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GUIMET ÉMILE (1836-1918)

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Émile Guimet est né à Lyon le 2 juin 1836, dans une famille d'industriels. Son père, Jean-Baptiste, polytechnicien, dirigeait une usine de colorants à Fleurieu-sur-Saône, dans la banlieue lyonnaise ; il y produisait en particulier le bleu outremer artificiel, qu'il avait inventé et qui fit sa fortune, de sorte qu'il put développer ses entreprises. En 1855, il fonde avec quelques amis la Compagnie des produits chimiques d'Alais et de Camargue (P.C.A.C.), dans le Gard, qui prendra, en 1951, le nom de Compagnie Pechiney.

On sait peu de choses de la formation de son fils Émile : il semble qu'il reçut son éducation dans le milieu familial, éducation qui lui donna, avec l'habitude du travail, une grande culture tant dans le domaine des sciences que dans celui des arts, en particulier la musique. Le 1er janvier 1860, son père lui confie la direction de son usine de Fleurieu ; Émile Guimet n'avait pas encore vingt-quatre ans et se lança dans cette nouvelle vie sans grand enthousiasme. Cependant, à la mort de son père, en 1871, Émile Guimet était devenu un grand patron. Le succès de ses entreprises le conduisit à prendre en 1887 la présidence de la P.C.A.C., qu'il transforma en société anonyme et qu'il dirigea jusqu'à sa mort, en 1918 à Fleurieu-sur-Saône.

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La culture humaniste qui l'imprégnait – qu'il doit autant à l'atmosphère de l'époque qu'à une insatiable curiosité – l'aida à être un grand patron « social », créant par exemple pour ses ouvriers un fonds destiné à financer les indemnisations des accidents du travail et les retraites, animant lui-même une fanfare destinée à l'éducation de ses ouvriers.

Sa vocation de chercheur, Émile Guimet la doit encore à son insatiable curiosité. Un premier voyage en Égypte, en 1865-1866, va lui apporter la révélation de l'Orient. Il visitera ensuite la Grèce, la Turquie, la Roumanie, puis l'Algérie et la Tunisie. De chacun de ces voyages, il rapportera en grand nombre objets et observations ethnographiques. Il se tourne alors vers l'étude des religions, puis vers l'archéologie ; en 1873, il participe à Paris au premier congrès des Orientalistes ; il fait des voyages de plus en plus lointains. Pour les objets qu'il avait rapportés, il décide de créer un musée, à ses yeux une « usine scientifique », voulu dès le début comme un « musée des religions ». Ce fut le musée Guimet de Lyon, inauguré en 1879. Cependant, déçu de l'accueil de la municipalité, il décide d'en construire un autre à Paris, qui sera inauguré le 20 novembre 1889, Émile Guimet ayant fait don de ses collections à l'État.

En 1876-1877, il fait le tour du monde avec son ami le peintre Félix Régamey, chargé de croquer les données utiles à son enquête. Après s'être arrêtés, pour des raisons professionnelles, à Philadelphie, les voyageurs font halte au Japon, pays qui émerveilla Guimet, puis en Chine et en Inde.

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La rencontre avec le Japon, que les deux amis parcoururent durant dix semaines, résidant notamment à Yokohama, Kamakura, Tōkyō et Kyōto, a été décisive. Ce pays n'avait ouvert ses frontières aux étrangers qu'en 1853 et restait largement à découvrir. Les contacts furent nombreux et approfondis. Félix Régamey s'intéressa à la peinture traditionnelle, Émile Guimet porta plus spécialement son attention sur les religions, en particulier sur le bouddhisme, religion opprimée au bénéfice du shintoïsme. Guimet constitua une importante collection de statues et d'objets rituels, qui seront d'abord exposés à Paris au palais du Trocadéro.

Émile Guimet ne fera plus de voyage aussi lointain. Son musée, à Lyon puis à Paris, lui permettra d'approfondir ses connaissances, en particulier sur le bouddhisme, et il participe à de nombreux congrès ou colloques scientifiques.

Pour lui, le musée Guimet est un musée des religions, et non un simple lieu de présentation d'objets. Il en fera donc un musée vivant, organisant à plusieurs reprises des cérémonies bouddhiques à l'occasion du passage à Paris de moines japonais ou de lamas tibétains. Le musée devait être une « usine de science philosophique » et Émile Guimet, convaincu de ce que seuls des Orientaux pouvaient faire comprendre leurs propres civilisations et religions, s'efforça de faire venir à Paris des étudiants, japonais bien sûr, mais aussi indiens, ceylanais, chinois, coréens... Pour faire connaître ses travaux et ceux de ses collaborateurs, il organise des conférences et il crée les Publications du musée Guimet, riche collection scientifique, toujours vivante.

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Il faut aussi évoquer le goût qu'avait Émile Guimet pour la musique, notamment orientale : il a écrit de nombreuses chansons, composé un opéra, Tai-Tsung, représenté à Marseille, il a organisé au musée des soirées de danses où l'on put voir en particulier se produire Mata Hari...

Pour Émile Guimet, les recherches archéologiques et ethnographiques doivent, tout en restant attrayantes, servir à fournir des réponses aux grands problèmes contemporains d'ordre moral et social. Vers la fin de sa vie, il évoque en ces termes son existence si active : « Si j'ai fait de l'industrie, c'était pour être utile au peuple, si j'ai fait de la musique, c'était pour le distraire, et lui donner le goût de l'art, si j'ai fait des écoles, c'était pour l'instruire ; si j'ai subventionné des sociétés de secours mutuel, c'était pour le soulager dans ses tristesses, et je vais vous expliquer que si je me suis occupé de philosophie, si j'ai fondé le musée des Religions, c'était pour donner aux travailleurs le moyen d'être heureux. De sorte que ma vie, qui semble un peu éparpillée, a, je crois, une grande unité. Mon existence n'a eu qu'un seul but : aimer et servir les prolétaires. »

— Claude JACQUES

Bibliographie

F. Chappuis & F. Macouin dir., D'Outremer et d'Orient mystique... les itinéraires d'Émile Guimet, éd. Findakly, Suilly-la-Tour (Nièvre), 2001

K. Omoto & F. Macouin, Quand le Japon s'ouvrit au monde. Émile Guimet et les arts d'Asie, coll. Découvertes, Gallimard, Paris, 2001.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (sciences historiques et philologiques)

Classification

Autres références

  • FRANK BERNARD (1927-1996)

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