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SIBÉRIE

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Russie : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Russie : carte physique

De l'Oural à l'océan Pacifique, la Sibérie s'étend sur 12 765 900 kilomètres carrés. Cette partie de la Russie, qui présente des reliefs très variés, trouve son unité dans la rigueur de son hiver. Conquise par les tsars au xviie siècle, elle ne fut mise en valeur qu'à la fin du xixe siècle. Puis, le régime soviétique mit en œuvre plusieurs programmes d'aménagement, à grand renfort de fonds publics, mais l'effondrement de l'État dans les années 1990, dans un contexte de déficit démographique, a remis en cause leur pérennité.

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Or la Sibérie est le grand réservoir de matières premières et d'énergie de la Russie, proche de l'Asie orientale, qui en est un consommateur grandissant. Elle fournit actuellement 90 p. 100 de la production russe de gaz ou de charbon, les deux tiers de celle de pétrole, 80 p. 100 de l'aluminium et possède 80 p. 100 des réserves de bois. La Sibérie devient donc un enjeu géopolitique de plus en plus complexe.

— Pascal MARCHAND

L'histoire de la Sibérie est un sujet d'études relativement nouveau. Certes, dès le xviie siècle, des marchands et des savants russes rapportaient les premières observations géographiques et ethnographiques. Certes, de nombreux textes chinois ou arabes, persans ou turcs et des récits de voyageurs du Moyen Âge mentionnent des noms de tribus, des personnages et des faits. Mais cette mosaïque d'informations ne concernait que la frange méridionale d'un immense territoire qui paraissait avoir été désert jusqu'aux Temps modernes, ou pour le moins tellement attardé que les cultures néolithiques du Grand Nord semblaient le produit de quelque culture de tradition ancienne, mais de formation récente. À la fin du xixe siècle, des savants russes pressentirent le lointain passé de tous les territoires sibériens. Depuis le milieu du xxe siècle, des archéologues soviétiques ont éclairé par de remarquables travaux l'histoire millénaire de la Sibérie. Les aspects ethnographiques relevés précédemment ne peuvent plus être considérés comme des survivances d'une tradition inerte, mais bien plutôt comme les dernières étapes d'une longue évolution dont les jalons ne le cèdent pas en mérite à ceux des empires organisés : persistance d'éléments archaïques, mais, à chaque millénaire, remaniés, recombinés en des formules de plus en plus originales et propres à chaque groupe.

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Il reste encore de grandes lacunes, mais les bases préhistoriques et protohistoriques sont désormais plus claires et la Sibérie fait partie intégrante des mondes paléolithique et néolithique.

C'est la raison pour laquelle la majeure partie de ce texte est consacrée à ces nouvelles informations.

Géologie

La Sibérie s'organise autour de la plate-forme sibérienne, flanquée au sud et au nord par des zones de plissements calédoniens et hercyniens et à l'est par des plis mésozoïques et cénozoïques. Cette disposition résulte d'une longue évolution, amorcée dès la fin du Précambrien, à partir d'un continent que l'on a appelé le bouclier de l' Angara (du nom d'un affluent de l'Ienisseï), un des principaux noyaux du continent eurasiatique (cf. asie - Géologie).

Plate-forme sibérienne

Le tréfonds de la plate-forme sibérienne est constitué par de l'Antécambrien plissé. Les Archéides affleurent au centre, dans le bouclier de l'Anabar, avec une direction nord-ouest – sud-est, ainsi que sur la bordure méridionale, près du Baïkal, où elles dessinent un V dont les branches sont nord-ouest – sud-est et nord-est – sud-ouest, et dans le bouclier de l'Aldan, dont les plis sont ouest-nord-ouest – est-sud-est. Les plissements protérozoïques ont les mêmes directions. Ceux des Baïkalides, mis en place à la limite entre Riphéen (Infracambrien inférieur) et Cambrien, sont situés plus au sud et se moulent sur les précédents. Au point de vue pétrographique, l'Archéen comporte des roches ultramétamorphiques non magmatiques granitisées ; au Protérozoïque, l'activité volcanique a été grande : émission de spilites-kératophyres, suivie d'intrusions d'anorthosites, de labradorites, puis de granitoïdes. Au Riphéen, il faut citer les porphyres du Baïkal, puis des intrusions de gabbros-diorites précédant un magmatisme ultrabasique.

