PALESTINIENNE AUTORITÉ
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Vers un État palestinien ?
Le devenir politique de l'Autorité palestinienne, institution née des accords d'Oslo signés en 1993 entre l'État d'Israël et l'OLP, suscite d'emblée la controverse. Pour certains, en permettant l'installation de cette Autorité à Gaza, Israël laisse s'amorcer une dynamique irréversible de construction d'un État palestinien. Pour d'autres, au contraire, en repoussant jusqu'à la phase ultime des négociations l'ensemble des dossiers brûlants, Israël ne garantit pas, à l'avenir, la mise en œuvre des droits nationaux palestiniens. D'emblée, également, l'Autorité palestinienne prend place dans un contexte territorial mouvant. Les frontières de la future entité paraissent plus qu'incertaines.
Pourtant, cette création constitue un tournant : pour la première fois de leur histoire nationale, les populations de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sont gouvernées par une autorité de pouvoir central. Cette autorité, qui dispose d'un régime d'autonomie, est limitée dans ses actions car très dépendante de l'État d'Israël. Son institutionnalisation n'en bouleverse pas moins, en profondeur, la vie tant politique et sociale qu'économique des Territoires.
L'aggiornamento territorial d'Oslo
Différents textes dessinent sur le terrain le visage concret de l'autonomie palestinienne à compter de la signature des accords d'Oslo. L'accord du Caire du 4 mai 1994 en prévoit les modalités précises pour la bande de Gaza et l'enclave de Jéricho. L'accord de Taba, signé le 28 septembre 1995, fixe les étapes d'un redéploiement militaire israélien qui étend l'autonomie à six agglomérations urbaines de Cisjordanie. Tulkarem, Jénine, Kalkiliya, Naplouse, Ramallah et Bethléem, dénommées zones A, passent sous le contrôle de la police palestinienne, tandis que les districts ruraux (zones B) sont placés sous supervision mixte israélo-palestinienne. Les zones C, constituées par les bases militaires israéliennes, les colonies juives et les routes dites de contournement (qui relient les colonies aux grandes agglomérations israéliennes de Jérusalem et Tel-Aviv en évitant les localités palestiniennes), continuent, elles, à relever des autorités d'occupation israéliennes. Les négociations ont longtemps achoppé sur le statut d'Hébron, où quatre cent cinquante colons vivent à l'ombre du caveau des Patriarches dans un face-à-face tendu avec les 130 000 Palestiniens de la ville. Aux termes de l'accord du 15 janvier 1997, Hébron est coupée en deux : les quartiers périphériques passent sous autonomie palestinienne (zone A) tandis que le cœur historique de la Vieille Ville demeure sous le contrôle de l'armée israélienne. Par la suite, de nombreux autres engagements israéliens ne sont pas tenus, qu'il s'agisse d'établir une liaison routière entre la Cisjordanie et Gaza, d'autoriser l'ouverture de l'aéroport de Gaza et de libérer des prisonniers palestiniens. Les négociations sont retardées ou ajournées par les Israéliens à chaque fois qu'un attentat est perpétré par les Palestiniens. La logique initiale d'Oslo : « l'échange des territoires contre la paix et la sécurité » est renversée au seul profit de la logique sécuritaire de l'État d'Israël.
Un territoire en miettes
En 1999, à l'issue de la période intérimaire, la situation politique et territoriale des Palestiniens est loin de ressembler à celle qui était revendiquée au départ par leur direction. Les Israéliens contrôlent encore 60 % de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ainsi que les frontières extérieures et une bonne partie des ressources hydrauliques des territoires. Surtout, la mise en œuvre des accords d'Oslo s'est accompagnée d'un profond démembrement territorial.
Les zones A d'autonomie palestinienne, loin d'être contiguës, sont minuscules et disjointes. Elles sont mitées par la présence de nombreuses colonies israéliennes (plus de 140 implantations en 1999). Les routes de contournement israéliennes réalisées au seul bénéfice des colons ont aussi considérablement contribué à dénaturer les paysages cisjordaniens : 35 % des terres saisies durant la période intérimaire des accords de paix ont servi à leur construction. Enfin, le processus d'émiettement territorial est matérialisé par des barrages militaires israéliens (ou checkpoints) installés aux portes d'entrée et de sortie des villes et des villages palestiniens. Ces barrages, qui font partie du quotidien des populations, sont l'occasion de contrôles arbitraires, parfois longs, très souvent humiliants, emblématiques de l'asymétrie des rapports de pouvoir et de la perpétuation de la domination d'Israël.
