AFRIQUE NOIRE (Culture et société) Religions
Des dieux et divinités et des ancêtres
Un dieu créateur et lointain
Dans de nombreuses religions africaines , le créateur de toutes choses est la plupart du temps inaccessible au point que, si les hommes s'y réfèrent dans les mythes d'origine, ils ne s'adressent pratiquement jamais à lui. Chez les Dogon, le dieu créateur, Amma, est relativement présent, ses autels sont dans chaque famille et des sacrifices lui sont offerts ; pourtant les cultes principaux sont rendus aux ancêtres mythiques et au Nommo, créateur pratique du monde par la révélation progressive de paroles de plus en plus complexes. Sur la côte de Guinée, les Ashanti reconnaissent Nyamé, les Éwé Mawu, et les Yoruba Olorun. Ce dieu éternel et créateur est encore plus lointain qu'Amma ; vivant dans un ciel invisible, il laisse aux dieux secondaires le soin des affaires terrestres. Au Cameroun, Nyambé est tout-puissant et par là même ne demande rien aux hommes dont il s'est éloigné à la suite de ruptures d'interdits. Dans la région des Grands Lacs, au Kenya, Mulungu, omniprésent, est fréquemment invoqué pour une ultime et vague sauvegarde, mais les prières lui sont rarement adressées. Pour les populations nilotiques, Dieu est la totalité et l'on ne s'adresse à lui qu'après avoir épuisé en vain l'appel aux divinités intermédiaires tandis que, chez les Bochimans d'Afrique du Sud, Dieu semble s'être définitivement éloigné des hommes. Cette distance quasi générale du créateur, après avoir fait croire à des observateurs plus ou moins bien intentionnés à l'inexistence d'une représentation d'un principe originel chez les peuples d'Afrique noire, a entraîné des appréciations un peu hâtives quant à la nature réelle des relations des hommes avec le créateur. Sans doute est-ce que, au-delà même de leurs intentions déclarées, les voyageurs, les missionnaires et les ethnologues tentaient de retrouver une notion comparable à celle des religions révélées où la conduite des hommes est régie par une morale distinguant le bien et le mal et dont Dieu est le fondement.
En outre, une analyse sérieuse des divinités secondaires permet maintenant, mais dans la faible mesure des informations disponibles, de distinguer entre un polythéisme réel impliquant une hiérarchie complexe des forces de la nature et les religions où ces forces n'ont qu'une autonomie relative et sont l'expression même du Dieu universel en un lieu, en un temps et pour une occasion déterminés. Quelles que soient ces forces, elles sont intermédiaires et correspondent à une constante des relations africaines, la présence d'un médiateur nécessaire à la transmission de tout discours. Il arrive que le médiateur masque le destinataire, mais par ailleurs l'autonomie réelle de l'intermédiaire divin vaut dans un secteur relativement précis au-delà duquel se trouve peut-être la puissance ultime. Ainsi, chez les Yoruba, Olorun est un être lointain et les divinités secondaires, les orisha, entraînent de la part de leurs sectateurs une dévotion complète et qui ne paraît renvoyer à rien d'autre. Cependant le destin de chacun est fixé à la naissance par Olorun. Cela n'implique aucun fatalisme nécessaire, car tout homme peut et doit prendre les moyens d'assumer ou non son rôle en faisant intervenir ces divinités auxquelles sont offerts les sacrifices. En réalité, le destin est fixé mais il appartient à l'homme d'en modifier le cours, ce qui, peut-être, revient à se reconnaître soi-même.
Dieu fixant le cadre du destin, mais n'intervenant pas directement dans son accomplissement, le créateur n'est, en aucun cas, la mesure du bien et le dispensateur des récompenses de l'au-delà, et l'action des hommes ne vise en rien à mériter un ciel des bienheureux, non plus qu'à éviter d'éventuels châtiments éternels.[...]
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Écrit par
- Marc PIAULT : chargé de recherche au C.N.R.S., responsable de l'équipe de recherche numéro 225 (sociétés d'Afrique occidentale) du C.N.R.S.
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