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ANIMALITÉ

La refonte du concept d'animalité : les apports de la phénoménologie

Le comportement animal

C'est à la phénoménologie qu'il revient d'avoir ouvert la voie la plus féconde dans la compréhension de la singularité de la vie animale, en ruinant, par le type même des questions qu'elle pose, cette ontologie renversée qui, pour la métaphysique, qualifie l'animalité. C'est, entre autres, pour ne pas avoir regardé l'animal pour lui-même, dans son être propre, dans sa différence par originalité, que la métaphysique n'a pas pensé l'animal, pour construire, au lieu de cela, un concept qui se borne à dire le négatif de l'humain. Le fait de penser l'animal comme un sujet dans un monde, comme un être pour-soi, doté d'une structure de moi, ne saurait laisser indemne l'indigence ontologique sur laquelle repose l'appropriation, rendue de ce fait innocente, du monde animal.

La question du comportement est au cœur du débat ; c'est d'elle que dépend la reconnaissance ou non d'une relation au monde. Hésiter, renoncer, persévérer, inventer... sont autant de traits qui relèvent de l'intention, mettent en scène un sujet en avant de lui-même pris dans une structure signifiante. Ce qui constitue à proprement parler un comportement est cette projection et ce devancement constant qui créent une relation entre soi et l'entourage, observable chez les animaux les plus humbles, même s'il convient d'opérer des distinctions entre les mondes animaux. Aussi Merleau-Ponty, dans La Structure du comportement (1942), caractérise-t-il le comportement comme une forme signifiante qui conduit nécessairement à s'inscrire en faux contre le béhaviorisme. Dans une contribution intitulée « La „psychiatrie animale“ et les troubles du comportement chez les animaux », (in Psychiatrie animale, sous la dir. d'Henry Brion et Henry Ey, 1964), Georges Lanteri-Laura estime que les normes comportementales sont à comprendre comme « les mœurs coutumières » de l'espèce en question. Cela signifie qu'il n'y a ni indétermination absolue (en raison de ces normes), ni uniformité du comportement (en raison de son caractère individué), et que celui-ci exprime de manière chaque fois propre à un individu une relation avec l'entourage selon les possibilités d'action offertes par la structure de son organisme.

La refonte complète de la notion de comportement est au fondement des perspectives très neuves que la phénoménologie ouvre. Car en effet, l e comportement fut tout d'abord l'affaire du béhaviorisme. Le béhaviorisme, dont Broadus Watson est, au début du xxe siècle, le fondateur (Psychology as the Behaviorist Views It, 1913), a opté pour une interprétation mécaniste du comportement, que celui-ci soit d'ailleurs animal ou humain. S'agissant d'observer un organisme régi par un mécanisme strict, voire un système de stimuli et de réponses de l'arc réflexe, les conditions du laboratoire sont suffisantes. Fortes de ce postulat (l'animal est un organisme impulsé de l'intérieur), bien des recherches furent menées, et ce dès la fin du xixe siècle, sur les réflexes conditionnés ou les névroses expérimentales provoquées en laboratoire, sous la direction, notamment, de Pavlov. Tout un courant s'engagea dans cette voie mécaniste où les notions de comportement (vu comme une relation dialectique avec l'environnement, selon la définition qu'en donnera Maurice Merleau-Ponty), de monde, de sujet de l'action, etc., ne pouvaient avoir aucune place. La méthode comme la pensée de Pavlov ont profondément imprégné le béhaviorisme et la psychologie objective, qui ont emprunté aux sciences physiques le modèle de leur démarche : l'exclusion de toute référence à la vie mentale était présentée comme une caution de scientificité.[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche deuxième classe à l'Institut national de la recherche agronomique

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Médias

<it>Le Rhinocéros</it> par Albrecht Dürer - crédits : Christie's Images,  Bridgeman Images

Le Rhinocéros par Albrecht Dürer

Emmanuel Kant - crédits : AKG-images

Emmanuel Kant

Schopenhauer - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Schopenhauer

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