JAMMES FRANCIS (1868-1938)
Poète et romancier, Francis Jammes ne quittera jamais son Béarn natal, et il y trouvera les sources de son inspiration. Après des études à Bordeaux, il s'installe à Orthez auprès de sa mère ; travaillant comme clerc de notaire, il mène la vie paisible d'un provincial en harmonie avec la nature et les hommes. Il se promène dans la montagne, discute dans les salons et écrit des poèmes. Sans aucun artifice de style, il dit la vie quotidienne et les menus incidents qui en modulent le cours. Il publie quelques plaquettes que Mallarmé et Gide remarquent, et le Paris littéraire commence à s'intéresser à ce poète qui, au déclin du symbolisme, exprime son amour pour la vie et pour la nature, sans redouter d'être désuet et presque en affectant de l'être. En 1895, Gide publie dans le Mercure de France son poème Un jour et provoque la mode du « jammisme ». Mais Jammes lui-même ne se laisse pas aller à la recherche de cet effet de simplicité où, à Paris, on voit son originalité. Et le recueil de ses vers, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir (1898), illustre surtout la liberté de son inspiration poétique. Il évoque son enfance, ses rêves d'aventure avec une ingénuité et une ironie insolites, il emprunte aux symbolistes le vers libre qui convient à son exubérance. Mais d'aucuns diraient que sa naïveté représente un parti pris d'enfantillage, que son vers-librisme est avant tout une prosodie complaisante. Cependant, le charme de ses premiers poèmes ne peut venir que d'une sincérité et d'une sensualité heureuses, sans qu'elles aient besoin de s'organiser en un art poétique de la gaucherie. Le Deuil des primevères (1901) accentue parfois les aspects de ce lyrisme discret, au point que la gaieté semble quelque peu appuyée et narquoise.
Dans les nouvelles de cette période apparaissent d'ailleurs une préciosité et une mélancolie qui nuisent à la fraîcheur de son inspiration. À la suite de sa conversion, il trouve dans Clairière dans le ciel (1906) plus de gravité pour exprimer sa foi. Sa vie intérieure n'aura jamais la profondeur ni l'originalité de celle des grands poètes chrétiens : Claudel, qui a obtenu sa conversion, ou Péguy. Les Géorgiques chrétiennes répondent à un développement de sa foi, mais la constante présence de la terre et du monde paysan ne les sauve pas de la sécheresse et du didactisme. Il abandonne le vers libre au profit de l'alexandrin, forme classique pure, seule capable d'exprimer sa dévotion. Son sens de la musicalité et son plaisir des mots se retrouvent alors dans ses contes et récits en prose. Après la guerre, d'autres mouvements prennent le relais de l'avant-garde poétique, et les libertés de Jammes semblent alors bien modérées, d'autant plus qu'il s'érige à présent en censeur sévère des formes nouvelles. Le Livre des quatrains (1923-1925), De tout temps à jamais (1935) sont de longs poèmes narratifs écrits en décasyllabes, où se développe une sorte de dialogue avec la nature et avec un Dieu paternel et bienveillant ; ils n'évitent pas toujours la monotonie. Cependant, la fraîcheur et l'originalité de ses premières œuvres leur gardent un charme certain.
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Écrit par
- Antoine COMPAGNON : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis
Classification
Média
Autres références
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MILHAUD DARIUS (1892-1974)
- Écrit par Paul COLLAER et Alain PÂRIS
- 1 793 mots
- 1 média
...harmonique personnel. C'est au cours de contrepoint d'André Gédalge qu'il fait la connaissance de Honegger. En 1912, Milhaud rend visite à Francis Jammes et lui fait part de son intention d'écrire un opéra sur La Brebis égarée. Au moment des adieux, Jammes lui offre un exemplaire...