L'échec du processus de paix
Les négociations sur le statut final des territoires palestiniens, qui auraient dû se terminer avant le 4 mai 1999, date d'expiration de la période intérimaire, s'ouvrent avec un peu plus d'un an de retard sur le calendrier initial, dans un climat d'extrême tension. Tenues à Camp David du 11 au 25 juillet 2000 sous les auspices du président américain Bill Clinton, ces négociations s'achèvent sur un échec. Pour la première fois, les pourparlers portent sur les sujets sensibles, à savoir la détermination définitive des frontières, le devenir des colonies, le statut de Jérusalem et le retour des réfugiés.
À Camp David, Israël propose d'incorporer de 9 à 10 % de la Cisjordanie à son territoire de manière à y inclure le maximum de colons et de colonies. Les Palestiniens refusent, faisant au contraire du démantèlement de la quasi-totalité des colonies l'unique garantie d'une véritable souveraineté nationale sur un territoire homogène.
Les positions des deux protagonistes divergent plus radicalement encore sur le statut de Jérusalem. Les Palestiniens, à l'instar du droit international, considèrent Jérusalem-Est comme un territoire occupé au même titre que la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ils y revendiquent en conséquence une souveraineté intégrale qui n'impliquerait aucun nouveau partage de la partie orientale de la ville. Ils envisagent toutefois de laisser à Israël le contrôle du quartier juif de la Vieille Ville et du mur des Lamentations. L'État hébreu reste pour sa part attaché au principe d'une souveraineté israélienne exclusive sur la ville « réunifiée » en 1967 et illégalement annexée depuis 1980. La judaïsation de la Ville sainte, poursuivie depuis 1967 grâce au gel de l'habitat arabe, s'est du reste intensifiée à partir de 1996, par le jeu des restrictions apportées au statut des résidents palestiniens. Lors des négociations de Camp David, les diplomates israéliens proposent cependant de reconnaître une souveraineté palestinienne sur les quartiers situés à la périphérie est de la Vieille Ville et d'accorder une autonomie administrative aux quartiers musulman et chrétien intra-muros. Ils émettent également une revendication inédite de souveraineté sur l'esplanade des Mosquées, qu'ils appellent le mont du Temple. Ce dernier point aurait provoqué l'échec du sommet, que les Israéliens attribuent à l'intransigeance de Yasser Arafat.
Le sort des 3,7 millions de réfugiés palestiniens constitue aussi un dossier brûlant, en ce qu'il touche au destin même des deux peuples. Le retour massif des réfugiés de 1948 est inenvisageable pour Israël parce qu'il menace en soi le caractère juif de l'État. Plus encore, la reconnaissance du principe même d'un droit au retour demeure inacceptable : elle conduirait l'État hébreu à admettre sa responsabilité dans l'exode palestinien de 1948 et à jeter ainsi le doute sur sa propre légitimité. Les Palestiniens fondent, quant à eux, leur revendication d'un droit au retour sur la résolution 194 de l'ONU de décembre 1948 qui appelle à la réintégration des réfugiés dans leurs foyers sur des bases individuelles. Ils souhaitent se voir reconnaître le principe d'un droit politique au retour collectif – ce qui leur permettrait de « laver » l'injustice historique commise à leur égard – tout en se disant prêts à en négocier les modalités d'application pratiques.
