ANDALOUSIE
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L'Andalousie est la séduction de l'Espagne. On croit la saisir d'emblée sous son apparence brillante et facile, mais elle plonge des racines profondes dans le passé. L'art andalou, à la rencontre de l'Orient et de l'Occident, permet de suivre ces antiques cheminements.
L'Andalousie est la plus vaste des régions d'Espagne et celle dont le cadre naturel est le mieux défini. Deux chaînes de montagnes en forment l'ossature, mais tandis que celle du Nord, la sierra Morena, constitue la frontière avec la Castille et l'Estrémadure, celle du Sud, la sierra Nevada, n'est qu'un obstacle en arrière de la grande corniche andalouse sur la Méditerranée. Entre les deux chaînes, la plaine du Guadalquivir s'ouvre largement sur l'Atlantique.
Ces conditions géographiques expliquent le rôle essentiel joué dans l'histoire espagnole, notamment en ce qui concerne la création artistique, par cette contrée qui surveille l'entrée de la Méditerranée et constitue en même temps une façade de l'Espagne sur l'Océan. Son importance va de pair avec une diversité, née de la variété des paysages naturels et, plus encore, de la personnalité des villes qui ont toujours dominé l'économie et la culture.
Histoire
« Pays d'al-Andalus » : c'est sous cette forme que très tôt presque tous les auteurs arabes ont désigné la partie de la péninsule Ibérique soumise à la domination musulmane. Cependant l'origine du mot reste assez mystérieuse : on a voulu y voir un rapport avec les Vandales, passés d'Espagne en Afrique du Nord au début du ve siècle. Mais quelles traces leur nom y aurait-il laissées, pour être ainsi repris ? Ce qui est certain, c'est que, par la suite, lorsque l'Espagne musulmane perdit ses territoires, l'application du mot subit la même restriction ; il désigne aujourd'hui les huit provinces du Sud : Cordoue, Séville, Grenade, Huelva, Cadix, Jaén, Málaga et Almería.
La conquête
L'Afrique du Nord à peine conquise, son gouverneur Mūsā eut l'idée de détourner vers l'extérieur les forces vives de ces Berbères qui lui avaient opposé une si farouche résistance. En 711 (année 92 de l'hégire), il envoya, sous le commandement de Ṭāriq, 7 000 Berbères conquérir l'Espagne dont la richesse et les divisions promettaient un facile butin. L'écrasement imprévu du roi wisigoth Rodrigue à la bataille du Guadalete (19-26 juill.) amena Mūsā, non sans réticences de la part du calife, à passer lui-même en Espagne, à y faire sa jonction avec Ṭāriq et à entrer avec lui à Tolède. La faiblesse du parti wisigothique, mené par le prétendant Akhila dont l'appel lui avait servi de prétexte, lui inspira même l'idée d'une occupation durable, et il commença à conclure des accords en ce sens avec les chefs locaux. En 94/713 il parvenait au-delà de Saragosse. Mais en 95/714, Mūsā et Ṭāriq furent appelés à Damas pour enquête : Akhila ayant renoncé à toute prétention royale, la conquête de la péninsule fut achevée (sauf une petite partie de la chaîne cantabrique) par le nouvel émir al-Ḥurr, qui détruisit Tarragone et occupa Barcelone (de 97/716 à 100/719). Ses successeurs occupèrent même, au-delà des Pyrénées, la Septimanie wisigothique (bas Languedoc) et lancèrent de là des expéditions en direction du nord.
