GAO XINGJIAN (1940- )
Même s'il n'avait pas obtenu en 2000 le prix Nobel de littérature « pour une œuvre marquée d'une amère prise de conscience et d'une ingéniosité langagière qui a ouvert des voies nouvelles à l'art du roman et du théâtre chinois », Gao Xingjian occuperait une place importante dans l'histoire de la littérature chinoise moderne. Né en 1940 à Ganzhou (Chine), diplômé de la section de français de l'Institut des langues étrangères de Pékin, d'abord interprète et traducteur du français, il commence par écrire de nombreuses pièces de théâtre, dont certaines ont pu être jouées au Théâtre artistique de Pékin. C'est notamment le cas de L'Arrêt de bus (1983) qui constitue une belle satire de la société pékinoise contemporaine, ou encore du Signal d'alarme (1982), qui met en scène, de façon astucieuse et drôle, une fille et des loubards dans un train. Mais la censure n'a pas longtemps toléré de telles impertinences. Installé en France dès 1988, Gao Xingjian n'a pas connu la tragédie de Tiananmen, mais il en a rendu l'esprit dans sa pièce La Fuite (1989), dans laquelle un couple se cache au lendemain du massacre. En français, on lui doit également des pièces telles qu’Au bord de la vie (1993), Le Somnambule (1995) ou Ballade nocturne (2010).
Influencé par Beckett, Adamov, Ionesco et Nathalie Sarraute, le théâtre de Gao Xingjian qu'on représente un peu partout dans le monde, aussi bien aux États-Unis qu'en Australie ou à Hong Kong, aurait suffi à asseoir la notoriété de son auteur. Mais ce dernier, au cours de ses années françaises, a cru nécessaire de faire le bilan de son expérience. Deux romans viennent ainsi compléter l'œuvre antérieure. Le premier est le plus réussi. La Montagne de l'âme (1995) est un livre admirable. Aventure intérieure, voyage initiatique, remontée vers la lumière, ce parcours à travers les montagnes sacrées du Sichuan est composé de courtes scènes, ponctuées par l'emploi alterné du je/tu/il. Le second roman, consacré à ses amours et à la révolution culturelle, est intitulé Le Livre (ou la Bible) d'un homme seul (2000). Largement autobiographique, il relate, après son enfance, les « dix années noires », telles que Gao les a vécues.
Naturalisé français en 1998, Gao Xingjian est aussi un peintre réputé, dont les encres, très expressives, sont souvent exposées. Son discours à Stockholm mérite également d'être mentionné. En contrepoint à ses réflexions sur la condition de l'écrivain (sur laquelle il reviendra dans Le Témoignage de la littérature, 2004 et dans De la création, 2013), il y dénonce avec une liberté rare les exactions commises par le régime communiste à l'égard de ses confrères, et constate que la situation actuelle est pire que sous l'Empire. Les autorités chinoises, de leur côté, ont feint d'ignorer la récompense suédoise. À Stockholm, l'ambassadeur de Chine populaire aurait néanmoins félicité son collègue français pour l'œuvre de ce prix Nobel, « écrite en chinois par un Français ».
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Écrit par
- Paul BADY : professeur de littérature chinoise à l'université de Paris-VII
Classification
Média
Autres références
-
CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature
- Écrit par Paul DEMIÉVILLE , Jean-Pierre DIÉNY , Yves HERVOUET , François JULLIEN , Angel PINO et Isabelle RABUT
- 47 512 mots
- 3 médias
...le nouveau roman, la beat generation, le théâtre de l'absurde, l'humour noir ou le réalisme magique de la littérature latino-américaine. Prix Nobel de littérature en 2000, Gao Xingjian (né en 1940) publie en 1981 un essai très remarqué intitulé Xiandai xiaoshuo jiqiao chutan (Essai...