ASSYRIE
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Les noms d'Assyrie (pays) et d'Assyriens (peuple) ont été tirés par les Modernes du nom ancien, Assour, qui désignait, selon les cas, un dieu, un pays ou une ville. L'Assyrie était une contrée de Haute- Mésopotamie, dont la population parlait un dialecte sémitique, très proche du babylonien.
Les quatorze siècles de l'histoire des Assyriens donnent l'exemple le plus achevé de l'évolution de la communauté politique dans l' Orient ancien.
Devenue indépendante à la fin du xxie siècle avant J.-C., l'Assyrie reste, jusqu'au xive siècle avant J.-C., à un stade archaïque : elle n'a qu'une ville, Assour, et elle est gouvernée par un « régent » du dieu Assour, dont le pouvoir est limité par la noblesse. Les « régents » n'en attachent pas moins leurs noms aux grands travaux de la cité qui se poursuivent jusqu'à la fin de l'histoire de l'Assyrie : muraille, palais et temple dédiés à Assour et à d'autres divinités mésopotamiennes. En effet, pendant un temps (xxe-xviiie s.), les Assyriens s'enrichissent grâce au commerce des métaux qu'ils organisent avec les villes de l'Anatolie centrale. Après un âge obscur (xviiie-xve s.), l'Assyrie passe brusquement au stade de puissance (xive s.). Elle annexe des villes et est gouvernée par un roi. Ce souverain, un personnage terrible, doit souvent déjouer des complots. Avec son peuple, devenu fort belliqueux, il organise le pillage et la conquête des pays étrangers, qu'il terrorise. Dans cette période de guerres annuelles, les Modernes distinguent un premier empire assyrien (xive-xiiie s.) et un second empire assyrien (ixe-viie s.), séparés par l'invasion des Araméens. Finalement, au lendemain de ses plus lointaines conquêtes (Thèbes d'Égypte, Suse), l'Assyrie, épuisée, disparaît sous les coups d'une nouvelle puissance, les Mèdes (612 av. J.-C.). Il ne reste d'elle que les palais incendiés et le trésor des tablettes cunéiformes de Ninive.
Histoire
Débuts de la ville-État (jusque vers 2002)
Pendant longtemps, l'Assyrie se réduit aux campagnes dépendant d'une cité qui porte le nom de son roi divin, le dieu Assour. Les grands travaux des IIe et Ier millénaires avant J.-C. ayant fait disparaître les couches les plus anciennes du site, on ignore à peu près tout des origines de cette ville, qui ne se manifeste à l'archéologue qu'à partir du premier niveau du temple local d'Ishtar (déesse mésopotamienne de la fécondité), qui remonte au Dynastique archaïque III (env. 2400). Les statuettes d'orants du sanctuaire indiquent l'influence de la civilisation de Sumer, sans qu'il soit besoin de supposer la présence d'une colonie sumérienne dans un milieu si différent de la Basse-Mésopotamie : le district d'Assour, un peu moins sec que Sumer (actuellement 200 mm de pluie contre 100 mm, en moyenne), a des vallées trop encaissées pour permettre l'irrigation et se contente, encore au IIIe millénaire, de la culture sèche des céréales et de l'élevage semi-nomade. L'influence qui s'est exercée sur les premiers citadins d'Assour est sans doute celle des commerçants envoyés par les « Temples » sumériens vers les montagnes riches en métal et qui remontaient pour cela le cours du Tigre.
La cité-État du dieu Assour est englobée dans l'empire mésopotamien que les rois de la ville sémitique d' Akkad (dans la région de Babylone) dirigent au xxiiie siècle : en effet, une inscription d'Assour nous apprend que l'Akkadien Manishtoushou (vers 2220) est le souverain d'un certain Azouzou, sans doute un personnage important de la cité. Un autre ex-voto, qui se placerait lors de l'effondrement de la domination akkadienne, puisqu'il n'y est pas nommé de suzerain, émane du « chef » (de la ville), Ititi, qui a battu la cité voisine de Gasour (sans doute celle qui s'appellera Nouzi au IIe millénaire). Victime d'une destruction qui serait le fait des nouveaux maîtres de la Mésopotamie, les Gouti, barbares venus du Zagros, Assour connaît une période de pauvreté jusqu'au moment où elle est incorporée par la troisième dynastie d' Our (env. 2109-2002) à son empire ; la domination de ces rois « néo-sumériens » est attestée par le gouverneur Zariqoum qui restaure un temple « pour la vie de son maître », le roi d'Our, Amar-Souen (env. 2045). Puis, après l'effondrement de cet empire sous les coups des Amorrites ( Sémites venus de l'ouest), des inscriptions qui commencent vers 1970 indiquent qu'Assour est gouvernée par des princes indépendants qui portent des noms akkadiens et qui se disent « vicaires » du dieu (le titre royal est longtemps réservé au patron divin de la cité).
À ces maigres documents, qui jalonnent les six premiers siècles de l'histoire de l'Assyrie, il faut ajouter les fameuses listes royales. Attachés à l'idée que leur pays n'avait connu qu'une seule dynastie, les lettrés assyriens n'ont cessé de recopier des listes de souverains, complétées parfois par de courtes chroniques. Mais la partie la plus ancienne de ces textes reste difficile à interpréter, car il n'est pas sûr que les scribes qui l'ont recueillie l'aient eux-mêmes bien comprise.
Les listes énumèrent d'abord « dix-sept rois dont les rapports de famille sont inconnus et qui vivaient sous la tente ». Les quinze premiers, au moins, portent des noms sémitiques de style akkadien (l'assyrien ne se différenciera de cette langue qu'à la longue). On hésite à identifier le treizième, Abazou, avec cet Azouzou qui fut vassal du roi d'Akkad vers 2220 et dont le nom en cunéiforme a d'abord été lu Abazou. Le seizième roi nomade, Oushpia (env. 2180 ?), a laissé un souvenir plus certain puisque, à une époque tardive, on lui attribuera la fondation (ou la restauration) du temple du dieu Assour. On peut penser que ces premiers souverains de la cité étaient des chefs élus, sans succession héréditaire, qu'ils ne portaient pas en fait le titre royal, qu'ils régnaient dans la steppe et se contentaient de protéger la ville ; que les éleveurs et les citadins adoraient également Assour et qu'ils appartenaient, en majorité au moins, au groupe linguistique des Sémites d'Akkad. Notons au passage que, les 16e, 17e, 28e et 29e souverains d'Assour portant des noms qui ne sont peut-être pas sémitiques, on a voulu voir en eux des représentants d'autres groupes linguistiques ayant habité dans le bassin du Tigre moyen à côté des Sémites : les Hourrites, attestés dès l'époque d'Akkad, et les mystérieux Soubaréens, qui auraient été les premiers citadins de la Haute-Mésopotamie, puisque cette région gardera le nom de Soubarou pendant toute la durée de la civilisation mésopotamienne.
