ADOPTION
L'adoption a pour but de créer un lien de filiation entre personnes qui ne sont pas apparentées par le sang en tant que parent et enfant. Il s'agit donc d'une filiation qui repose non pas sur le lien biologique, mais sur la volonté : c'est une filiation élective. Bien plus que les règles relatives à la filiation biologique, l'adoption est marquée par son caractère juridique qui la façonne : toutefois, il n'est peut-être pas totalement exact de parler de « fiction de la loi » – comme cela est souvent évoqué – car tout système de parenté, même fondé sur une grande concordance entre filiation biologique et filiation juridique, est avant tout culturel et repose sur des règles qui n'en font pas la simple duplication de l'engendrement. Il est certain cependant que l'adoption, bien plus que la filiation par procréation, repose sur une construction juridique, parce qu'ouvertement elle admet l'hypothèse d'un transfert de filiation.
L'histoire et le droit comparé montrent que les caractéristiques de cette institution sont très variables. La manière de créer ce lien de filiation, sa qualité et ses rapports avec la parenté par le sang changent selon les époques et les lieux. La création du lien d'adoption peut se trouver consacrée par un acte plus ou moins exigeant (jugement, contrat formaliste, décision administrative). Le lien créé peut produire des effets plus ou moins étendus allant de la simple reconnaissance d'une situation de fait, avec ou sans incidence sur le nom, à une intégration parfaite dans la famille adoptive calquée sur la filiation légitime. Par rapport à la parenté par le sang, l'adoption peut être pensée comme une parenté substitutive, évinçant la famille d'origine, ou au contraire comme une parenté additive, qui laisse une place aux liens préexistants – il peut même s'agir de créer un lien juridique plus étroit entre personnes qui tout en étant parentes ne le sont pas au premier degré. Les combinaisons sont multiples et à l'image de la diversité des finalités de l'institution.
En simplifiant, deux conceptions s'opposent toutefois. Dans une première conception, l'adoption peut être pensée dans l'intérêt de la famille d'accueil ou de l'adoptant : elle tend alors, pour des raisons religieuses, politiques, patrimoniales ou de prestige à assurer la perpétuation de la famille ou la survie d'un nom menacé d'extinction. Ainsi l'adoption et l'adrogation dans l'ancien droit romain visaient à maintenir le culte des ancêtres, et en France, jusqu'en 1923, l'adoption avait au moins autant pour finalité, sinon plus, la satisfaction des intérêts de l'adoptant que ceux de l'adopté.
Dans une seconde conception, l'adoption tend à assurer de manière prépondérante la protection de l'adopté. Connue de longue date dans les droits orientaux, cette conception de l'adoption comme lien de filiation créé dans l'avantage de l'adopté fut aussi retenue par le droit byzantin. Mais pendant longtemps, cette adoption a produit des effets limités et ne rompait pas les liens de l'adopté avec la famille dont il était issu. Un des traits caractéristiques des droits occidentaux modernes est d'avoir accentué les effets de l'adoption que l'on a cherché à assimiler à ceux d'une filiation légitime, dans l'espoir de favoriser, dans l'intérêt de l'enfant, une véritable « greffe » de l'enfant adopté au sein de sa famille adoptive. C'est qu'au xxe siècle, avec le développement des connaissances psychologiques et l'attention croissante portée à l'enfant, l'adoption s'est focalisée sur les mineurs et a pris un caractère de plus en plus prononcé d'institution de protection de l'enfance destinée à procurer un foyer aux[...]
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Écrit par
- Pierre MURAT : agrégé des Universités, professeur à la faculté de droit de l'université de Grenoble-II
Classification
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