TRENTE ANS GUERRE DE
La guerre de Trente Ans (1618-1648) a été longtemps considérée, mais trop étroitement, comme une guerre d' Allemagne, sur laquelle s'est greffée, à partir de 1635, une nouvelle phase de la lutte traditionnelle entre l' Espagne et la France. Commencée en Bohême par la défenestration de Prague (23 mai 1618) et terminée par la signature des traités de Westphalie, à Münster et à Osnabrück, le 24 octobre 1648, elle s'est déroulée sur le territoire du Saint Empire. À partir de l'intervention du roi de Suède, Gustave II Adolphe, des armées étrangères ont pénétré en Allemagne et pris part à la lutte. Les faits de guerre ont laissé des ruines tragiques, moins les batailles que les pillages, les incendies du plat pays, la propagation des épidémies, entraînant des pertes de vies humaines et des dévastations matérielles. Le conflit était né de l'opposition entre protestants et catholiques dans l'Empire, il s'est élargi à la mesure européenne, dans un affrontement entre les maisons d'Autriche et de France, la première cherchant à asseoir sa prépondérance en Europe, la seconde défendant sa propre liberté et prenant dans sa clientèle les petits États d'Allemagne et d'Italie. La paix a consacré un nouvel ordre dans le Saint Empire : ordre politique, où l'Empereur ne pouvait plus prétendre à la souveraineté absolue, ordre religieux, par la reconnaissance des trois confessions chrétiennes, catholique, luthérienne, calviniste. La France et la Suède étaient garantes de la nouvelle Constitution de l'Empire : Constitutio Westphalica, avec les autres signataires du traité. L'historiographie contemporaine prend une vue encore plus large de l'événement ; la guerre de Trente Ans, par sa durée, son intensité, ses résultats, représente la période la plus aiguë d'une large crise qui la déborde : crise idéologique de la chrétienté, qui avait suscité deux réformes rivales, celle du « pur Évangile », celle du concile de Trente ; crise économique avec la montée des prix au xvie siècle, les transformations des marchés, les problèmes monétaires, le déclin relatif de la Méditerranée au profit des routes atlantiques ; crise politique et sociale, avec la constitution en Europe d'États monarchiques de plus en plus centralisés (France, Espagne) et l'apparition de nouvelles sociétés (la bourgeoisie marchande des Provinces-Unies).
L'occasion du conflit : sa première phase (1618-1623)
L'occasion du conflit fut fournie par la question religieuse, et la guerre de Trente Ans a bien été, à son origine et dans son essence profonde, une guerre de religion entre une aristocratie protestante attachée à ses privilèges et une dynastie catholique résolue à soutenir la Contre-Réforme et à obtenir la conversion des sujets à la doctrine romaine, définie par le Concile. En Bohême, terre d'Empire, dont le roi était généralement élu empereur, les seigneurs protestants utraquistes (communiant sous les deux espèces) avaient obtenu de Rodolphe II en 1609 un statut (la Lettre de majesté) qui garantissait l'existence de leurs Églises et, par l'enseignement de l'Université, la diffusion de la Réforme. Sur cette vieille terre de tradition hussite et antipapiste, l'aristocratie de langue tchèque défendait sa civilisation originale. En 1617, la Diète de Bohême n'en avait pas moins reconnu pour son futur roi l'archiduc Ferdinand de Styrie, catholique ardent et convertisseur déclaré. Les protestants allemands s'inquiétèrent d'une promotion qui semblait désigner ce prince à l'Empire. Aussi attisèrent-ils les querelles de Bohême entre les utraquistes et un groupe de seigneurs tchèques catholiques (tel le chancelier de Lobkowicz) qui cherchait à la fois à consolider l'autorité royale et à étendre les positions romaines.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Victor-Lucien TAPIÉ : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
Classification
Médias
Autres références
-
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne du XVIe et du XVIIe s.
- Écrit par Georges LIVET
- 6 506 mots
- 7 médias
La révolte de Bohême de 1618 peut être considérée comme le début de la guerre de Trente Ans. Mais il ne s'agit encore que de querelles entre États et princes. Le 23 mai 1618, les représentants de l'Empereur sont défenestrés à Prague, et l'aristocratie protestante se révolte contre la domination... -
ALSACE
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Françoise LÉVY-COBLENTZ et Raymond WOESSNER
- 6 482 mots
- 2 médias
Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648), l'Alsace servit de champ de bataille aux armées impériales, suédoises, weimariennes et françaises. Massacres, famines, pestes déciment plus de la moitié de la population, et c'est une Alsace misérable qu'en des clauses obscures le traité de Westphalie cède... -
AUTRICHE
- Écrit par Roger BAUER , Jean BÉRENGER , Annie DELOBEZ , Encyclopædia Universalis , Christophe GAUCHON , Félix KREISSLER et Paul PASTEUR
- 34 125 mots
- 21 médias
– La phase bohême. Elle concerne les pays tchèques et la Basse-Autriche et marque les débuts de la guerre de Trente Ans. La fraction protestante de la diète de Bohême prit l'initiative du conflit par la fameuse défenestration de Prague (1619), au cours de laquelle des officiers royaux, catholiques,... -
BAVIÈRE (histoire)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Michel EUDE
- 3 156 mots
- 2 médias
La guerre de Trente Ans marque une étape majeure dans les progrès de l'État bavarois. Après son équipée malheureuse en Bohême, le Palatin Frédéric V se voit dépouillé par l'empereur Ferdinand II à la fois de la dignité électorale et de ses possessions territoriales, qui sont attribuées... - Afficher les 41 références