PALANCE JACK (1919-2006)
Sa haute silhouette longiligne, animée par deux bras arachnéens musculeux, de laquelle sourd une incroyable sensation de puissance, son visage osseux, au nez écrasé, aux pommettes saillantes, au sourire pareil à une cicatrice et aux petits yeux noirs brillants, son jeu tendu, intense, nerveux, comme s'il était brûlé par un feu intérieur, ont habité une bonne centaine de films. Du fait de son physique, de la brutalité, voire de la sauvagerie, qui en émane, Jack Palance a été condamné à ne jouer presque que des « méchants ». Toutefois, il a su conférer à ceux-ci, aussi féroces et cruels qu'ils aient pu être, une dimension pathétique qui finit par les rendre, sinon sympathiques, tout au moins émouvants, ainsi qu'en témoigne la lueur d'incompréhension qui traverse, au moment de leur mort, le regard du tueur à gages de Shane (1953, L'Homme des vallées perdues) de George Stevens et celui du tyran de Rosmunda e Alboino (1962, Le Glaive du conquérant) de Carlo Campogalliani. À l'inverse, il pouvait doter d'une zone d'ombre les quelques personnages « positifs » qu'il a pu interpréter. Ce qui fait qu'en dépit d'une filmographie médiocre, de laquelle ne se détache qu'une quinzaine de films, où il ne tient d'ailleurs le plus souvent qu'un rôle secondaire, voire épisodique, il apparaît comme un acteur de premier plan.
Volodymir Ivanovich Palahnuik est né le 18 février 1919 à Lattimer, en Pennsylvanie, d'un père mineur, d'origine ukrainienne. Après des études à Hazleton High School, il obtient, du fait de ses talents de footballeur, une bourse pour l'University of North Carolina, à Chapel Hill, qu'il quitte au bout de deux ans. Il exerce alors divers métiers, avant de devenir boxeur professionnel dans la catégorie poids lourd. Durant la guerre, il sert dans l'US Air Force. Pilote d'un bombardier B-24, grièvement blessé et brûlé, il doit subir plusieurs opérations de chirurgie esthétique. Décoré, entre autres de la Purple Heart, il est démobilisé en 1944. Avec la bourse octroyée aux anciens combattants, il entre, en 1946, à la Stanford University, en Californie, pour y étudier le journalisme, puis l'art dramatique.
Il débute au théâtre, à Broadway, en 1947, sous le nom de Walter Jack Palance. L'année suivante, il est, dans la pièce Un tramway nommé désirmise en scène par Elia Kazan, la doublure d'Anthony Quinn, puis celle de Marlon Brando qu'il remplace peu après. En 1950, sous contrat chez Fox, il fait ses débuts au cinéma dans Panic in the streets (Panique dans la rue) d'Elia Kazan, où il tient le rôle du tueur ayant contracté la peste. Il retient peu après l'attention du public par son interprétation de l'impitoyable tueur de Shane, du violent chef indien de Arrowhead (1953, Le Sorcier du Rio Grande) de Charles Marquis Warren et du féroce Attila de Sign of the pagan (1954, Le Signe du païen) de Douglas Sirk, rôles dans lesquels il donne l'impression d'être habité par une violence intérieure que peu d'acteurs ont su montrer. Alors qu'il semble prédestiné à jouer des « heavies », il interprète, successivement des individus sympathiques et vulnérables : le comédien harcelé de The Big Knife (1955, Le Grand Couteau) de Robert Aldrich, le gangster traqué de I Died a thousand times (1955, La Peur au ventre) de Stuart Heisler, l'officier « piégé » de Attack ! (1956, Attaque) de Robert Aldrich et le boxeur sur le retour de Requiem for a heavyweight, une dramatique télévisée dirigée en 1956 par Ralph Nelson.
En 1957, Jack Palance s'installe en Europe où il mène désormais sa carrière, principalement en Italie, sans trop se préoccuper de la qualité des films qu'il y tourne, même s'il s'y trouve des œuvres telles que Barabbas (1962) de Richard Fleischer[...]
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Écrit par
- Alain GAREL : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma
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