D'une manière générale, le malentendu est profond à Camp David entre les Israéliens, pour qui les négociations sur le statut final doivent se dérouler sur les mêmes bases que les pourparlers précédents, et les Palestiniens, qui entendent (re)placer les négociations d'Oslo sur le terrain de la légalité internationale. Les Israéliens ne comprennent pas que Yasser Arafat ait refusé les « offres généreuses » de leur Premier ministre, Ehoud Barak. Le leader palestinien leur apparaît, dès lors, comme le principal obstacle à la paix. Au-delà, Ariel Sharon, arrivé au pouvoir en 2001, considère Yasser Arafat responsable du déclenchement de la seconde intifada. Il l'accuse de « terrorisme » et – dans le contexte ultrasécuritaire de l'après-11 septembre – le place en résidence surveillée dans son quartier général de Ramallah. De leur côté, les Palestiniens sont de plus en plus nombreux à partager la lecture des opposants aux accords d'Oslo : la « paix » de 1993 permettrait à Israël de conforter son emprise sur les territoires avec l'assentiment de la communauté internationale.
La politique des faits accomplis
La seconde intifada, qui débute dans les territoires palestiniens le 28 septembre 2000, est largement imputable à cet univers d'oppression. Aussi appelé intifada al-Aqsa (du nom de l'une des mosquées les plus vénérées de Jérusalem), ce soulèvement a fait plusieurs milliers de morts, en majorité palestiniens. Plus qu'un mouvement de masse qui mobiliserait une large proportion de la population civile, il renvoie à une succession d'affrontements, aussi violents que localisés, dans lesquels des secteurs limités de la société palestinienne sont impliqués. Il n'en bénéficie pas moins d'un fort soutien populaire qui va croissant, au fur et à mesure de la détérioration de la situation politique.
La militarisation du mouvement est liée à la logique même du processus d'Oslo, qui a placé les enclaves d'autonomie palestinienne et les zones sous contrôle israélien dans un face-à-face territorial quasi constant, porteur des germes de guerre. Les premiers affrontements se cristallisent aux points de contact entre territoires respectifs – soit aux abords des colonies juives ou à proximité des barrages israéliens qui contrôlent l'accès aux zones autonomes. À partir de 2001, l'armée israélienne réoccupe, de manière plus ou moins prolongée, les villes palestiniennes qu'elle avait « libérées » quelques années auparavant. Elle bombarde également les principaux bâtiments symboles de l'Autorité palestinienne considérés comme « stratégiques », l'aéroport et le port de Gaza, des postes de police et des ministères. Ces actes de violence, qui terrorisent les populations civiles, sonnent définitivement le glas du processus d'Oslo.
Pour le Premier ministre israélien Ariel Sharon, qui se dit dépourvu de partenaire de paix crédible, la stratégie privilégiée est désormais celle de l'unilatéralité. L'heure n'est plus à la négociation, mais aux faits accomplis. Cette politique revêt néanmoins des allures distinctes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
En Cisjordanie, le gouvernement israélien ordonne la construction de « murs » de séparation à partir de 2002. L'objectif affiché est la sécurité de l'État d'Israël, l'enjeu étant d'empêcher la perpétuation des attaques-suicides palestiniennes. Mais ces « murs » permettent surtout d'inclure davantage de colons et de blocs de colonies à l'intérieur des frontières de l'État d'Israël. Déclarés illégaux par la Cour internationale de justice le 9 juillet 2004, ces « murs » s'éloignent parfois largement de la ligne verte, la ligne de cessez-le-feu de 1949 qui fait office de frontière au niveau international. Ce faisant, ils ceinturent des villes palestiniennes entières (Bethléem, Kalkiliya), séparent des localités de leur arrière-pays rural, isolent certains villages et en coupent d'autres en deux. À Jérusalem-Est, les « murs » de séparation israéliens coupent plusieurs quartiers périphériques de leurs centres névralgiques (universités, hôpitaux, zones commerciales) et empêchent de facto la ville de jouer son rôle de carrefour politique, économique, social, religieux et culturel. Ils accentuent ainsi les discontinuités territoriales, voire créent des ruptures sociologiques.
Dans la bande de Gaza, le gouvernement d'Ariel Sharon opte pour une stratégie de retrait territorial. En août 2005, celle-ci concerne les quelque 5 000 à 8 000 colons installés sur ce morceau de territoire palestinien. L'acte de retrait est unanimement salué par la communauté internationale comme un gage de bonne volonté de l'État d'Israël. Pourtant, il est loin de conduire à la « libération » de la bande de Gaza. Les Israéliens demeurent maîtres, en effet, du contrôle des frontières maritimes, terrestres et aériennes, autant que des flux de biens et de services à partir dudit territoire et vers celui-ci. Leur domination se fait encore plus sentir après la victoire électorale du Hamas en janvier 2006.