La plate-forme présente une série d'ondulations. Au centre se trouve la synéclise de la Toungouska, remplie par un ensemble terrigéno-carbonaté (Riphéen, 3 à 4 km ; Cambrien, 2 à 3 ; Ordovicien-Silurien, 0,5) recouvert par 600 m de Dévonien argileux rouge ou calcaire et par une série volcanogène triasique épaisse de 2 200 m. Elle est flanquée des soulèvements de Touroukhansk à l'ouest, de l'Ienisseï au sud-ouest, où les sédiments ne dépassent pas 2 km, et du bouclier de l'Anabar au nord-est. Au sud-ouest de celui-ci, la synéclise du Viloui, formée au Crétacé, comporte 3 km de Cambro-Silurien terrigène, évaporitique ou carbonaté, une série rouge volcanogène dévono-carbonifère, des molasses à charbon du Jurassique et du Crétacé, marines ou continentales, atteignant 4 km. Des dépressions plus étroites d'âge jurassique se situent au nord du Saïan oriental et près du bouclier de l'Aldan, remplies de Jurassique à charbon. D'autres, plus profondes (Baïkal, Angara supérieur...), ont vu de grandes émissions basaltiques. La Sibérie occidentale est recouverte par une épaisse couverture de sédiments terrigènes, continentaux ou marins, du Mésozoïque et du Cénozoïque reposant sur un socle plissé, paléozoïque ou plus ancien, s'enfonçant parfois à 3 ou 4 km. Les dépressions en sont les suivantes : fosse de Khatanga au sud du Taymir, synéclise de l'Ob-Tazov, fosse de Tourgaï, puis dalle de Touran en Asie centrale, subdivisée en fosse d'Oustiourt-nord, dépression de Tchouik et synéclise de Kyzilkoun-nord.

Plissements calédoniens du sud de la Sibérie

Les plissements calédoniens du sud de la Sibérie s'étendent sur les régions suivantes : partie sud-ouest du Saïan oriental, Sangilen, Touva, Saïan occidental, Alatau (ou Ala-Taou) de Kouznetsk et Salaïr. Les Calédonides sont séparées du bord sud-ouest de la plate-forme par l'anticlinal du Saïan oriental et par une faille qui court du Baïkal à Krasnoïark. Un grand nombre de failles profondes existe entre le Saïan occidental et le Touva, au nord du Saïan occidental, le long de l'Alatau de Kouznetsk, ainsi qu'entre le Tannou-Ola oriental et le Sangilen. Ces failles ont joué depuis très longtemps.

Les Calédonides du Saïan oriental, du Touva et de l'Alatau de Kouznetsk sont les plus anciennes. Le stade géosynclinal a duré du Protérozoïque au Cambrien inférieur. Le Riphéen, encadré de discordances, est quartzitique ; le Cambrien, schisto-calcaire, est volcanogène. Le plissement s'est produit après le Cambrien. Dans les Calédonides du Saïan occidental-Salaïr, le stade géosynclinal s'est étendu du Précambrien métamorphique à l'Ordovicien. Le Cambrien inférieur comporte des spilites-kératophyres et des calcaires, le Cambrien moyen est schisteux et effusif, le Cambro-Ordovicien inférieur est flyschoïde et l'Ordovicien moyen gréseux. L'ensemble est traversé par des granites calédoniens. Des dépressions situées plus au nord se sont formées au début du Dévonien et sont remplies par des roches volcanogènes du Dévonien inférieur, une molasse du Dévonien moyen, un Carbonifère terrigène et du Permien inférieur à charbon. Au Touva, la série comporte en outre un Silurien marin épicontinental argilo-carbonaté, partiellement de type flysch, des molasses salifères dévoniennes, ainsi que des roches effusives et quelques intrusions (gabbros-diabases, diorites, granites).