Il y a semble-t-il, entre le dix-septième « roi nomade » et le vingt-septième souverain d'Assour un hiatus abusivement rempli dans les listes par une dynastie d'un autre temps et d'une autre ville : en fait, cette période a vu la domination des rois d'Our et peut-être auparavant le gouvernement du chef Ititi. Puis, vers 2000, le vingt-huitième souverain de la liste, le vicaire Kikkia, bâtit ou restaure le mur de la ville, symbole de l'indépendance recouvrée vers la fin de l'empire d'Our.
La prédominance commerciale d'Assour (XXe-XVIIIe s.)
Assour, dont la terre est peu fertile, a renoncé à développer son agriculture et, dès le IIIe millénaire, s'est adonnée au commerce. Après la chute de la troisième dynastie d'Our (2002), elle tend à remplacer les villes sumériennes comme organisatrice des échanges avec la partie nord du Zagros, le Kurdistan et l'Anatolie, régions destinées à fournir des matières premières à la Mésopotamie, parvenue à une meilleure organisation de la société et de la production. Cette expansion se situe à une époque où, dans toutes les villes mésopotamiennes, les Temples cessent de contrôler le grand commerce et laissent le champ libre aux initiatives des individus, des familles et des compagnies commerciales. Les rois qui se sont partagé l'empire d'Our ont un pouvoir limité et, s'ils contrôlent les Temples par la bureaucratie du Palais, ils ne s'opposent pas à la liberté des échanges.
Cette discrétion se comprend assez bien à Assour où le souverain qui se dit Grand ou Chef est avant tout le « vicaire » du dieu Assour, donc le personnage chargé des relations entre la divinité et les habitants de la cité. Chef de guerre et administrateur, pour défendre et gérer les biens du dieu, il doit compter avec l'élite des citadins, les capitalistes enrichis par le commerce et les prêts ; cette bourgeoisie est représentée par un conseil, qu'on nomme la « Ville », l'« Assemblée » et plus souvent le « Quai » (karoum en assyrien) à cause du rôle commercial du port sur le Tigre ; les plus riches des citadins exercent ainsi le pouvoir judiciaire et contrôlent le gouvernement royal.
L'enrichissement d'Assour se remarque aux constructions nouvelles, accompagnées d'inscriptions (à partir de 1975 env.). Mais les premiers de ces textes restent énigmatiques : ainsi ceux du vicaire Ilou-shou-ma (env. 1959-1939) qui déclare avoir procuré du cuivre et assuré l'« exemption » aux habitants de certaines villes de Basse-Mésopotamie. Que signifie ici le mot exemption ? Moratoire ou remise des dettes, suppression des taxes pesant sur le commerce ? C'est sans doute à des motifs économiques qu'il faut attribuer la guerre menée par ce prince dans le Sud mésopotamien, entreprise qui aboutit probablement à un échec (le nom d'Ilou-shou-ma ne sera jamais repris par un prince d'Assour).
Un peu avant la fin du règne de son successeur, Erishoum Ier (env. 1939-1900), les Assyriens commencent à trafiquer directement avec l'Anatolie. Leurs colonies de marchands résidant dans les faubourgs des cités indigènes ont laissé sur place les innombrables « tablettes de Cappadoce » – archives commerciales trouvées dans les sites anatoliens d'Alişar (anciennement Ankouwa), de Boghaz-Köy (Hattousha) et surtout de Kültépé (Kanesh). Malgré l'abondance de ces documents, les spécialistes ne sont pas d'accord sur les traits essentiels de ce commerce. Les opinions diffèrent sur le degré de dépendance des princes anatoliens à l'égard du Grand Quai – conseil de la colonie assyrienne de Kanesh, qui reçoit ses consignes du Quai et du Palais d'Assour et exerce un certain contrôle sur les Quais des autres cités d'Anatolie. Il y a même une controverse sur la nature du métal introduit en Cappadoce par les marchands d'Assour. Mais ce sont vraisemblablement les Assyriens qui apportent en Anatolie de l'étain qu'ils ont fait venir d'Iran ; ce métal, ajouté au cuivre extrait des minerais du Taurus, permet la fabrication du bronze en Cappadoce ; une autre partie du cuivre produit par les fonderies locales est redistribuée par les Assyriens dans le reste de l'Anatolie centrale.
Quelle que soit leur origine, l'or et l'argent affluent à Assour, le vicaire et ses sujets assyriens tirent de gros profits des opérations réalisées en Anatolie : vente d'étoffes, d'ânes et de métaux, contrôle de la métallurgie anatolienne, prêt à intérêt aux indigènes. Mais vers 1810, la ville de Kanesh et le faubourg du Grand Quai sont détruits, sans doute du fait d'une guerre entre populations anatoliennes, et le commerce est interrompu entre l'Assyrie et la Cappadoce. Appauvri, l'État d'Assour subit alors les entreprises désordonnées de ces rois mésopotamiens qui tentent sans succès durable de reconstituer l'empire de la dynastie d'Our. Finalement, Assour tombe au pouvoir de ShamshiAdad Ier, un cadet de la dynastie amorrite qui régnait à Shoubat-Enlil, une cité de la région du Habour, site moderne de Leilan, selon D. Charpin. Comme il est le fils du roi Ila-kabkabou, on a identifié ce dernier au personnage de même nom qui occupe le vingt-cinquième rang dans la liste des souverains d'Assour ; dans cette hypothèse, les rois portés du no 18 au no 26 dans ce texte constitueraient en fait la dynastie amorrite de Shoubat-Enlil, contemporaine de celle d'Ilou-shou-ma et d'Erishoum Ier ; et c'est leur parenté avec le grand Shamshi-Adad Ier qui aurait valu à ces étrangers d'être introduits dans la liste canonique des princes d'Assour.