L'arrêt de la conquête arabe en Occident s'explique surtout par l'insurrection berbère en Afrique du Nord, appuyée sur le kharidjisme (121/740). Les Berbères d'Espagne se soulevèrent eux aussi, formant plusieurs colonnes qui menacèrent Cordoue et Tolède. Face à ce péril, les Arabes, peu nombreux, n'étaient même pas unis : une opposition traditionnelle se perpétuait entre Kaisites, Bédouins nomades de l'Arabie septentrionale et centrale, et Kalbites, cultivateurs sédentaires originaires du Yémen. L'insurrection ne fut matée que grâce à l'arrivée du Kaisite Baldj, avec quelques milliers de Syriens qui avaient été évacués de Ceuta assiégée, et qui restèrent finalement en Espagne. Plusieurs années de cruelles famines (d'env. 132/750 à 137/755) apaisèrent ces luttes. Malgré tout, la situation restait fort confuse en Espagne durant cette « époque des gouverneurs » et ceux-ci, bien que peu puissants et souvent remplacés, dépendaient en fait de moins en moins du calife damascène.
De l'émirat au califat de Cordoue
L'émancipation de fait de l'Espagne musulmane fut assurée par la fondation de l'émirat umayyade (ou omeyyade). Abd al-Raḥmān, petit-fils du dernier calife de cette dynastie, échappé au massacre de celle-ci par les ‘Abbāssides triomphants, se réfugia en Afrique du Nord, parmi les tribus berbères, dont sa mère était issue. Son affranchi Badr lui ayant obtenu le ralliement des Syriens et d'une partie des Kalbites d'Espagne, il passa dans ce pays et s'empara de Cordoue, où il se contenta de se proclamer émir (138/756). Son autorité ne s'y imposa pas sans peine, tant aux Berbères, qui résistèrent longtemps dans le Centre, qu'aux chefs arabes. Deux d'entre eux, les gouverneurs de Barcelone et de Saragosse, provoquèrent même l'intervention de Charlemagne (161/778). Cependant, après la mort d'‘Abd al-Raḥmān (172/788), ses descendants – non sans lutte de succession pour les premiers – réussirent à consolider sa dynastie dans l'émirat cordouan : Hisḥām Ier (de 172/788 à 180/796), puis al-Ḥakam Ier (de 180/796 à 206/822), ‘Abd al-Raḥmān II (de 206/822 à 238/852), Muḥammad Ier (de 238/852 à 273/886). Ce siècle d'histoire andalouse apparaît très troublé.
Les Berbères, presque constamment, participèrent aux soulèvements. Or les luttes entre Arabes se poursuivaient, et la part qu'y prenaient les Espagnols convertis à l'islam (ou muwallads) en accroissait la gravité. La « révolte du faubourg » installé sur la rive sud du Guadalquivir à Cordoue dut être sauvagement réprimée en 202/818. Les grandes villes des marches de l'Ouest et du Nord, Mérida, Tolède, Saragosse, étaient aussi des foyers d'agitation : plusieurs centaines de notables tolédans furent massacrés lors de la « journée de la fosse », en 181/797 ; les murs de Mérida furent démantelés en 219/834. Dans la région de Saragosse, les Banu Kassi, descendants d'un comte wisigoth, se rendaient pratiquement indépendants. Les chrétiens sous domination musulmane (ou mozarabes) n'étant pas l'objet de persécution religieuse restaient en général calmes ; cependant, de 237/850 à 245/858, sous l'effet de la prédication de mystiques comme le prêtre Euloge, un mouvement de martyres volontaires se produisit à Cordoue.
La lutte contre les États chrétiens du Nord se poursuivait, défensive, lorsque les troubles intérieurs, auxquels participèrent à plusieurs reprises les rois asturiens, accaparaient les émirs de Cordoue, offensive dès que les circonstances le permettaient. Dans l'ensemble, les frontières reculaient, tant à l'est (perte de Barcelone en 185/801) qu'à l'ouest. Signalons encore les pillages des Normands, qui mirent Séville à sac en 229-230/844, et tentèrent encore quelques débarquements de 245/858 à 248/861.
Sous Hisḥām Ier s'était introduite en Espagne la doctrine malikite, très orthodoxe et rigoriste dans l'interprétation du Coran et de la Tradition. À Cordoue et dans les grandes villes se développa ainsi une aristocratie de faqihs, juristes théologiens, qui s'ingéraient dans le gouvernement ou faisaient de l'opposition.
