COGNÉE PHILIPPE (1957- )
Né en 1957, Philippe Cognée a étudié à l'École des beaux-arts de Nantes, sa ville natale. À partir de 1982-1983, il se consacre entièrement à la peinture et participe à des expositions collectives. Ses travaux à l'écriture « expressionniste » font alors intervenir les souvenirs de son enfance au Bénin où son père était en poste et s'inspirent aussi bien, par exemple, de tissus du Dahomey et de la culture africaine que de la mythologie grecque. Cette iconographie très personnelle, qui lui vaut alors l'intérêt des critiques, associe l'aspect primitif des figures et des motifs – Minotaure, labyrinthe – aux matériaux bruts qu'il peint, manipule et assemble. En élargissant parfois démesurément le cadre qu'il intègre à la toile et auquel il donne du volume, il tente de rompre l'opposition entre peinture et sculpture, conférant à ses tableaux le statut d'objets, voire de bas-reliefs. Entaillant à la tronçonneuse au plus profond des panneaux ou laissant au contraire la lame les effleurer, il s'emploie à gommer ensuite l'aspect du bois par la couleur et tente d'obtenir des effets de matière qui montrent déjà son intérêt pour le traitement des surfaces, qui sont en définitive moins sculptées que scarifiées ou gravées. L'attention qu'il porte en effet à la matérialité de la peinture, à l'épaisseur de ses pigments, à la toile qu'il traite telle une peau, tantôt lisse et brillante, tantôt rugueuse et mate rend patente l'habileté tirée de son expérience et de sa formation de graveur. Qu'elle s'intéresse à la figure ou qu'elle tende vers l'abstraction, sa démarche, jusqu'en 1990, passe invariablement par la destruction avant qu'il ne développe de nouvelles recherches au cours de son séjour à la Villa Médicis.
Sa pratique, associant alors des monochromes avec des peintures figuratives, est guidée par une nouvelle technique : la peinture à l'encaustique. Parallèlement, Philippe Cognée se fixe comme objectif de peindre la réalité qui l'entoure en tentant une relation privilégiée entre peinture et photographie, par laquelle il ambitionne de renouveler le domaine du pictural. Le paysage devient dès lors son thème de prédilection, offrant une possibilité de réflexion sur la peinture, particulièrement sur les questions du sujet, du format et du cadrage. Le plus fascinant dans son œuvre est le jeu subtil et l'étroite frontière avec la photographie que seul l'usage de la peinture à l'encaustique lui permet d'atteindre en lui offrant une grande variété d'approches et d'effets. Ces « images », issues de photographies du quotidien ou extraites de ses vidéos de voyage (parfois projetées sur le mur de l'atelier), sont reproduites sur toile avec un mélange de cire et de pigments. La surface peinte est recouverte d'un film plastique transparent chauffé au fer à repasser dont le passage brûlant déforme la matière et la fait fondre. Contraintes à se mélanger sous l'effet de la chaleur, les couleurs se dispersent dans des effets de formes floues et tremblantes, quelquefois à la limite de l'effacement, avant que le rhodoïd ne soit arraché, créant de subtiles aspérités ou un aspect glacé selon que l'artiste a appuyé plus fort, là pour obtenir tel effet, ici pour mieux faire disparaître l'image ; mais le geste reste contrôlé afin de préserver l'intégrité du tableau.
Ses peintures, en quête de réel, sont redevables à la sélection faite parmi ses photographies dont il ne subsiste, à la fin, que ce que veut bien laisser filtrer la mémoire. Souvent, dans leur composition, les œuvres reprennent d'ailleurs le cadrage serré, l'absence de profondeur de champ, l'agrandissement des images dont la fréquente frontalité des sujets est intensifiée par les grands formats.[...]
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Écrit par
- Philippe BOUCHET : historien de l'art
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