L'Amorrite, qui a d'abord mené une carrière d'aventurier errant, attaque l'Assyrie à qui il enlève Ekallaté (1816), ville du Tigre en aval d'Assour, puis, en 1813, il détrône le souverain légitime, Erishoum II, et s'empare d'Assour. Le nouveau maître du pays n'hésite pas à se dire roi dans la cité sainte. Si ce sacrilège choque les pieux Assyriens, il est justifié aux yeux de ses autres sujets par les succès du conquérant. Au cours d'un règne de trente ans (env. 1813-1783), Shamshi-Adad Ier construit un empire qui comprend : à l'ouest, Terqa, Mari (la grande ville de l'Euphrate a été occupée à la faveur de l'assassinat de son roi légitime, Iahdoun-Lim) ; le roi d'Assour lance même une expédition qui atteint la Méditerranée et ramène du bois du Liban ; à l'est, Arrapha, Ninive. Des guerres victorieuses permettent de contenir les princes hourrites du Zagros et le roi amorrite d'Alep. Au sud, Eshnounna et Babylone sont un temps vassales de Shamshi-Adad ; au nord, le commerce d'Assour avec l'Anatolie reprendra. Le grand souverain, installé au cœur de ses domaines, à Shoubat-Enlil, sa résidence préférée, charge ses fils – Iasmah-Adad, installé à Mari, et Ishmé-Dagan, placé à Ekallaté – de surveiller les frontières. Quand il ne fait pas la guerre en personne, Shamshi-Adad se réserve le contrôle des administrations de ses différentes possessions ; sa correspondance, retrouvée à Mari, révèle en lui le prince le plus intelligent de cette époque riche en ambitieux.
Guerres civiles et dominations étrangères (XVIIIe-XVe s.)
Cet empire, trop étendu, cerné de voisins hostiles, repose sur un seul homme et s'écroule après sa mort. Les colonies assyriennes disparaîtront définitivement d'Anatolie ; Iasmah-Adad est chassé de Mari par le roi d'Alep, qui restaure l'héritier légitime de Yahdoun-Lim. L'autre fils de Shamshi-Adad, Ishmé-Dagan, se voit disputer la partie orientale des domaines de son père par les Hourrites, les rois du Soubarou (à cette époque le mot désigne le piémont du Kurdistan) et le souverain d'Eshnounna qui s'empare d'Assour ; mais Ishmé-Dagan s'est placé sous la protection de Hammourabi de Babylone, qui se vantera dans le prologue de son Code d'avoir rendu à la ville d'Assour son dieu protecteur (sans doute la statue d'Assour enlevée par le roi d'Eshnounna). Le long règne (40 ou 50 ans) du fils de Shamshi-Adad Ier se termine par une catastrophe : sa dynastie est chassée d'Assour où ses héritiers tenteront vainement de se réinstaller. Pour la première fois, les listes royales sont en complet désaccord, ce qui semble indiquer que l'État assyrien s'est morcelé. La liste qui ignore les descendants d'Ishmé-Dagan indique après ce roi une série d'usurpateurs, dont le dernier, Adasi, réussit à fonder une dynastie qui durera jusqu'en 612 avant J.-C. ; mais, comme on n'a trouvé à Assour (ou ailleurs) aucune inscription de ce prince, ni de ses dix premiers successeurs (occupant une période de quelque cent vingt ans, aux xviie-xvie siècles), il faut supposer qu'ils sont réduits à leur fonction religieuse ou bien qu'ils ont régné dans une autre ville qui n'a pas encore été fouillée.
Entre-temps, les rapports de force ont changé au pays des Deux Fleuves : l'éphémère empire mésopotamien réalisé par Hammourabi a commencé à s'affaiblir au lendemain de sa mort (1750). Après le raid hittite sur Babylone (1595), qui met fin à la dynastie de Hammourabi, les Kassites, barbares venus du Zagros, s'installent dans la grande ville d'où leurs rois dominent la Basse-Mésopotamie. On suppose parfois que l'un d'entre eux, Agoum II, a imposé sa suzeraineté à Assour, mais, dans ce cas, les Kassites auraient été bientôt écartés de cette cité par la dynastie d'Adasi qui commence à y régner vers le milieu du xvie siècle. Le renforcement de la muraille et l'édification de nouveaux temples indiquent une monarchie indépendante et riche, mais dont l'histoire nous échappe encore.
Au xve siècle, une nouvelle puissance apparaît en Asie occidentale : le Mitanni, dont les rois, d'origine aryenne, dirigent une aristocratie de princes et de guerriers hourrites ; son influence s'étend du Zagros à la Palestine, mais son centre se trouve dans la région du Habour. Menacé par le nouvel État, le prince d'Assour essaie d'exploiter ses difficultés et envoie des cadeaux (1471) au pharaon Thoutmès III qui vient de battre les Mitanniens en Syrie. Mais, peu après, Shaoushatar, roi de Mitanni, impose par la force sa suzeraineté aux vicaires d'Assour, dont l'État, cerné par les principautés hourrites, semble alors réduit à peu de chose ; seule, la liste royale a conservé les noms des représentants de la dynastie d'Adasi pour cette période (entre 1470 et 1410 env.).
Le premier empire d'Assour : formation du peuple assyrien (XIVe-XIIIe s.)