Le règne d'‘Abd al-Raḥmān II et les débuts de son successeur furent relativement tranquilles et brillants. Puis l'agitation reprit. Depuis 237/850, le muwallad ‘Umar ibn Hafsūn pratiquait dans la région de Bobastro un brigandage qui tendait même à la formation d'une principauté ; depuis 254/868, non sans accalmies, le muwallad Ibn Marwan entretenait dans l'Ouest une agitation soutenue par les Asturiens. Après le court règne d'al-Mundhir (de 273/886 à 275/888), son frère ‘Abd Allāh (de 275/888 à 300/912) s'efforça de maintenir, malgré l'agitation montante, la dynastie hispano-umayyade. C'est son petit-fils ‘Abd al-Raḥmān III qui rétablit la situation et fonda le califat de Cordoue.
L'apogée de l'Espagne musulmane
Sous ‘Abd al-Raḥmān III et son fils al-Ḥakam II (de 350/961 à 366/976), l'Andalousie, pacifiée et prospère, connut un véritable apogée, un remarquable équilibre entre sa puissance politique et militaire et l'éclat de sa civilisation.
Si, au xe siècle, le monde musulman a perdu son unité religieuse et politique, il forme un ensemble économique, vivifié par d'importants courants de circulation (qui favorisent aussi celle des idées). L'Espagne reçoit (du Soudan en particulier) de grosses quantités d'or, qui alimentent un abondant monnayage, complétant les traditionnelles pièces d'argent. Elle trouve des débouchés, qui stimulent sa production. Son agriculture a bénéficié de la venue des paysans berbères, de l'introduction de meilleurs procédés d'irrigation et de cultures nouvelles (riz, canne à sucre, coton, oranger). L'Espagne est surtout le pays du blé et du vin ; elle peut aussi fournir du bois, avantage rare parmi les pays musulmans. Le Calendrier de Cordoue rédigé pour al-Ḥakam II permet de se représenter avec précision l'activité agricole. Les vieilles ressources minières (argent, fer, mercure) sont exploitées plus activement. Les industries urbaines, certaines anciennes (comme les cuirs de Cordoue), d'autres plus nouvelles (soieries, tapis de laine, armes de Tolède) fleurissent à l'envi.
Cette vigoureuse activité, qui se traduit par la relative aisance du monde paysan soumis en général à une sorte de métayage, par l'ampleur des villes, qu'il ne faut pas exagérer (Cordoue arrivait peut-être à 100 000 habitants, Tolède à 35 000), mais qui était sans équivalent dans l'Europe chrétienne, alimente aussi les finances du calife et lui permet de donner à ce pays la forte armature politique et militaire dont il a besoin.
En effet, son peuplement fait de l'Andalousie une véritable mosaïque, où les conquérants ne sont qu'une faible minorité. L'énorme majorité de la population est formée des Espagnols eux-mêmes : muwallads et mozarabes, ceux-ci en communautés régies par leurs évêques et leurs « défenseurs », ou comtes. Dans toutes les villes il y a d'importantes communautés juives. De nombreux esclaves d'origine slave ont été introduits par le trafic ; parmi eux, les mawali, ou affranchis, peuvent s'élever à des postes importants. Les Berbères ont fourni un notable contingent d'immigrants (de 200 000 à 300 000), mais ceux-ci sont mal arabisés et vivent surtout à la campagne. Les Arabes (de 30 000 à 40 000) forment une infime minorité, que ne renouvelle plus aucun apport d'Orient.
