BANG HERMAN (1857-1912)
Cet écrivain danois, l'un des grands artisans de la « percée moderne » qu'opérèrent les littératures scandinaves à partir de 1870, a particulièrement été maltraité par le destin. Fils d'un pasteur qui mourut fou, fruit d'un milieu dégénéré, il aurait voulu être acteur de théâtre mais n'y parvint pas ; il dut se réfugier dans le journalisme et la critique. En même temps, rallié par goût aux canons du naturalisme, il pratiquait une écriture artiste qui le mit en porte à faux vis-à-vis de son inspiration. Homosexuel, accablé par une sensibilité d'écorché, il ne put jamais se débarrasser d'un sentiment pessimiste et décadent lié à ses tares héréditaires : le titre de son premier roman, Familles sans espoir (1880), résume son propos. Par la suite, il écrira des Nouvelles excentriques (1885) ou les récits d'Existences calmes (1886) qui contiennent un chef-d'œuvre, la nouvelle « Au bord du chemin » : une petite ville ferroviaire y sert de cadre aux minables tragédies du quotidien, les apparences calmes cachant le jeu sordide des instincts. Dans Tine (1889), le conflit insoluble entre besoin de tendresse et de dévouement, et amertume de la cruauté sacrifie impitoyablement l'héroïne. Irene Holm (1890) reprend les mêmes motifs sur le mode ironique en contant les mésaventures d'une minable maîtresse de danse itinérante qui aurait voulu être danseuse étoile à Copenhague. On pourra préférer ses deux volumes de souvenirs, La Maison blanche (1910) et La Maison grise (1912).
Bang finira solitaire, comme il aura vécu, après de nombreux voyages qui le mèneront en Amérique, où il mourra. En France, il seconda Antoine dans ses efforts pour représenter les œuvres des grands dramaturges scandinaves. Il y avait dès le départ, en Bang, quelque chose de déchu, d'écrasé. Peut-être est-ce ce qui fait de ses ouvrages de petits camées si attachants : dans un style original, directement inspiré par le théâtre, il montre les personnages en action, sans les juger, les situations se constituant sous nos yeux, sans qu'il les décrive, en éternel spectateur impuissant de la réalité toute sa vie.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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