Les princes d'Assour réussissent cependant à échapper à la domination du Hanigalbat (c'est le nom qu'ils donnent au Mitanni) et aux prétentions des rois kassites de Babylone qui revendiquent la suzeraineté de toute la Mésopotamie. Au xive siècle, profitant du fait que les descendants de Shaoushatar se déchirent en des luttes impitoyables qui minent leur empire, les vicaires d'Assour reprennent peu à peu leur indépendance. Les premiers grands règnes du renouveau assyrien sont deux d'Eriba-Adad Ier (1392-1366) et surtout d' Assour-ouballith Ier (1365-1330) ; ce grand souverain rejette définitivement la tutelle politique du Mitanni et se proclame roi dans la ville de son dieu, créant ainsi une tradition qui sera suivie par la plupart de ses successeurs. Empiétant sur le domaine mitannien, les Assyriens, qui se sont emparés de Ninive après 1360, conquièrent peu à peu les régions riveraines du Tigre en amont d'Assour. Assour-ouballith, que ses victoires ont placé parmi les grands souverains de l'Orient, intervient dans les affaires du royaume kassite : il a marié sa fille au roi de Babylone, et son petit-fils, Kadashman-Harbé est assassiné par ses sujets, qui le considèrent sans doute comme un agent de l'Assyrie ; le souverain d'Assour vient venger son descendant et placer sur le trône babylonien un fils de Kadashman-Harbé.
Les successeurs d'Assour-ouballith Ier guerroient sur les mêmes frontières : contre les rois du Mitanni, maintenant passés sous la protection des Hittites ; chez les montagnards du Zagros et du Kurdistan, dangereusement proches des cités assyriennes ; contre les Babyloniens, qui, désireux de contrôler les routes commerciales qui mènent en Iran, veulent garder la région d'Arrapha, également voisine de l'Assyrie. Au xiiie siècle, trois grands règnes font du royaume d'Assour l'État le plus puissant de l'Asie occidentale. Adad-nirari Ier (env. 1304-1275), qui enlève au Mitanni les pays du Tigre et du Habour supérieurs, se proclame (comme autrefois Shamshi-Adad Ier) « roi de l'Univers ». Pour arrêter l'avance assyrienne vers l'ouest, la monarchie hittite se réconcilie avec le pharaon Ramsès II, mais elle ne parvient pas à sauver le Mitanni, et la Haute-Mésopotamie tout entière est annexée par Shoulman-asharédou Ier (env. 1275-1245). Enfin, Toukoulti-Ninourta Ier (env. 1245-1208), personnage dynamique et peut-être mégalomane, porte le premier empire assyrien à son apogée. Vers le nord, il va plus loin que ses prédécesseurs, battant les Hittites à l'ouest de l'Euphrate, soumettant les chefs montagnards jusqu'à la mer d'En Haut – lac de Van ou d'Ourmia. Surtout, il bat et capture le roi kassite (env. 1224), prend et pille Babylone et soumet toute la BasseMésopotamie, ce qui lui permet de reprendre les titres orgueilleux des souverains sumériens ou akkadiens. À l'imitation de son père, Shoulman-asharédou, qui s'était fait construire une capitale personnelle sur le site de Kalhou (actuelle Nimroud), il édifie une ville royale, Quai de Toukoulti-Ninourta, face à Assour de l'autre côté du Tigre. Son règne finit par une catastrophe : le royaume kassite de Babylone se reconstitue (env. 1218), et finalement un complot de la noblesse assyrienne menée par un fils du roi aboutit à la déposition de Toukoulti-Ninourta qui est emprisonné, puis assassiné.
Si cette mort tragique correspond à la destruction du premier empire assyrien, la crise épargne l'œuvre essentielle des rois des xive et xiiie siècles : la constitution d'un État national. À la suite des conquêtes de cette période, la langue assyrienne remplace les dialectes des Hourrites dans ce qui, après le district de la cité d'Assour, constitue la véritable Assyrie : à l'ouest de la vieille capitale, le bassin supérieur de la Tartara (au sud-est du djebel Sindjar) ; au nord, le triangle qui se développe entre le Tigre et le Grand Zab ; c'est à cette époque que Ninive, Arba-ilou, Tarbisou – pour ne citer que des villes importantes – deviennent totalement assyriennes. C'est dans ces régions du Tigre moyen qu'achève de se constituer le type physique assyrien, qui montre la prédominance numérique de l'élément ethnique arménoïde avant la fusion ; à la différence des premiers éléments sémitiques venus d'Arabie en Mésopotamie, qui avaient un corps svelte et des traits fins, l'Assyrien du Ier millénaire avant J.-C. aura un corps fortement charpenté, un visage lourd aux lèvres charnues, au nez puissant et recourbé.
L'élargissement du cadre géographique a diversifié et amélioré les ressources de la population, qui ne connaîtra jamais cependant l'opulence de celle de la Basse-Mésopotamie. À la différence du district d'Assour et du bassin de la Tartara, à moitié steppiques, le triangle entre Tigre et Grand Zab est assez humide pour porter des bois, des arbres fruitiers et de la vigne et des pâturages permettant l'élevage du cheval (depuis le xviiie siècle, les Mésopotamiens l'attellent au char de guerre).
Vouée au culte de ses divinités et à la guerre, l'Assyrie des xive et xiiie siècles n'a par ailleurs aucune supériorité culturelle. Ses rois élèvent de vastes monuments dans leurs cités, mais la décoration des temples et des palais – qui n'a laissé, il est vrai, que de rares fragments de sculpture ou de peinture – semble inspirée essentiellement par le butin ramassé en Mitanni ou en Babylonie. Seule, la glyptique(art des sceaux) donne des œuvres originales et d'une qualité supérieure à ce que l'on fait alors dans le reste de l'Orient. Les scribes assyriens, qui n'avaient jusqu'au xive siècle rédigé que des textes économiques et de courtes inscriptions royales, se mettent à l'école de leurs confrères de Babylone, principal centre intellectuel de l'Asie occidentale, et copient les tablettes sumériennes et babyloniennes ramenées du royaume kassite pour enrichir la « bibliothèque » royale fondée par Shoulman-asharédou Ier. Nous avons des témoignages de plus en plus nombreux sur la vie religieuse de l'Assyrie, mais il s'agit d'un démarquage pur et simple des rituels de Basse-Mésopotamie. Le tempérament assyrien se manifeste cependant dans certaines œuvres littéraires : le poème épique de la guerre contre les Babyloniens, qui montre la passion des Assyriens pour les combats ; les recueils juridiques, qui raffinent en matière de châtiments sur les autres codes de la haute Antiquité ; les récits de campagne, qui révèlent que déjà la monarchie assyrienne pratique plus que ses rivales les déportations et les cruautés ostentatoires pour terroriser les populations.
L'Assyrie assiégée par les nomades (XIIe-Xe s.)