Vie politique
À sa création, l'Autorité palestinienne est placée sous un régime juridique dit de l'autonomie. Ce régime diffère, en bien des points, du modèle de l'État souverain tel que revendiqué par l'OLP depuis 1988 et défini par la pratique internationale. Pourtant, sur le terrain, on assiste à la formation d'un centre politique qui fonctionne comme nouveau référent pour les populations.
Les germes d'une administration d'État
L'Autorité palestinienne est initialement créée pour une période transitoire de cinq ans (1994-1999). Elle remplace alors partiellement l'administration civile israélienne qui gérait les populations des territoires occupés depuis 1967. Ses pouvoirs – exclusivement civils – recouvrent quarante domaines d'activités soigneusement listés par les accords (agriculture, commerce, industrie, emploi, éducation, santé, affaires sociales, banques, Trésor, etc.). Ils s'exercent sur les seuls ressortissants palestiniens des territoires.
La mise en œuvre de ses pouvoirs civils est entravée par le caractère à la fois exigu, flou et discontinu de ses bases territoriales. En effet, les zones A sur lesquelles l'Autorité peut exercer sa pleine juridiction sont peu étendues. La plupart des terres entourant les villes et les villages palestiniens se situent dans des zones de contrôle mixte ou en zones C, dans lesquelles toute intervention publique palestinienne (construction de routes, d'écoles, installation de tout-à-l'égout, de réseaux électriques, etc.) est assujettie à une procédure israélienne d'approbation préalable. Il s'agit là d'une des failles majeures du processus d'Oslo, qui affecte – au quotidien – les conditions de vie des Palestiniens.
Deux attributs de souveraineté font également défaut à l'Autorité palestinienne : d'une part, la compétence en matière de politique étrangère, qui revient à l'OLP ; d'autre part, le contrôle de la sécurité et des frontières, qui demeure de la responsabilité israélienne. Ce dernier point enlève aux Palestiniens toute possibilité de constituer une armée.
S'en tenir à une définition proprement juridique est cependant réducteur, tant l'autonomie d'Oslo est aussi synonyme de processus continu de centralisation des pouvoirs. La gestion des différentes sphères de compétence transférées à l'Autorité palestinienne nécessite, en effet, la mise en place de nouvelles structures administratives. Des ministères ont été créés qui, chacun dans son domaine respectif, s'attachent à déterminer les priorités nationales. En la matière, l'accent est mis sur la construction d'infrastructures de base.
Le transfert des pouvoirs civils à l'Autorité palestinienne implique aussi le déploiement d'importantes forces de police. En 1998, leur nombre est estimé entre 35 000 et 40 000. Leur rôle principal est de veiller à la sécurité de l'État d'Israël, autrement dit d'arrêter les opposants (principalement islamistes) aux accords d'Oslo. L'Autorité se dote, enfin, d'institutions politiques. En janvier 1996, des élections législatives sont organisées pour la première fois de l'histoire nationale. Les quatre-vingt-huit députés élus au Conseil législatif adoptent, dans la foulée, les toutes premières législations palestiniennes. L'enjeu est alors d'encadrer les domaines de compétences récemment transférés à l'Autorité et d'uniformiser les réglementations juridiques en vigueur. La mise en place de l'Autorité palestinienne s'accompagne également de la constitution d'un pouvoir exécutif. Les accords de paix instituent un poste de président de l'Autorité et prévoient les modalités de son élection. Ainsi, en 1996, les Palestiniens désignent leur premier président en même temps qu'ils élisent leurs députés. Sans surprise aucune, Yasser Arafat sort vainqueur des urnes avec 88 % des suffrages. Jusqu'à sa mort, le 11 novembre 2004, il dirige et forme plusieurs gouvernements, tous placés sous le contrôle de son parti, le Fatah. En 2003, des pressions extérieures (américaines et israéliennes) conduisent à la création d'un poste de Premier ministre, occupé d'abord par Mahmoud Abbas, puis par Ahmed Qoreï.