S'il est vrai que finalement le pouvoir du calife repose sur la force – qui s'est souvent manifestée avec rudesse –, l'organisation administrative atteint un développement avec lequel aucun pays chrétien ne pourrait alors rivaliser. À la tête de l'ensemble des services se trouve le hadjib, qui est le premier des vizirs (le vizirat étant plus une dignité bien payée qu'une fonction précise). Richement alimentées par les impôts légaux des divers sujets (dîme des musulmans, impôts fonciers et de capitation des infidèles) et par les ressources extraordinaires (taxes sur les transactions, douanes), les finances permettent de payer tout un personnel administratif, ainsi que des mercenaires (slaves, berbères) dont le rôle croît dans l'armée. L'organisation provinciale est assez mal connue : les kuras pacifiées, correspondant sans doute aux anciens comtés wisigothiques, sont dirigées chacune par un wali ; dans la zone de guerre bordant l'Espagne chrétienne, des caïds militaires siègent à Saragosse et à Medinaceli.
Les califes de Cordoue éprouvèrent le désir de s'entourer de savants et d'artistes. La persécution chassait alors d'Orient des érudits juifs. Dès la fin du xe siècle, l'Espagne accueillit ainsi les sciences et la philosophie développées dans le monde islamique ; de là elles pourront passer dans l'Europe chrétienne. Tout ce mouvement se caractérise en Espagne par la place moindre qu'y occupent théologie et grammaire – disciplines proprement arabes – et par la forte participation des infidèles. Non sans arbitraire, on peut détacher : Abū l-Qāsim, médecin d'al-Ḥakam II, auteur d'une Encyclopédie médicale ; le vizir Ibn Ḥazm (mort en 456/1064), de Cordoue, qui dans son Livre des religions et des sectes développe une intéressante comparaison ; al-Zarqālī, né à Cordoue vers 420/1029, mais qui vit à Tolède, y compose des Tables tolédanes d'observations célestes. Évolution caractéristique du mouvement de décentralisation qui se produit au xie siècle : d'abord seul grand centre intellectuel, Cordoue se voit concurrencer par Tolède, Almería, Saragosse. Mais cette décentralisation affecte aussi la vie politique de l'Andalousie.
Le déclin de l'Espagne musulmane
Le déclin, c'est d'abord la décomposition du califat. À la mort d'al-Ḥakam II, son fils Hisḥām II n'a que dix ans. De l'aristocratie militaire qui gouverne en son nom se détache bientôt un jeune Arabe, Ibn Abī ‘Āmir, que son énergie, son habileté et la faveur de la mère d'Hisḥām II placent au premier plan. Hādjib, il conduit presque tous les ans contre les États chrétiens du Nord des expéditions victorieuses : la prise de Barcelone (374/985), celle de Coïmbra (376/987), celle de León (378/988), celle de Compostelle (387/997) jalonnent cette intense activité qui porte au plus haut point le renom de l'Islam en Occident, et permet à Ibn Abī ‘Āmir – plus connu dès lors sous son surnom d'al-Manṣūr (le Victorieux) – d'éliminer ses rivaux. Mais ses succès n'entraînent pas la conquête des États chrétiens, qui se relèvent vite. Ils sont obtenus grâce à une forte immigration de soldats berbères, qui constitue un facteur de déséquilibre pour l'avenir. Et l'action d'al-Manṣūr déconsidère le califat. Aussi sa mort (Medinaceli, 392/1002) est-elle suivie d'une période de troubles et de guerres civiles qui opposent plusieurs candidats au califat et auxquelles prennent part des contingents chrétiens, jusqu'à ce que, Cordoue se lassant d'être l'enjeu de ces luttes stériles, le califat lui-même disparaisse (422/1031).
