DRIAN ADRIEN DÉSIRÉ ÉTIENNE dit (1885-1961)
Dessinateur, graveur et décorateur, Drian est l'interprète talentueux de la mode Art déco dans ce qu'elle a de nerveux, d'éphémère. Venu à Paris vers 1898, Drian s'oriente bientôt vers l'illustration ; ses compositions, publiées dans L'Art et la mode, sont d'un style élaboré mais encore bien conventionnel. La description des robes et de leurs falbalas gomme la présence anatomique, et les femmes qu'il représente ressemblent à des poupées ou à des idoles sans personnalité, d'une beauté banale, sans réalité physique. Après quelques années de ces travaux assez fades et répétitifs, Drian accentue le caractère convulsif et crispé de son trait et, sans renoncer à l'illustration commerciale, parvient à élaborer un style dont la virtuosité, l'artifice acquièrent une séduction singulière. C'est autour de 1912 qu'il parvient à la maturité, et ses illustrations de mode pour la Vie heureuse et pour d'autres revues montrent des femmes frêles, revêtues de robes dont il évoque délicatement la texture, les froissements, le vaporeux. Ces femmes d'une incontestable élégance adoptent des poses contournées en contraposto, d'une sophistication inégalée.
Drian parvient magistralement à restituer les attitudes en suspens, à esquisser un geste, à donner le sens de l'éphémère. Sa technique, comme graveur, accentue cette impression de légèreté : il devient un maître très habile dans l'art de la gravure à la pointe sèche et à l'eau-forte. Son style s'approche de l'élégance d'Helleu, mais avec plus de nervosité, de tension. Ce style, si approprié à l'esthétique souple et anguleuse de la mode « moderne » des années 1910, vaut à Drian des commandes pour La Gazette du bon ton. Les vignettes qu'il compose en 1915 pour cette revue comptent parmi les chefs-d'œuvre du genre ; ses jeunes femmes élégantes sont saisies en train d'esquisser un geste, de se mouvoir, et la mise en pages de l'artiste accentue ce sentiment de mouvement, de déséquilibre en communiquant l'intensité d'une impression fugitive. Drian est à la fois l'auteur de la vignette et le concepteur de la robe qu'il dessine, et fait connaître ainsi un talent très original, subtil et un peu tarabiscoté : robes à volants dentelés, corsages déchiquetés, cols et manchettes exagérés, bibis excentriques constituent pour lui le vestiaire de la femme idéale.
Ces silhouettes caractéristiques accusent la présence de l'anatomie sous le vêtement, ainsi de cette illustration justement célèbre composée pour Les Feuillets d'art (1920) qui associe deux croquis d'une même femme. L'effet saisissant de dédoublement, l'aspect esquissé et l'absence calculée de tout décor en accentuent le caractère insolite : les deux silhouettes, de dos, regardent de côté, à profil perdu, se drapent en diagonale dans un châle chatoyant et déploient de voluptueux éventails de plumes, dans un captivant contraste de suavité et de violence.
Drian demeure, dans les années 1920, le virtuose des silhouettes curvilignes, des croquis au trait turbulent, et son style est très imité, notamment dans les revues américaines. Il est l'interprète de l'opulence, et bientôt l'esthétique sobrement géométrique des garçonnes qui exige un style synthétique va démoder les croquis sophistiqués de l'artiste. Mais Drian demeure un personnage en vue, et donne, dans le moulin qu'il habite en région parisienne, des fêtes costumées très représentatives de l'atmosphère de laisser-aller et d'anticonformisme qui règne dans les milieux à la mode ; ainsi Le Bal des mariés où les invités doivent adopter un costume apparié. Il noue des amitiés fidèles avec quelques personnalités de la mode, comme Schiaparelli, dont l'humour fantasque[...]
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Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
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