà usés et jeunes critiques ambitieux. C’est la « nouvelle vague » au sens le plus large. En 1959, un colloque organisé à La Napoule près de Cannes conclut que ce qui caractérise ce jeune cinéma français, c’est « la diversité » !
À l’intérieur de cette ruche, on repère trois groupes. Le premier, souvent appelé groupe Rive gauche, est constitué de cinéastes venus du court-métrage, politisés et proches des auteurs du Nouveau Roman : Alain Resnais, Agnès Varda, Chris Marker, Henri Colpi... Le second groupe est constitué de cinéastes venus de la critique et particulièrement des Cahiers du cinéma et de l’hebdomadaire Arts. Ce sont Maurice Schérer (qui prend le pseudonyme d’Éric Rohmer), Jacques Rivette, François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Jean Douchet, Luc Moullet, et leurs proches, Jean-Daniel Pollet, Jacques Demy, Jacques Rozier, le cinéaste-ethnologue Jean Rouch... Leurs conceptions théoriques, publiées dans les Cahiers du cinéma et dans l’hebdomadaire Arts, les rendent plus soudés, plus visibles et aussi plus critiquables.
À ces deux principaux ensembles, il faut ajouter un certain nombre d’indépendants inclassables, tels que Jean-Pierre Mocky, Michel Deville, Claude Lelouch, François Reichenbach, sans oublier les précurseurs, Roger Vadim, Alexandre Astruc (Le Rideau cramoisi, 1952 ; Les Mauvaises Rencontres, 1955), Louis Malle...
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Écrit par
- Joël MAGNY
: critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux
Cahiers du cinéma
Classification
Médias
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