Ainsi, l'autonomie d'Oslo a semé les germes d'une administration d'État palestinienne. Dans le même temps, elle a aussi permis aux Israéliens de diminuer le coût de leur occupation et de « soigner » leur image de marque sur le plan international, tout en gardant le contrôle de la majeure partie des territoires.
À compter de la seconde intifada cependant, l'Autorité palestinienne se trouve progressivement diminuée par les attaques de l'armée israélienne contre ses principales infrastructures, ainsi que par la mise « hors la loi » de son président. Elle est également fragilisée par le vide juridique existant à son sujet : elle n'avait pas vocation, en effet, initialement, à perdurer au-delà de la période intérimaire.
Un pouvoir hégémonique
Durant la période d'Oslo, l'embryon d'État qu'est l'Autorité palestinienne permet à Yasser Arafat d'asseoir son autorité sur une population et un territoire qu'il ne connaît pas (ou peu) lors de son arrivée à Gaza, en juillet 1994. Le leader historique opère en la matière de manière plutôt autoritaire, usant de la cooptation, de l'arbitraire, de la négociation et du clientélisme.
Dès 1993-1994, Yasser Arafat place sous son contrôle l'ensemble des secteurs d'activité dont la gestion locale avait été assurée jusque-là par des associations civiles. Syndicats, chambres de commerce et d'industrie, Églises, mairies, mais aussi ONG caritatives ont rempli une mission de service public durant les années de l'occupation en se substituant à l'État manquant. À partir de la signature des accords d'Oslo, la plupart des leaders de ces institutions non étatiques considèrent leur marginalisation politique comme nécessaire, car préfiguratrice de l'édification de l'État à venir. Ils critiquent cependant les interférences récurrentes du pouvoir exécutif dans la conduite de leurs affaires courantes et le « phagocytage » dont leurs organisations sont l'objet. Les responsables associatifs dénoncent également les atteintes nombreuses commises à l'encontre des libertés publiques, notamment celles qui concernent la presse. Ils s'en prennent aussi à l'arbitraire du régime. Le parti de gouvernement, le Fatah, opte pour une politique de répression ferme à l'égard des factions politiques ouvertement opposées à la signature des accords d'Oslo (FPLP, Djihad islamique et Hamas).
La marginalisation des institutions de la société civile palestinienne est également le fait de la politique des notables et des relations de patronage que Yasser Arafat (ré)active à son arrivée dans les territoires. Afin de contrôler les populations, le leader palestinien prend appui sur les chefs de clans qui constituent traditionnellement le lieu de la représentation politique en Palestine. La composition du Parlement et des assemblées locales reflète ainsi la persistance des segmentations régionales et claniques de la société et la continuité des allégeances traditionnelles. À l'échelle locale, Yasser Arafat négocie l'octroi des postes de maires et conseillers municipaux avec les représentants des grandes familles présentes dans chaque localité. À l'échelle nationale, les députés sortis vainqueurs des urnes sont élus sur la base d'affiliation clanique ou villageoise plutôt que sur leur étiquette politique. Pour les populations, l'enjeu consiste à mandater des représentants capables de défendre, au mieux, leurs intérêts auprès du pouvoir central, qu'il s'agisse de payer la scolarité d'un jeune, de faciliter l'hospitalisation d'une mère de famille ou de trouver un emploi.
Très tôt, des voix s'élèvent au sein de la société palestinienne pour protester contre le mode clientéliste de contrôle des populations. En 1996-1997, elles s'en prennent plus particulièrement aux modalités de gestion des fonds publics et font peser des soupçons de corruption sur l'Autorité palestinienne. Le Conseil législatif diligente même une enquête sur le sujet, qui révèle qu'un tiers environ du budget global de l'Autorité est affecté aux seuls frais de fonctionnement de l'exécutif. Cette enquête parlementaire dénonce également la confusion fréquente entre responsabilités publiques et intérêts privés et accuse nominalement plusieurs ministres. Ces derniers ne sont pas pour autant inquiétés.
