SALMON ANDRÉ (1881-1969)
Au moment où le symbolisme jette ses derniers feux, André Salmon, témoin de la naissance du cubisme, fonde avec Guillaume Apollinaire et Max Jacob les bases d'un nouveau lyrisme.
Né à Paris le 4 octobre 1881, il est à peine âgé de seize ans lorsqu'il quitte Paris pour Saint-Pétersbourg où il séjournera cinq ans loin des siens, exerçant des fonctions subalternes au consulat de France. C'est là qu'il découvre Rimbaud, Corbière, Lautréamont et acquiert le goût de la vie cosmopolite ainsi qu'un sens aigu du merveilleux. Rentré en France, il débute en 1903 aux soirées de La Plume où il rencontre des anciens, Jarry, Paul Fort, Mécislas Golberg, et des « nouveaux » : Apollinaire, Nicolas Deniker, avec qui il fonde Le Festin d'Ésope. Il fréquente la Closerie des Lilas et devient, en mars 1905, le secrétaire de Vers et Prose. Quelques mois plus tôt, il s'est lié avec Picasso et Max Jacob. En 1908, aux heures héroïques du cubisme, il occupe un atelier au Bateau-Lavoir. Ses trois premiers recueils, Poèmes (1905), Les Féeries (1907) et Le Calumet (1910) sont bien accueillis. Après avoir connu les aléas de la vie de bohème, il opte pour le journalisme. Apollinaire, dans un fameux poème d'Alcools, célèbre son mariage avec Jeanne, le 13 juillet 1909. En 1912, il se fait connaître comme conteur (Tendres Canailles) et critique d'art (La Jeune Peinture française). Après la Première Guerre mondiale, il publie en l'espace de trois ans (1918-1921) des contes (Monstres choisis), des essais (La Jeune Sculpture française, L'Art vivant), un récit poétique (Le Manuscrit trouvé dans un chapeau) et ses premiers romans (La Négresse du Sacré-Cœur, L'Entrepreneur d'illuminations) ; avec Prikaz, Peindre et L'Âge de l'Humanité, il renouvelle son univers poétique, ne serait-ce que par le choix des sujets : révolution russe, avènement du cubisme et d'un monde moderne, on ne peut plus précaire.
Cette activité intense débouche sur une période plus confuse. Chroniqueur judiciaire, Salmon vit les heures chaudes de Montparnasse et se lance dans une carrière d'auteur dramatique sans lendemain. Ses œuvres, prose ou vers, ne déméritent pas (Archives du club des Onze, Une orgie à Saint-Pétersbourg, Vénus dans la Balance), mais elles « datent » par leur esthétique cubiste en pleine époque surréaliste. Salmon affirme l'autonomie de l'art, au moment où les jeunes prônent l'engagement politique. Dans Saint André (1937), il dit son désaccord avec un monde soumis aux « marchands de systèmes ». Envoyé comme reporter en Espagne (1936) puis en Syrie (1939), il est contraint de reprendre ses activités de journaliste à Paris : Jeanne est gravement malade et il n'a plus un sou. Cela lui vaudra, à la Libération, d'être condamné à une peine minimale, mais douloureusement ressentie. Après la mort de Jeanne, il connaît une fin de vie paisible. Installé à Sanary avec sa seconde femme, Léo, il retrouve le goût d'écrire : trois volumes de Souvenirs sans fin (1955-1961), une chronique anarchiste, La Terreur noire, un roman, Sylvère ou la vie moquée, des vers encore et toujours, Les Étoiles dans l'encrier, Vocalises. En 1964, le prix de poésie de l'Académie française lui rend justice.
Toute l'œuvre d'André Salmon repose sur des mélanges plus ou moins détonnants de thèmes, de tons et de styles. Dans ses premiers recueils (Créances, 1905-1910), les personnages et les décors du symbolisme (fées, satyres, couples masqués dans des parcs) voisinent avec ceux de la modernité (filles et marlous dans les bars) et du cosmopolitisme (moujiks, Nègres, Tziganes et matelots). Mêlant vers libres et strophes régulières, nostalgie et humour, sincérité et parodie, l'écrivain exprime ses contradictions et tente de réduire l'écart entre rêve et réalité. Dans sa seconde[...]
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Écrit par
- Jacqueline GOJARD
: maître de conférences en littérature française du
xx e siècle, enseignant à l'université de Paris-III
Classification
Autres références
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- 2 médias
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