Alors s'ouvre la période dite des reyes de taifas (rois des clans). Il s'agit d'une série de principautés, dont la carte évolue au souffle des guerres qu'elles se livrent, mais parmi lesquelles on peut détacher quelques-unes : des Berbères règnent dans le Sud, à Grenade et Málaga ; des Slaves dans le Sud-Est, à Valence et Almería ; surtout des Arabes, à Saragosse, Tolède, Badajoz, et en premier lieu les ‘Abbādides de Séville. Le xie siècle reste une période de prospérité économique et d'éclat intellectuel et littéraire. Mais la puissance militaire et politique décline vite : les princes emploient des contingents chrétiens dans leurs luttes, puis s'habituent à payer aux souverains chrétiens des tributs ou parias, moyennant lesquels ceux-ci promettent de ne pas les attaquer, voire de leur fournir de l'aide. Enfin l'avance chrétienne se traduit par la reconquête de territoires.
En 478/1085, le passage du royaume de Tolède aux mains d'Alfonse VI de Castille décide les rois de Séville et Badajoz à faire appel à la puissance des Almoravides, qui vient de se constituer au Maroc. Le débarquement de Yūsuf b. Tās̱ẖfīn, son éclatante victoire de Sagrajas sur les chrétiens (479/1086) ouvrent la période des grandes interventions africaines. Les Almoravides remportent encore d'autres succès sur les chrétiens, les obligent à évacuer le royaume de Valence, les ramènent à la frontière du Tage, sans leur enlever Tolède. Une partie de leur activité se tourne d'ailleurs contre les princes hispano-musulmans, déclarés libertins et impies, et détrônés ; seul le royaume de Saragosse résiste quelque temps, jusqu'en 503/1110. Une trentaine d'années plus tard, la puissance almoravide est minée au Maroc par les Almohades. Vainqueurs, ceux-ci interviennent à leur tour en Espagne, où ils s'emparent assez vite de Séville (542/1147) et de Cordoue, mais se heurtent ensuite à des résistances tenaces, comme, à Valence et Murcie, celle d'Ibn Mardenīs̱ẖ, petit-fils de renégats chrétiens, soutenu par la Castille, et qui lutte jusqu'à sa mort (567/1172). Les derniers Almoravides passent dans les Baléares, d'où les Almohades les délogent en 599/1203.
Ces interventions ont temporairement rendu une unité à l'Espagne musulmane, y ont produit un renouveau religieux et l'essor d'une civilisation originale. Elles ont entraîné un durcissement de la lutte contre les chrétiens qui, de part et d'autre, prend alors le caractère d'une guerre sainte. Mais elles n'ont pas brisé l'Espagne chrétienne. Au début du xiiie siècle, celle-ci prend à son tour l'offensive, et la défaite de Las Navas de Tolosa (609/1212) marque l'effondrement de la puissance almohade. Par pans entiers, l'Espagne musulmane passe aux mains des souverains chrétiens au cours des décennies suivantes. En fin de compte, elle est réduite au royaume de Grenade, qui subsiste jusqu'à la fin du xve siècle.
Situation actuelle
La communauté autonome d'Andalousie est une des plus vastes d'Espagne (87 268 km2, presque le Portugal) et c'est la plus peuplée (7,9 millions d'habitants en 2006). Mais elle est peu développée et les inégalités sociales y sont fortes. Al-Andalus, le territoire de l'Espagne musulmane, a fini par être identifié aux terres reconquises à partir du début du xiiie siècle qui constituèrent plusieurs « royaumes » de la couronne de Castille.
L'Andalousie s'oppose vigoureusement aux hautes plaines intérieures de la péninsule et aux littéraux du Levant dont elle est séparée par de vastes étendues désertes. Sa réputation d'opulence et de raffinement qui en ferait une « terre donnée », selon la formule d'Ortega y Gasset, est fondée sur l'abondance des matières premières : produits des mines de cuivre, de plomb, de fer ou d'argent et productions agricoles telles que le blé, le vin ou l'huile d'olive. Mais elles étaient exportées sans créer pour autant de richesses et d'emplois sur place. La prospérité agricole traditionnelle avait pour assise principale la dépression parcourue par le Guadalquivir, la plus vaste étendue de collines et de plaines de toute la péninsule Ibérique. Sur les sédiments marins meubles et fins se développèrent des sols profonds à caractères vertiques dont la capacité de rétention en eau et la saturation du complexe absorbant en ions calcium en font les meilleures terres céréalières de la péninsule. Sur une étendue comparable à celle de la Belgique, la dépression du Guadalquivir est le domaine du blé et du tournesol, des olivettes et de quelques vignobles de qualité (Montilla et, surtout, Xérès). L'irrigation, qui ne s'y est développée que depuis la fin des années 1920, porte sur le maïs, le coton principalement, les fruits et légumes et, dans la plaine alluviale des Marismas, sur le riz.
