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ANGELOPOULOS THEODORE dit THEO (1935-2012)

Auteur, entre 1970 et 2004, de douze longs-métrages qui ont, pour la plupart, reçu un prix international (dont la palme d'or du festival de Cannes, décernée à L'Éternité et un jour en 1998), Theo Angelopoulos est considéré comme l'une des grandes « consciences » européennes. Parce qu'il n'a jamais renoncé à la dimension historico-critique de la création artistique, le cinéaste grec occupe, en effet, une place unique dans le panorama cinématographique contemporain.

Un cinéaste de la modernité

Grâce à la collaboration fidèle des mêmes collaborateurs, le scénariste italien Tonino Guerra, les directeurs de la photographie Georges Arvanitis et Andréas Sinanos, le décorateur Mikes Karapipéris et la musicienne Eléni Karaïndrou, en particulier, tous les films d'Angelopoulos portent la marque d'un auteur, tant sur le plan esthétique – le refus de l'approche « psychologisante » et individualiste communément admise –, que thématique –  son œuvre affichant une dimension fondamentalement politique. Des dictatures, occupations, guerre civile et exils à répétition subis par le peuple grec depuis le début du siècle, jusqu'aux conflits récents qui ont embrasé les Balkans, c'est toute l'histoire européenne du xxe siècle qui constitue la matière de ses fictions.

Le cinéma d'Angelopoulos relève donc de la modernité, au sens où s'y affirme une conscience de l'historicité comme horizon indépassable, en même temps que l'expérience esthétique y devient le modèle de l'expérience partagée d'un « monde commun ». À l'instar des grandes œuvres poétiques ou romanesques de ce siècle qui mêlent prose et poésie, réflexion historique et remémoration, ses films élaborent une véritable poétique de la mémoire. Parce que le récit, confronté aux catastrophes du siècle, a perdu sa capacité d'ordonner le réel historique, dans les films d'Angelopoulos, c'est au spectateur qu'incombe de voir surgir, sous le présent, les spectres du passé. Cette mutation du regard du spectateur fait ainsi de lui l'acteur de la recomposition de l'histoire.

La vie du cinéaste est, en effet, marquée par les cahots de l'histoire collective grecque. Angelopoulos naît en 1935, un an avant l'instauration de la dictature du général Métaxas qui s'achèvera avec l'occupation du pays par les armées italienne et allemande. En 1944, la Libération est, pour la Grèce, le signal d'une nouvelle occupation : celle des troupes britanniques puis américaines. La guerre civile va alors déchirer la population, jusqu'en 1952, date de l'arrivée au pouvoir du maréchal Papagos. En 1967, un coup d'État porte les Colonels au pouvoir. En 1974, la junte s'effondre. S'ouvre alors une nouvelle ère où démocratie et mercantilisme riment avec amnésie. Autrefois réprimés dans le sang, les espoirs révolutionnaires du passé semblent désormais effacés. À cette rupture historique correspondent nettement, dans l'œuvre du cinéaste, deux périodes, non seulement parce qu'aux grandes fresques épiques des années 1970 succèdent des films centrés sur la quête existentielle d'un personnage, mais surtout parce que la question de la mémoire y est posée en des termes très différents.

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Écrit par

  • : professeur agrégé de lettres modernes, maître de conférences (études cinématographiques) à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

Theo Angelopoulos - crédits : Jerome Prebois/ Kipa/ Sygma/ Getty Images

Theo Angelopoulos