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PACINO AL (1940- )

Violence et retenue : l'aventure du Parrain

Les trois épisodes de la saga de The Godfather (Le Parrain) ont donné à Al Pacino sa dimension universelle et son statut de star. Panique à Needle Park avait été peu remarqué quand Francis Ford Coppola le choisit pour incarner Michael Corleone, le fils du « parrain » interprété par Marlon Brando. Le réalisateur et surtout Brando (menaçant de renoncer à jouer dans le film) durent d’ailleurs imposer Pacino à la Paramount. Avec leur soutien, l’acteur allait développer une conception du rôle à l'opposé de ce qu'avaient imaginé les producteurs, qui lui auraient préféré James Caan. Or, dès les premières scènes du Parrain (1972), Pacino choisit de jouer un Michael Corleone plus que sobre, apparemment inexpressif, le regard davantage perdu dans ses pensées que tourné vers les autres... La métamorphose qui s’ensuivra après la mort du père n'en sera que plus forte. Ici, l'énergie bouillonnante est intérieure et transparaît seulement dans des détails qui n'en prennent que plus d'intensité : une démarche volontairement retenue, un visage crispé mais débarrassé des tics qui marquaient Serpico ou le Sonny Wortzik d'Un après-midi de chien. Cet aspect sera encore plus poussé dans Le Parrain II (1974), où Corleone devient l'homme du pouvoir et de l'ombre. Dans Le Parrain III (1990), personnage et acteur ont profondément changé : en vieillissant, Michael Corleone ne cache plus ses sentiments et sa détresse tandis que sa « famille » se défait. Cette fatigue humanisera également le personnage de policier insomniaque, au bord de l'effondrement qu’il interprète dans Insomnia, de Christopher Nolan (2002). Sa tendresse maladroite et son célèbre regard de « chien battu » font merveille dans l'agréable comédie sentimentale de Garry Marshall, Frankie and Johnny (1991). Dans une veine proche, il n’hésite pas à jouer de son âge en l’exagérant pour interpréter un lucide et généreux grand-père d’origine italienne qui, moribond, charge son petit-fils d’une mission auprès de celle qu’il a aimée (Two Bits [Instant de bonheur]de James Foley, 1995).

Les sentiments étaient également au centre du très beau Bobby Deerfield de Sydney Pollack (1977). Pour ce mélodrame façon Love Story, Pacino s’est beaucoup impliqué dans le personnage de Bobby, passant sa vie à repousser la mort, et soudain confronté à la fin certaine de celle dont il est tombé amoureux. Mais ce pilote de formule 1, sous la pression constante de la compétition, se doit d’être aussi inhumain que sa machine. Le jeu volontairement monocorde adopté par l'acteur et son regard apparemment vidé de tout affect déroutent le public. Gros échec public, le film sera suivi de beaucoup d’autres, Pacino refusant des œuvres dont le succès profite à ses rivaux, tandis que ses propres choix se révèlent peu judicieux, comme Cruising (La Chasse, de William Friedkin, 1980) ou Révolution (d’Hugh Hudson, 1985)...

Al Pacino retrouve le succès et un rôle mythique dans le remake très libre du classique d'Howard Hawks réalisé par Brian De Palma, Scarface (1983), qui devient vite un film culte. Dans un jeu plus frénétique que jamais et toujours parfaitement réaliste, il donne au mégalomane et suicidaire Tony Montana une dimension shakespearienne. Policier intègre mais désenchanté, dans Sea of Love (Mélodie pour un meurtre, d’Harold Becker, 1989), cynique yuppie de l'immobilier, typique des années Reagan et Bush père dans Glengarry(James Foley, 1992), il brosse le portrait émouvant d'un aveugle égoïste et suicidaire converti à la générosité dans Le Temps d'un week-end (Scent of a Woman), de Martin Brest – remake de Parfum de femme, de Dino Risi –, qui lui vaut un oscar en 1992.

C’est à la demande d’Al Pacino que De Palma accepte de réaliser l’année suivante[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Média

Al Pacino dans <it>Serpico</it>, S. Lumet, 1973 - crédits : Paramount Pictures/ Moviepix/ Getty Images

Al Pacino dans Serpico, S. Lumet, 1973

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