Des régions montagneuses enserrent la dépression bétique. Au nord, la sierra Morena, rebord méridional du socle ancien profondément entaillé par l'érosion, s'est dépeuplée à partir du début du xxe siècle. Les mines en furent longtemps la principale richesse, et les noms de grandes multinationales s'y trouvent associés (Río Tinto, Tharsis, Peñarroya, etc.).
Au sud, les chaînes Bétiques de type alpin culminent à 3 478 mètres dans la sierra Nevada. Un chapelet de dépressions y permet une circulation aisée. Cette région aux pentes fortes et aux sols squelettiques fut, jusqu'à la fin des années 1970, un pays de petits paysans. Les paysages de terrasses et d'arboriculture fruitière sont les vestiges d'un labeur séculaire qui appartient désormais au passé, tandis que les dépressions intramontagneuses comme celle de Grenade sont le lieu d'une très ancienne irrigation.
Enfin, l'étroit littoral méditerranéen bénéficie d'un climat d'abri aux hivers doux et ensoleillés. Ces avantages furent mis à profit pour pratiquer des cultures tropicales comme la canne à sucre ou les anones et, plus récemment, pour développer le tourisme international à l'ouest de Málaga (Costa del Sol) ou l'agriculture intensive de contre-saison (Campo de Dalías et région d'Almería).
L'émigration d'une partie de la population fut longtemps la seule réponse à la misère et au chômage saisonnier. Dans les années 1950, elle fut dirigée vers les grandes agglomérations espagnoles : Bilbao, Madrid, et, surtout, Barcelone. L'Andalousie enregistrait alors un fort excédent des naissances sur les décès. À partir des années 1960, l'exode s'étendit hors des frontières, à destination de l'Allemagne, de la France et de la Suisse. Depuis le milieu des années 1970, ces flux se sont taris et, malgré la diminution considérable des taux de natalité, la population a de nouveau augmenté. Mais, entre-temps, les campagnes et les petites villes se sont dépeuplées. Seules les capitales provinciales se sont accrues mais sans constituer une hiérarchie urbaine. D'ailleurs, depuis le califat de Cordoue, l'Andalousie n'a jamais eu de capitale. C'est à la suite de l'instauration de l'autonomie que Séville est devenue le siège du gouvernement. Elle ne parvient pas cependant à étendre son influence à toute l'Andalousie. Toutefois, Séville a mis à profit l'organisation de l' Exposition universelle de 1992 pour réaliser de grands travaux d'urbanisme et entamer la réhabilitation d'un centre historique très étendu, à la mesure d'un glorieux passé. Les efforts déployés pour améliorer la navigation et pour se prémunir contre les inondations amenèrent les ingénieurs à recouper des méandres du Guadalquivir. Désormais reliée à Cordoue et à Madrid par un train à grande vitesse, équipée d'un réseau routier et autoroutier important, Séville, dont l'agglomération compte 1,1 million d'habitants en 2004, a les moyens de remplir sa fonction de capitale de l'Andalousie.
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Écrit par
- Michel DRAIN : agrégé de géographie, docteur d'État, directeur de recherche émérite au C.N.R.S.
- Marcel DURLIAT : professeur émérite d'histoire de l'art à l'université de Toulouse-Le-Mirail
- Philippe WOLFF : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
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