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NON FINITO, art

<it>Esclave</it> de Michel-Ange - crédits :  Bridgeman Images

Esclave de Michel-Ange

Expression italienne qui désigne l'état d'inachèvement d'une œuvre d'art. Ce côté négatif de l'œuvre ne mérite l'attention que dans la mesure où il est fortuit ou volontaire, regretté ou apprécié par l'artiste ou par son public. Les sculptures de Michel-Ange et de Rodin illustrent parfaitement cette notion : Michel-Ange parce qu'un grand nombre de ses sculptures sont précisément inachevées, Rodin parce que le non finito est chez lui un moyen conscient d'expression. Le premier pose, de géniale façon, le problème. Ses biographes ont noté et déploré le soin attentif qui le conduisait à choisir lui-même le morceau de marbre dans la carrière et à le suivre dans toutes les péripéties de sa réalisation vers la forme qu'il lui destinait. « Perte de temps » considérable, épuisement inutile des forces du créateur responsables pour les uns de l'inachèvement de tant de sculptures. Incapacité fondamentale (ou maladive ?) de Michel-Ange à terminer une œuvre, répondent les autres. Les deux ensembles seraient sans doute plus près de la vérité. Il est évident que la Pietà Rondanini (Accademia, Florence) inachevée satisfait mieux notre sensibilité contemporaine que la Pietà du Vatican (Saint-Pierre de Rome), la seule achevée et dont le polissage parfait donne au marbre la pureté translucide de l'albâtre. De même, nous préférons la violence contenue des Esclaves (Accademia et musée du Louvre), à peine échappés, prisonniers encore de leur gangue de marbre, à la force souveraine et terrible du David de l'Académie de Florence. Mais il est faux de croire que ce non finito séduisait plus Michel-Ange ou ses contemporains que la perfection d'une œuvre finie, polie dans tous ses détails. Le perfectionnisme fut l'idéal de la Renaissance et le demeurera jusqu'au romantisme : il sera renié au moment précis où l'académisme, l'adoptant comme finalité permanente et privilégiée, lui fera perdre toutes ses qualités premières. Même la Madeleine de Donatello, pour ruisselante de cheveux et ridée de haillons qu'elle fût, ne donnait qu'une apparence du non finito, appliqué ici à son sujet. La Renaissance pourtant a connu, en sculpture, le non finito volontaire, le seul qui nous intéresse ici : Michel-Ange ne termine pas le visage en partie caché du Jour, l'une des quatre figures qui ornent les tombeaux des Médicis, et l'intention ici clairement exprimée donne au non finito tout son sens. Mais ces exemples sont rares et procèdent toujours de la nature même de l'allusion.

Avec Rodin, il en sera tout autrement. Imprégné de la leçon de Michel-Ange, Rodin donne au non finito la force du style : la Main de Dieu, parfaite et lisse comme la perfection divine qu'elle suppose, se détache d'une rocaille de marbre rugueux ; c'est par le contraste entre les deux formes que Rodin établit la dichotomie entre le finito et le non finito. Coulés dans le bronze, son Balzac, son Penseur épousent à leur tour l'indécision expressive des contours : les muscles du Penseur comme l'ample drapé de la robe de chambre de Balzac enveloppent d'une gaine rude la puissance cachée des corps, symbolique du génie. Désormais, c'est un fait acquis : le non finito sera la règle des sculpteurs, plus attachés à suggérer les formes qu'à les définir. Le bronze, préféré au marbre ou à la pierre, ne répugne pas à laisser apparaître le pouce du modeleur (Maillol, Bourdelle, Degas, Renoir) qui est l'équivalent de la touche du peintre. Par contrecoup, ce qui était poli devient « léché » : la réprobation change de camp... jusqu'à ce qu'un nouvel académisme du non finito poussé jusqu'à la confusion de l'inexpression induise de nouveaux sculpteurs (Arp, Brancusi, Poncet) à revenir au polissage parfaitement soigné de leurs formes pures et abstraites.[...]

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<it>Esclave</it> de Michel-Ange - crédits :  Bridgeman Images

Esclave de Michel-Ange

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