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CHOQUET GUSTAVE (1915-2006)

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Le mathématicien français Gustave Choquet est trop jeune pour faire partie des fondateurs du groupe Bourbaki (1935), mais trop vieux pour avoir été leur élève. Il est pourtant l'un de ceux qui, après la Seconde Guerre mondiale, modernisent la mathématique et son enseignement.

Né à Solesmes (Nord) le 1er mars 1915, il est, dans le domaine de l'analyse mathématique, l'héritier direct d'Émile Borel (1871-1956), René-Louis Baire (1874-1932) et Henri Lebesgue (1875-1941). Professeur à la Sorbonne à partir de 1949, il a exercé une très grande influence sur la formation de plusieurs générations de mathématiciens ainsi que sur les réformes qui introduisent les « maths modernes » à l'école.

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Choquet s'est toujours aidé de dessins géométriques dans la résolution de problèmes mathématiques. Cette vision directe et géométrique ne l'empêche pas de reconnaître l'utilité d'une approche algébrique et axiomatique. Admis à l'École normale supérieure en 1934, il est séduit par le mode de pensée et d'exposition de Georges Darmois (1888-1960), fortement basé sur l'intuition géométrique. Par ses lectures internationales, il se familiarise avec les évolutions modernes de l'analyse. Il est reçu premier à l'agrégation de mathématiques en 1937.

En 1938-1939, Choquet est boursier à l'Institute for Advanced Study de Princeton où il apprend la logique avec Alonzo Church (1903-1995), mais, de son propre aveu, « rate complètement » l'initiation à la topologie algébrique qu'aurait pu lui offrir Solomon Lefschetz (1884-1972). Son séjour américain interrompu par la guerre, Choquet est boursier du CNRS de 1941 à 1946. Il séjourne ensuite à Cracovie pendant un an, avant d'être nommé maître de conférences à Grenoble. Il regagne Paris en 1949, où il enseigne à l'Institut Henri-Poincaré, sur le campus d'Orsay, puis à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie et, de 1960 à 1969, à l'École polytechnique.

En octobre 1937, il rencontre Arnaud Denjoy (1884-1974) qui deviendra son directeur de thèse. La pensée de cet analyste de la grande école française, à la frontière de la théorie des fonctions et de la théorie topologique et métrique des sous-ensembles du plan, devait imprégner toute l'œuvre de Choquet. À cette époque, ce dernier forme un projet dont il dira par la suite qu'il était « ambitieux, et bien mal défini, mais fort stimulant » : celui de classifier tous les ensembles fermés du plan. Cette étude lui fait aborder un grand nombre de domaines (topologie générale, fonctions de variables réelles, théorie de la mesure, analyse fonctionnelle, etc.) et le conduit à la solution d'un problème posé par Lebesgue.

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Dès 1944, il s'intéresse, souvent en collaboration avec Jacques Deny ou Marcel Brelot (1903-1987), à la théorie abstraite du potentiel qui généralise la notion newtonienne introduite pour l'étude des champs gravitationnels. Cette étude le mène à définir la « capacitabilité », une notion dérivée du concept physique de capacité électrique. Par cette théorie, Choquet en vient à énoncer et à prouver le théorème de représentation intégrale et à définir les célèbres « simplexes de Choquet », résultats qui trouveront de nombreuses applications dans plusieurs domaines. Choquet s'intéresse avant tout à des problèmes difficiles, dont la solution l'arrête assez longtemps. Vers la fin de sa carrière, il examine les processus de création qu'il a pu suivre en lui à ces occasions. Mais dès la fin des années 1940, cette expérience introspective le conduit à s'intéresser à l'enseignement mathématique.

Dès 1949, Gustave Choquet commence à introduire, dans l'enseignement de premier cycle à la Sorbonne, l'approche structurale qui insiste sur les fondements algébriques et topologiques de l'analyse et dont on trouvera une évocation vivante dans le livre de Jacques Roubaud, Mathématique : récit (1997). Dans les notes de cours qu'il publie en 1955, il compare l'évolution des mathématiques à celle de l'industrie. Ainsi, les structures fondamentales seraient des « machines-outils » permettant de produire plus efficacement un ensemble de pièces détachées standardisés qu'il suffit ensuite d'assembler. Ses manuels, en particulier Cours de topologie (1964) et Lectures on Analysis (1968), étendent son influence aux étudiants du monde entier.

En 1950, Choquet, comme Jean Piaget (1896-1980), fait partie des personnalités appelées par le pédagogue d'origine égyptienne Caleb Gattegno (1911-1988) à fonder la Commission internationale pour l'étude et l'amélioration de l'enseignement des mathématiques, que Choquet préside jusqu'en 1958. En 1964, il publie L'Enseignement de la géométrie, dans lequel il introduit un nouveau système d'axiomes destiné aux professeurs du secondaire. En 1967, Choquet fait partie de la commission interministérielle controversée qui recommande la réforme des mathématiques modernes. Plus circonspect que d'autres modernisateurs tels que Jean Dieudonné ou André Lichnerowicz, Choquet insistera cependant toujours sur l'importance du rapport au concret dans l'enseignement mathématique.

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Élu à l'Académie des sciences en 1976, Choquet a eu le plaisir de voir son épouse Yvonne Choquet-Bruhat (1923-2025), mathématicienne et physicienne de grand renom, devenir la première femme à être élue membre de cette assemblée, en 1979. Décédé le 14 novembre 2006, Choquet avait été primé à plusieurs reprises par cette académie.

— David AUBIN

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  • POTENTIEL THÉORIE DU

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    Cette remarque a permis à G.  Choquet de démontrer le théorème extrêmement profond qui suit.

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