Plissements hercyniens du sud de la Sibérie

Les plissements hercyniens du sud de la Sibérie forment un arc bifide vers l'ouest ( Altaï- Kazakhstan et Tian-Chan) et un arc simple vers l'est (Transbaïkalie- Amour). La branche occidentale est comprise entre les Calédonides et le massif précambrien du Tarim. Dans le Tian-Chan septentrional et l'ouest du Kazakhstan, on trouve une succession qui débute par de l'Archéen et du Protérozoïque métamorphisés. Elle se continue par du Riphéen, du Cambrien et de l'Ordovicien de type « flysch », le Silurien et le Dévonien étant absents dans le Tian-Chan. En revanche, dans le Kazakhstan central, le Dévonien moyen comporte une molasse transgressive, puis des calcaires supportant en discordance des molasses du Paléozoïque supérieur bien développées dans les dépressions. Les plis se sont produits au Viséen et se sont couchés vers le sud-ouest au Permien inférieur avant d'être disloqués par des failles nord-sud. L'Alatau de Dzoungarie et le Kazakhstan oriental possèdent des roches volcanogènes et sédimentaires, allant du Dévonien supérieur au Permien, très épaisses. Des granitoïdes sont montés au Dévonien basal et des granites au Dévonien moyen.

En Transbaïkalie, on retrouve le prolongement des Hercynides de Mongolie avec une grande épaisseur de Siluro-Dévonien argilo-gréseux et de Carbo-Permien terrigène. Les plis sont orientés nord-est – sud-ouest et granitisés. Dans l'Amour se rencontrent des formations allant du Silurien au Carbonifère inférieur, suivies par des molasses permo-mésozoïques. Les plis y entourent des noyaux anciens, sont très fracturés et traversés par des intrusions mésozoïques. Aux fractures sont liées des dépressions remplies par des séries houillères du Crétacé supérieur et du Tertiaire couvertes par des basaltes quaternaires. À l'extrémité nord-est de l'ensemble, entre les monts Jablonovoï-Stanovoï et le massif paléozoïque de la Boureïa, existent de nombreux fossés avec des molasses à charbon du Crétacé supérieur et du Tertiaire.

Plissements calédoniens et hercyniens du nord de la Sibérie

Les deux orogenèses sont difficiles à séparer dans les plissements calédoniens et hercyniens du nord de la Sibérie. On notera l'existence de formations dévoniennes dans le Taymir et la Severnaïa-Zemlia.

Plissements mésozoïques de Sibérie orientale

L'arc de Verkhoïansk tourne sa convexité vers l'ouest. Il comporte des massifs anciens entourés par les plis secondaires : Kolyma, Omolon et Taïgonos, plissés lors de la phase calédonienne. Ces massifs sont recouverts par des terrains terrigènes d'âge carbonifère à jurassique moyen, atteignant 8 km. Dans la Kolyma affleurent des calcaires du Cambrien inférieur, recouverts par 1 000 m de calcaires montant du Carbonifère au Mésozoïque. Le Secondaire est volcanisé dans le nord-ouest. Dans le sud-ouest existe une épaisse série à charbon du Jurassique supérieur au Tertiaire. La couverture du massif est à peine plissée. Dans celui de l'Omolon, simplement gauchi, on rencontre un socle métamorphique archéen, 2 000 m de Dévonien supérieur volcanogène et du Carbonifère inférieur terrigène coiffé par du Trias-Jurassique détritique. Le Taïgonos ressemble aux massifs précédents, mais est influencé par les plissements cénozoïques du Kamtchatka.