Après le meurtre de Toukoulti-Ninourta, ce qui reste du royaume se divise entre deux branches de la famille royale, et c'est l'intervention babylonienne qui fait triompher celle qui descend du frère cadet d'Assour-ouballith Ier. Ces difficultés intérieures sont sans doute liées à la double menace que font peser sur la province assyrienne du Hanigalbat (l'ancien Mitanni, du Habour à l'Euphrate moyen) les peuples errants qui bouleversent l'Orient civilisé depuis la fin du xiiie siècle. Du Nord-Ouest viennent les Moushki (des Phrygiens) et les Kaska (sortis des montagnes du Pont) ; du Sud-Ouest affluent ces Sémites originaires du désert de Syrie qui vont former la confédération des Araméens. La domination assyrienne ne se maintient plus, à l'ouest du Tigre, que dans les grandes villes. Pourtant, également menacées par les nomades, l'Assyrie et la Babylonie gaspillent leurs forces dans leur interminable conflit. Assour-dan Ier (1179-1134), qui a laissé les Moushki et les Kaska s'installer dans la région du Tigre supérieur (env. 1165), lance (env. 1157) le raid qui déclenche la chute de la dynastie kassite de Babylone (env. 1150) ; l' Élam, qui a porté le coup fatal à cette dernière, attaque ensuite l'Assyrie et lui enlève le pays du Petit Zab. Ce désastre est lié à la crise de succession qui, éclatant à la fin du règne d'Assour-dan Ier, provoque l'intervention de la nouvelle dynastie de Babylone et n'est réglée qu'avec Assourresh-ishi Ier (1133-1115). Ce dernier, profitant de l'effondrement de la puissance élamite, tient tête à tous ses voisins. Son fils, Toukoulti-apil-esharra Ier (1115-1076), a plus de chance encore au début de son règne : tranquille du côté de Babylone, il peut dégager momentanément le Hanigalbat. Les Moushki et les autres peuples du Tigre supérieur sont soumis. L'Assyrien pénètre en Naïri et élève une stèle de victoire à Melazgert (au nord du lac de Van), plus loin qu'aucun de ses successeurs. Vingt-huit fois, il passe l'Euphrate et poursuit les Araméens jusque dans leurs repaires du désert de Syrie. Reprenant l'exploit de Shamshi-Adad Ier, le conquérant pousse jusqu'à la Méditerranée et rançonne les villes phéniciennes et le roi hittite de Kargamish.
Mais ce sont là des succès sans lendemain. Les Araméens ne tardent pas à conquérir tout le Hanigalbat et, maîtres de la Babylonie, ils tournent l'Assyrie par le sud et occupent, à l'est du Tigre, la région d'Arrapha. Au cœur même du pays assyrien, seules les villes échappent aux nomades qui saccagent les campagnes et en massacrent les habitants.
Le second empire assyrien (IXe-VIIe s.)
Les Araméens de Haute-Mésopotamie finissent par se fixer dans les villes, et leurs frères, nomades à peine sortis du désert, préfèrent se diriger vers la Babylonie mal défendue ; le peuple assyrien profite alors du relâchement de ses ennemis pour passer à son tour à l'offensive. Il avait déjà manifesté sa dureté au xiiie siècle, mais il a maintenant deux siècles d'insécurité à venger. Ses campagnes ne visent que le pillage des cités étrangères où l'armée d'Assour va lever le tribut ; comme presque chaque année elle fait campagne dans une région différente, les villes rançonnées une précédente fois se rassurent et négligent d'envoyer leur tribut en Assyrie. La cour d'Assour les déclare alors rebelles à son dieu et à son roi, et tout est permis contre elles. Le souverain assyrien se vante dans ses inscriptions d'innombrables atrocités, mais elles ne frappent en fait qu'une faible partie de ses adversaires, qu'il s'agit de soumettre par la terreur et non d'exterminer totalement. Ces cruautés et ce pillage incessant provoquent des révoltes, mais la cour d'Assour ne songe guère, au moins au début de la période d'expansion, à annexer les villes vaincues et se contente de remplacer les roitelets qui l'ont trahie par des otages formés à la soumission par un long séjour chez les Assyriens.
Les victoires et les annales reprennent avec Adad-nirari II (911-891) qui soumet les cités araméennes du Tigre supérieur et du Habour. Toukoulti-Ninourta II (890-884) pacifie les pasteurs qui campent aux confins méridionaux de l'Assyrie et rançonne les Moushki et le Naïri. Assour-natsir-apli II (883-859) a laissé une foule d'inscriptions détaillant ses victoires et ses constructions. Après avoir châtié les montagnards et les pasteurs, ses voisins, il force le passage de l'Euphrate (876) et va rançonner les riches cités, néo-hittites, araméennes et phéniciennes, du nord de la Syrie. Son fils Shoulman-asharédou III (858-824) entreprend de lever un tribut régulier sur l'ensemble de la Syrie. En 856, il annexe le Bit Adini (royaume araméen dont la capitale, Til Barsip, garde le passage de l'Euphrate), puis il soumet les Néo-Hittites jusqu'au Taurus et attaque les puissants royaumes de la Syrie centrale. Arrêté à la bataille de Qarqar sur l'Oronte (853) par une coalition de ces États, le roi d'Assyrie reviendra bien des fois encore en Syrie, mais il ne parviendra pas à s'emparer de Damas, capitale du plus puissant des États araméens.
Le butin de ce demi-siècle de campagne – prisonniers de guerre et œuvres d'art – permet de construire et d'embellir les monuments de Kalhou, qui est devenue « ville demeure du roi » en 883. C'est surtout ce site, moins saccagé qu'Assour, qui nous montre la brusque éclosion d'un nouvel art assyrien, dont les maîtres d'œuvre, à l'instar de ceux du xiiie siècle, utilisent des techniques étrangères pour la gloire ou le confort de leurs souverains.