Dans le contexte de la seconde intifada, la moralisation des affaires publiques devient un mot d'ordre populaire et un moyen, pour les opposants politiques, de porter atteinte aux caciques du régime (Yasser Arafat étant personnellement épargné). Ces oppositions internes sont relayées et amplifiées à partir de l'été de 2002 par les membres du « quartet » (États-Unis, Russie, Union européenne, ONU) qui s'en prennent à la corruption supposée de l'Autorité palestinienne et exigent de celle-ci des « réformes ». Les Européens mettent l'accent sur la « nécessaire » démocratisation du régime et réclament davantage de transparence dans l'utilisation des fonds extérieurs dont ils fournissent une large part. De leur côté, les Américains et les Israéliens, qui cherchent à court-circuiter le président de l'Autorité, prônent l'adoption de réformes institutionnelles (ainsi de la création du poste de Premier ministre). Surtout, ils font de Mahmoud Abbas, le numéro deux de l'OLP considéré comme un dirigeant particulièrement « modéré », le remplaçant idéal de Yasser Arafat.
L'après-Arafat
Au lendemain de la mort de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas est présenté par les Occidentaux comme l'homme de la situation, qui saura assurer la transition politique en faisant oublier la disparition du « père de la nation » et dissiper les peurs de guerre civile qui l'accompagnent.
Très vite, la succession s'organise. Mahmoud Abbas est désigné président de l'OLP par le Conseil national palestinien, puis élu président de l'Autorité palestinienne (le 9 janvier 2005). Pour les dirigeants occidentaux, il s'agit par ce biais de relancer le processus de paix moribond. Les habitants des territoires attendent également des avancées sur le terrain diplomatique. Leurs espoirs sont cependant vite déçus : aucun dialogue n'est engagé entre le nouveau président palestinien et le gouvernement Sharon. Le Premier ministre israélien exige avant toute chose l'arrêt de la violence armée côté palestinien.
Ce contexte d'absence de perspectives politiques réduit considérablement la légitimité interne de Mahmoud Abbas. Pour les Palestiniens, leur président est impuissant à modifier l'état du rapport de forces sur le terrain en dépit du soutien américain dont il bénéficie. Les Israéliens contrôlent toujours autant les territoires et la liberté de mouvement au sein de ceux-ci. Une seule force politique apparaît désormais crédible : le mouvement islamiste Hamas.
Celui-ci s'est d'emblée opposé à la signature des accords d'Oslo. Ses dirigeants ont critiqué la reconnaissance de principe accordée à l'État d'Israël par l'OLP. Ils ont aussi reproché à Yasser Arafat d'avoir accepté une stratégie de négociation « progressive » qui repousse à plus tard les discussions sur les sujets qu'ils estiment fondamentaux pour la reconnaissance pleine et entière des droits nationaux palestiniens. Selon eux, la paix d'Oslo est une paix partielle et tronquée qui ne peut conduire qu'au bradage de la Palestine. Cette lecture des accords de paix trouve peu d'échos au départ, tant les Palestiniens ont « soif » de normalité. Elle séduit, en revanche, des franges de plus en plus larges de population, au fur et à mesure du pourrissement de la situation. L'attentat-suicide perpétré contre des cibles israéliennes (colonies, casernes militaires, checkpoints, stations de bus, discothèques, marchés, etc.), en Cisjordanie et dans la bande de Gaza comme à l'intérieur des frontières de l'État hébreu, devient progressivement le principal mode d'expression de son opposition politique pour une partie des habitants des territoires.
Pour contrer l'influence croissante des islamistes et répondre aux demandes populaires de démocratisation des institutions, Mahmoud Abbas organise des élections municipales et législatives peu de temps après son arrivée au pouvoir. Son objectif est d'asseoir sa légitimité interne et de conforter le pouvoir de son parti, le Fatah, très divisé depuis la mort de Yasser Arafat. Sa stratégie échoue cependant, tant les résultats de ces deux scrutins consacrent « l'entrée en politique » du Hamas.