L'arc de Verkhoïansk est bordé par l'avant-fosse du Pré-Verkhoïansk, qui passe à la synéclise du Viloui. Elle est remplie par 3 500 m de molasses à charbon allant du Jurassique supérieur au Crétacé et parcourue de plis linéaires ou de brachyanticlinaux. La partie centrale de l'arc est constituée par l' anticlinorium de Poounsi avec une série de type « flysch », surtout permo-triasique, épaisse de 8 à 10 km, reposant sur un Paléozoïque inférieur et moyen carbonaté, et plissée au Carbonifère. Ces terrains sont traversés par des intrusions de gabbros et de diabases de la fin du Trias et charriés vers l'extérieur. L'aile méridionale comprend la zone synclinale de Jansk, remplie par 5 000 m de Trias et de Jurassique traversés par des granodiorites du Jurassique moyen. Elle se subdivise en : anticlinorium de Tashkhaïakhtakh, zone de Jansk, dépression d'Indiguka-Kolyma et synclinorium méridional de Verkhoïansk. L'aile septentrionale est subdivisée en dépression d'Oloï, occupée par des masses jurassiques volcanogènes et terrigènes, et en anticlinaux des Tchoukotsk et d'Aniuoï au nord. Ces dernières structures se prolongent en Alaska par la presqu'île de Seward. Les phases de plissement sont les suivantes : phase importante à la fin du Permien, suivie par une régression triasique ; phase légère à la fin du Trias, puis transgression jurassique ; phase majeure névadienne au Jurassique et grande régression ne laissant subsister que des bassins paraliques à l'est.

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Des plissements mésozoïques se rencontrent aussi en Transbaïkalie orientale, où ils affectent une puissante série géosynclinale paléozoïque surmontée par une série terrigène, marine ou continentale, allant du Paléozoïque supérieur au Jurassique moyen, séries traversées par des granites et des diorites.

Dans la région de Boureïa-Sikhote-Aline, on retrouve des plissements mésozoïques de même âge repris dans les plissements tertiaires.

Plissements cénozoïques de la côte pacifique

Les plissements cénozoïques de la côte pacifique couvrent la zone de Sikhote-Aline et celle du Kamtchatka. La première s'étend entre le massif de Boureïa, la mer du Japon et la mer de Tartarie, et se relie à la Transbaïkalie et à la Corée. Elle comprend les anticlinoriums de Sikhote-Aline et du Khinghan-Boureïa : socle de roches métamorphiques et de Paléozoïque moyen énergiquement plissé et disloqué ; Trias et Jurassique inférieur de faciès flysch ; Jurassique supérieur et Crétacé volcanogène traversés par des granitoïdes ; 500 m de flysch paléogène à laves basiques. Avec la fin du plissement se forme la fosse marginale de Boureïa, remplie de Tertiaire à charbon reposant sur du Crétacé.

La zone plissée de Koriak-Kamtchatka est composée d'anticlinoriums comprenant une série discordante de Sénonien et de Tertiaire volcanogène reposant sur du Crétacé inférieur, du Jurassique, du Trias, du Paléozoïque moyen et supérieur et même de l'Antécambrien. Les principales unités tectoniques sont l'anticlinorium du Kamtchatka oriental, la zone des Koriak plus au nord-ouest et enfin l'anticlinorium de la Maïna. Les dépressions de Penjina, du Kamtchatka occidental et l'avant-fosse du Kamtchatka occidental comportent une grosse épaisseur de Néogène. Le plissement majeur est tertiaire supérieur et encore actif. Des intrusions de granitoïdes se sont produites au Pliocène.

— Guy MENNESSIER

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Écrit par

  • : conservateur en chef du musée Guimet, directeur d'études à l'École pratique des hautes études en sciences sociales
  • : professeur à l'université de Lyon-II, chercheur au Centre Magellan, Université de Lyon-III
  • : professeur titulaire de la faculté des sciences de l'université de Picardie

Classification

Médias

-4000 à -2000. Naissance de l'écriture - crédits : Encyclopædia Universalis France

-4000 à -2000. Naissance de l'écriture

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-600 à -200. Philosophes et conquérants - crédits : Encyclopædia Universalis France

-600 à -200. Philosophes et conquérants

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    La république fédérée de l'Altaï occupe, au sud de la Sibérie occidentale, une région essentiellement montagnarde de 92 600 kilomètres carrés où, en 2002, étaient recensés 202 900 habitants. Ce territoire est peuplé par les Oïrotes qui appartiennent à la famille ethnolinguistique altaïque....

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    Émissaire unique du lac Baïkal, l'Angara, après avoir traversé le lac du même nom, change d'appellation et devient la Toungouzka supérieure ; cet organisme fluvial draine un bassin de 1 045 000 kilomètres carrés et se jette, au terme d'un cours de 1 826 kilomètres, dans l'...

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