L'emploi de la brique, à l'imitation des Babyloniens, limite les possibilités des architectes qui doivent construire des salles étroites aux murs épais presque dépourvus d'ouvertures. Les statues royales, qui jouent le rôle d'orants, sont lourdes et maladroites, et on n'en réalisera plus après le ixe siècle. La sculpture est donc surtout représentée par des bas-reliefs réalisés dans des dalles d'albâtre qui masquent la base des murs de brique. Ils ne manquent pas de défauts : ils figurent des thèmes stéréotypés et sont sculptés par des équipes, dont les artisans ne savent faire qu'une seule chose, le bras ou la jambe, par exemple ; seul, l'animal inspire des artistes. Le principal mérite de ces œuvres est de nous faire connaître l'idéologie qui inspire cet art de propagande, destiné à exalter la religion nationale. Le dieu Assour y est cependant peu représenté, par suite de quelque interdit. Si la majesté du dieu se montre rarement aux mortels qu'elle blesserait de son éclat, les palais révèlent un grand nombre de génies protecteurs : lions ou aurochs ailés à tête d'homme, qui gardent les portes ; personnages ailés avec une tête de rapace ou une figure humaine coiffée d'une tiare à cornes, pratiquant la purification rituelle. Mais le thème principal des reliefs est le roi, ce grand-prêtre d'Assour ; on le représente sans ressemblance personnelle, mais conforme au type ethnique assyrien et à la fonction sacerdotale (plus grand que les autres hommes, presque impassible, la chevelure et la barbe calamistrées, le corps couvert de bijoux-amulettes). Nous le voyons banquetant en l'honneur des dieux, perçant les fauves de ses traits, puis versant la libation sur leurs cadavres, recevant les tributaires, faisant la guerre. Pour ce dernier thème, l'artiste manifeste un plus grand souci de variété et nous révèle ainsi l'évolution de l'art militaire en Assyrie. Au ixe siècle, l'armée utilise encore comme force de choc les chars qui portent chacun un conducteur, un archer et le porte-bouclier chargé de leur protection ; mais un rôle aussi important est réservé au génie qui ouvre les routes de montagne, prépare le passage des fleuves ou sape les murs des villes assiégées. Ces thèmes, guerriers ou politiques (et sans doute tous chargés de force magique), se retrouvent dans les frises de brique émaillée (comme celles du palais de Toukoulti-Ninourta II à Assour), dans les beaux revêtements de bronze d'Imgour-Enlil (site d'un palais de Shoulman-asharédou III, près de Balawat). Mais d'autres bronzes (les « patères ») et les ivoires des collections royales semblent l'œuvre de Syriens inspirés par l'art égyptien ; du moins, leur beauté montre le goût éclairé des rois d'Assyrie. Les grandes orientations de cet art ne changeront plus jusqu'à la fin du royaume assyrien, mais un progrès presque constant se manifeste aux viiie et viie siècles dans les fresques (à Til Barsip et à Khorsabad) et les bas-reliefs (à Ninive).
L'essor de la puissance assyrienne est brisé par une guerre civile à laquelle G. Goossens attribuait des causes sociales : un fils de Shoulman-asharédou III qui se révolte contre son père aurait été appuyé par la petite noblesse du vieux pays assyrien ; celle-ci portait tout le poids de la guerre et jalousait l'aristocratie de cour qui, depuis le xive siècle, accaparait les grands offices et exerçait un contrôle étroit sur le gouvernement et la succession royale. Le révolté est finalement vaincu par son frère, ShamshiAdad V (823-811) ; le nouveau roi doit récompenser ses partisans, les chefs des grandes familles, qui obtiennent l'inamovibilité pour leurs charges. Les rois suivants ont de moins en moins de pouvoir, et les grands officiers s'enhardissent jusqu'à les omettre dans leurs inscriptions. La petite noblesse et les villes assyriennes ne cessent de se révolter contre ce régime qui dure jusqu'en 746. Faute d'une direction énergique, l'Assyrie perd une grande partie de sa zone d'influence ; elle est même menacée par l'apparition de l'Urartu, vaste royaume qui s'est formé, au nord de la Mésopotamie, par l'unification du Naïri, dont les populations réagissent ainsi aux pillages assyriens. Si les Ourarthéens sont arrêtés dans la vallée du Tigre (774), leur domination en Syrie du Nord a remplacé celle des Assyriens au début du viiie siècle.
Apogée et chute de l'Assyrie (746-612)
Mais l'Assyrie va reprendre ses conquêtes sous l'effet des réformes de Toukoulti-apil-esharra III (746-727), le Téglathphalasar de la Bible, un cadet de la famille royale porté au pouvoir par une révolte. Le morcellement des gouvernements et la multiplication des charges auliques affaiblissent le prestige des grandes familles et permettent au roi de se créer une clientèle. Tenant sans doute compte de l'épuisement de son pays et du mécontentement que suscite la conscription, le nouveau souverain lèvera son infanterie chez les esclaves et les prisonniers de guerre et n'utilisera plus les Assyriens que dans les troupes d'élite (génie, charrerie, cavalerie). À l'exemple des Mèdes, avec qui ils sont entrés en contact au ixe siècle, les Assyriens ont appris à monter à cheval et, bien qu'elle ignore la selle et les étriers, leur cavalerie remplace comme force de choc les chars qui ne servent plus qu'à transporter les troupes. La politique extérieure de l'Assyrie est désormais systématique : les campagnes sont menées jusqu'à l'écrasement de l'adversaire ; puis, comme les intrigues égyptiennes ne cessent de provoquer des révoltes en Syrie, Téglathphalasar généralise les mesures extrêmes : les rois vaincus sont déportés, parfois exécutés, en tout cas remplacés par des gouverneurs assyriens ; la déportation des populations, qui fournit de la main-d'œuvre, permet aussi de détruire le patriotisme local.
Comme ses prédécesseurs, le nouveau roi songe surtout à rançonner la Syrie, dont il chasse les Ourarthéens (743) ; puis, il annexe le royaume de Damas (732) et se prémunit contre les Égyptiens en occupant la Palestine. À l'autre extrémité de ses États, l'Assyrien prévient les invasions en évinçant les Ourarthéens du bassin du Tigre et en occupant le Zagros septentrional ; plus loin encore, il pénètre au pays des Mèdes, sans doute pour y rafler des chevaux, et pousse jusqu'au mont Demavend. Enfin, il se laisse tenter par la richesse de la Babylonie. Depuis longtemps, les rois assyriens exerçaient un contrôle sur ce pays dont la civilisation et surtout les cultes avaient une influence grandissante sur leurs sujets ; périodiquement, ils allaient y soutenir un roi de leur choix, puis ils se présentaient en pèlerins dans les villes saintes. Dans la Babylonie du viiie siècle, le pouvoir royal est disputé entre des usurpateurs éphémères, les tribus araméennes forment autant de petits royaumes, et l'Élam réunifié guigne cette proie facile. Toukoulti-apil-esharra n'a aucun mal à saisir Babylone où il se fait proclamer roi, sans se douter des difficultés qu'il prépare à ses successeurs.
Après le court règne de Shoulman-asharédou V (726-722), le trône passe à Sargon II (Sharrou-Ken en assyrien), un autre fils de Téglathphalasar III. Ce grand souverain, qui possède l'énergie et les talents d'administrateur de son père, passe lui aussi son règne (721-705) en campagnes. Le changement de souverain en Assyrie a été exploité par un chef des Chaldéens (groupe araméen de Basse-Mésopotamie), Mardouk-apal-iddin, le Mérodach-Baladan de la Bible, qui s'empare de Babylone et obtient l'appui des Élamites qui battent Sargon II. Ce dernier donne en effet la priorité au rétablissement de la domination assyrienne en Syrie : le royaume d'Israël est annexé (722) ; la coalition dirigée par le roi de Hamat et appuyée par le pharaon « éthiopien » (de la dynastie originaire de Nubie) est écrasée (720). Puis, Sargon II fait face aux soulèvements suscités contre lui par deux rois puissants, Midas de Phrygie et Rousa Ier d'Ourarthou : les principautés néo-hittites sont annexées de l'Euphrate à l'Halys, l'Ourarthou est dévasté par l'armée assyrienne (714), Chypre est occupée (709). Enfin, Sargon reprend Babylone (709). Depuis 713, il fait bâtir sa ville royale, Mur de Sargon (actuelle Khorsabad), mais il n'en profitera guère, car il sera tué dans un combat en Anatolie (705), peu après son inauguration.
Le règne de Sargon II constitue l'apogée de l'Assyrie : ses successeurs iront parfois plus loin dans leurs campagnes, mais ils épuiseront alors leur peuple à des tâches impossibles : garder deux pays lointains et d'accès difficile, l'Égypte et l' Élam, qui soutiennent les révoltes, respectivement en Syrie et en Babylonie. Pendant ce temps, les barbares, plus redoutables que les vieux États de l'Orient, occupent le rebord montagneux (Taurus, Kurdistan, Zagros), qui surplombe la Haute-Mésopotamie, cœur de l'empire assyrien.
Le fils de Sargon, Sin-ahé-ériba (704-681), le Sennachérib de la Bible, dur et infatigable comme son père, croit satisfaire les Babyloniens en plaçant à leur tête des princes vassaux, choisis par lui ; mais les tribus araméennes, inexpugnables dans les marais à la bouche des fleuves, et les Élamites leurs alliés, ramènent sans cesse dans la grande ville des prétendants hostiles à l'Assyrie. Excédé, Sin-ahé-ériba finit par détruire les temples de Babylone et faire passer l'eau de l'Euphrate sur leur emplacement (689). Il rencontre des difficultés analogues en Syrie où les Phéniciens et les Palestiniens se soulèvent à l'instigation du pharaon (701) ; il connaît alors devant Jérusalem, la capitale du petit royaume de Juda, un échec mystérieux que les Juifs expliqueront par le passage de l'ange exterminateur. Sennachérib s'illustre également par ses grands travaux à Ninive, sa résidence et la dernière capitale de l'Assyrie. Le règne finit dans une tragédie où beaucoup verront le châtiment du sacrilège commis à Babylone. Sin-ahé-ériba est assassiné dans un temple par deux de ses fils, puis c'est une guerre civile où triomphe finalement un autre fils du conquérant, Assour-ah-iddin (680-669), l' Assarhaddon de la Bible.
Le nouveau roi, hanté par la fin de son père, restaure les temples de Babylone. Mais il trouve bientôt d'autres motifs d'inquiétude : les présages annonçant une période de cent jours funeste pour le souverain, les devins se chargent de conjurer le sort : un courtisan, choisi comme substitut du roi, exerce la fonction royale pendant la période dangereuse. Cet anxieux est aussi un guerrier : il réussit à arrêter les Cimmériens et les Scythes, cavaliers nomades qui, partis de la grande steppe eurasiatique, attaquent l'Assyrie par le nord. Malgré les révoltes que le pharaon excite en Syrie, Assour-ah-iddin finit par envahir l'Égypte et occuper momentanément le delta.
Avant de mourir, il impose un étrange règlement de succession : l'empire est divisé entre ses deux fils, et la Babylonie seule forme le lot de l'aîné, Shamash-shoumoukin, qui régnera sous la suzeraineté de son cadet, le roi d'Assyrie Assourbanipal (Assour-ban-apli en assyrien) [669 - env. 630]. Ce dernier, différent de ses ancêtres, est avant tout un lettré : sous son règne, la « bibliothèque » de Ninive groupe plus de 5 000 tablettes remplies de textes religieux, divinatoires et littéraires de Sumer et de Babylone. Assourbanipal, qui ne quitte guère Ninive, délègue le commandement de ses armées aux grands officiers. Une nouvelle expédition occupe toute l'Égypte (666) ; puis, comme l'Éthiopien tente de soulever les roitelets de Basse-Égypte, l'armée assyrienne se venge en saccageant Thèbes (663), jusque-là fort attachée à la dynastie venue de Nubie. Puis c'est le tour de l'Élam, où, profitant de l'anarchie, la cour de Ninive impose des souverains de son choix, qui ne tardent d'ailleurs pas à la trahir. L'un d'eux s'allie aux Syriens, aux Arabes et au roi de Babylone, jaloux de son cadet, pour attaquer l'Assyrie (652). L'armée assyrienne prend Babylone (648), dont le souverain se suicide, et, après plusieurs expéditions punitives en Élam, elle saccage le centre principal du pays, Suse (646), et déporte ses habitants.
L'époque d'Assourbanipal, qui est celle des reliefs les plus connus de Ninive, les plus beaux de l' art assyrien, alors en plein progrès, voit aussi l'essor d'une civilisation commune à tout l'empire, synthèse des cultures traditionnelles de l'Asie occidentale réalisée par les déportations et les pillages. Si les lettrés assyriens emploient encore le cunéiforme et la langue assyrienne, la majorité des populations de l'empire, même en Assyrie, adopte le parler et l'alphabet des Araméens. À côté d'Assour et d'Ishtar, les divinités des conquérants, l'Asie occidentale adore les dieux de la Babylonie (Mardouk ; Sin, le dieu-Lune ; Nabou, dieu de l'écriture), pratique l'astrolâtrie (culte des astres attribués chacun à une divinité). Un style artistique commun se forme par la rencontre de l'art de propagande des palais assyriens et des thèmes décoratifs d'origine syrienne.
Le peuple conquérant ne dominera pas longtemps cet Orient qu'il a modelé si brutalement. On devine, avant la fin du règne d'Assourbanipal qui nous est inconnue, un recul des frontières (le Saïte Psammétik Ier – 663-609 – libère l'Égypte et conquiert la Philistie) et surtout l'assaut des peuples cavaliers (Scythes, Cimmériens, Mèdes) que la cour de Ninive avait d'abord utilisés comme mercenaires. Le fils et successeur d'Assourbanipal, Assour-étel-ilani (env. 629-623), ne peut venir à bout de la révolte des Babyloniens conduits par le Chaldéen Nabopolassar qui se proclame roi (625). Puis, en Assyrie, c'est le règne de Sin-shar-ishkoun (env. 623-612), attaqué par les Babyloniens et les Mèdes et secouru par l'Égypte qui juge que le royaume assyrien est maintenant moins dangereux que ses adversaires. Les coups décisifs sont portés par les Mèdes : les capitales sont prises et incendiées (Assour en 614, Ninive en 612), le roi disparaît. L'armée assyrienne, retranchée à Harran, une des villes saintes de l'empire, proclame un dernier souverain, Assour-ouballith II. Mais l'intervention égyptienne ne peut sauver Harran, qui est prise en 610 par les Mèdes, et l'armée assyrienne, qui est détruite au cours d'une poursuite menée jusqu'en Ourarthou.
L'Orient délivré jubile et applaudit aux destructions et aux massacres qui frappent maintenant les conquérants déchus. Puis l'oubli tombe : si le culte du dieu Assour, le nom d'Assyrie donné à une partie de la Mésopotamie survivent, la nation assyrienne a disparu avec son armée et son dernier roi. Elle laisse cependant dans l'histoire du Proche-Orient des traces ineffaçables : la destruction ou l'affaiblissement irrémédiable de nombreux peuples et cultures originales ; l'idée d'empire universel qui restera de tradition en Orient avec son cortège de tributs excessifs et de cruautés ostentatoires. Mais les Assyriens, ces bourreaux impitoyables, sans civilisation nationale, étaient aussi des esprits profondément religieux, et c'est à leur respect pour les rituels, les beautés littéraires et les « sciences » que nous devons en bonne partie la survivance du fonds culturel suméro-babylonien conservé ou copié dans la « bibliothèque » de Ninive.
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Écrit par
- Guillaume CARDASCIA : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
- Gilbert LAFFORGUE : maître assistant à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Médias
Autres références
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ACHAB, roi d'Israël (874-853 av. J.-C.)
- Écrit par Marguerite JOUHET
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Fils et successeur d'Omri. Sous le règne d'Achab, le royaume d'Israël s'étendait aussi à l'est du Jourdain, non seulement sur Galaad, mais encore sur Moab. Le royaume de Juda lui-même était subordonné à son voisin, à la fois frère et rival, du Nord. Par ailleurs, le mariage d'Achab...
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ASSOURBANIPAL, roi d'Assyrie (668-627 av. J.-C.)
- Écrit par Valentin NIKIPROWETZKY
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Voir aussi
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- ASSUR ou ASSOUR
- ORIENT ANCIEN
- MONOGAMIE
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- ANTIQUE DROIT
- MÉRODACH-BALADAN II ou MARDOUK-APAL-IDDIN II roi de Babylone (721-710 av. J.-C.)
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- ONCTION ROYALE
- SALMANASAR III ou SHOULMAN-ASHARÉDOU III, roi d'Assyrie (858-824 av. J.-C.)
- SHAMSHI-ADAD Ier, roi d'Assyrie (env. 1826-env. 1783 av. J.-C.)
- TOUKOULTI-NINOURTA Ier ou TUKULTI-NINURTA Ier, roi d'Assyrie (env. 1245-1208 av. J.-C.)
- TOUKOULTI-APIL-ESHARRA III ou TÉGLATH-PHALASAR III, roi d'Assyrie (746-727 av. J.-C.)
- HANIGALBAT
- HOURRITES
- ASSOUR-OUBALLITH Ier, roi d'Assyrie (1365-1330 av. J.-C.)
- ASSARHADDON ou ASSOUR-AH-IDDIN, roi d'Assyrie (680-669 av. J.-C.)
- ADAD-NIRARI Ier, roi d'Assyrie (env. 1304-env. 1275 av. J.-C.)
- ASSYRIEN ART
- PATRIARCALE SOCIÉTÉ
- BAS-RELIEF
- COMMERCE, histoire
- MÉSOPOTAMIEN ART
- BABYLONIE
- TOUKOULTI-APIL-ESHARRA Ier ou TÉGLATH-PHALASAR Ier, roi d'Assyrie (1115-1076 av. J.-C.)
- ISHMÉ-DAGAN, roi d'Assyrie (env. 1953-env. 1935 av. J.-C.)
- ASSOUR-DAN Ier, roi d'Assyrie (1179-1134 av. J.-C.)
- KANESH, site archéologique
- SYRIE, histoire jusqu'en 1941
- ANTHROPOLOGIE HISTORIQUE
- ASSOURNATSIR-APLI II ou ASSURNASIRPUL II, roi d'Assyrie (883-859 av. J.-C.)
- DROIT, histoire
- ISRAËL ROYAUME D' (1020-730 av. J.-C.)
- ANTIQUITÉ, sculpture
- SCRIBES, Orient ancien