Les élections municipales de 2004-2005 font l'objet d'une très forte attente populaire, les derniers scrutins s'étant tenus en 1976 en Cisjordanie et en 1934 dans la bande de Gaza. Tous les courants politiques, y compris ceux de l'opposition, y participent. Ces élections apparaissent cruciales aux populations, parce que les municipalités sont des institutions anciennes, antérieures aux accords d'Oslo, qui gèrent des domaines d'action susceptibles de changer leur quotidien. Les factions politiques ne s'y trompent pas qui, toutes, font campagne autour du thème de la construction d'infrastructures et de l'amélioration des services publics. Les résultats des élections municipales constituent un camouflet pour Mahmoud Abbas et son équipe. Nombreux sont les candidats proches de la mouvance islamiste ou ayant fait campagne sur la liste de la « réforme islamique » à avoir été élus, surtout dans les grandes villes.
Forts de cette victoire, les dirigeants du Hamas annoncent leur intention de participer aux élections législatives à venir. Cette décision constitue un tournant dans l'histoire politique interne du mouvement. En effet, pendant toute la durée du processus de paix et jusqu'à la mort de Yasser Arafat, le Hamas a boycotté les institutions politiques nées des accords d'Oslo. Le mouvement s'est donc tenu à l'écart de la vie politique nationale : ainsi n'a-t-il pas présenté de candidats aux élections législatives de 1996 ni aux élections présidentielles de 1996 et de 2005. Après leur « raz-de-marée » aux élections locales, les islamistes considèrent cependant qu'il y a urgence à représenter l'ensemble des voix et courants idéologiques au Parlement – cela dans un souci de préservation de l'unité nationale.
Le Hamas au pouvoir
Les deuxièmes élections législatives de l'histoire palestinienne, le 25 janvier 2006, débouchent sur une victoire électorale sans précédent du Hamas. Les islamistes obtiennent 56 % des suffrages exprimés, soit la majorité absolue des sièges. Mahmoud Abbas se voit contraint de demander à Ismaïl Haniyeh, un haut cadre du mouvement, de former un gouvernement. C'est la première fois dans l'histoire nationale palestinienne que le Fatah perd la direction des affaires politiques. La consécration électorale du Hamas ouvre ainsi définitivement l'ère de l'après-Arafat.
C'est la première fois également qu'un mouvement opposé aux accords de paix signés avec Israël entend diriger les territoires. Mais le refus du Fatah d'accepter sa défaite électorale, d'une part, et la mise à l'écart délibérée du gouvernement Hamas par l'État d'Israël et les membres du « quartet », d'autre part, ouvrent une période d'instabilité et de violence politique.
Trois moments clés sont à distinguer entre la victoire électorale du Hamas et l'installation, de fait, de deux gouvernements concurrents en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le premier renvoie à la période (janv. 2006-mars 2007) durant laquelle le gouvernement palestinien, qui est entièrement composé de cadres du Hamas et est dirigé par son chef de file, Ismaïl Haniyeh, cohabite avec le président de l'Autorité palestinienne, membre du Fatah. Cette première période est marquée par le boycott intégral de l'Autorité palestinienne, tant par Israël que par la communauté internationale.
Le deuxième temps (mars-mai 2007) correspond à la mise en place d'un gouvernement d'union nationale. Celui-ci est vu comme une porte de sortie par la direction politique du Hamas, le retour du Fatah au sein du cabinet palestinien étant censé permettre la levée du blocus international. Dans les faits, tel n'a pas été vraiment le cas.
Enfin, le troisième « moment » s'ouvre, au début de juin 2007, par une offensive militaire du Hamas à l'encontre des factions armées du Fatah à Gaza. Rapidement, la victoire militaire des islamistes ne fait aucun doute. Le bilan humain est lourd : 116 morts et 550 blessés en une semaine. À l'issue des combats, Ismaïl Haniyeh, accusé d'avoir remis en cause la légitimité des institutions, est limogé sur ordre du président qui constitue un gouvernement de crise dont il confie la responsabilité à Salam Fayyad, un ancien haut responsable du FMI bien vu des Occidentaux. Aucun membre du Hamas n'exerce de fonction exécutive. Les islamistes crient alors au « coup d'État » et nient toute légitimité démocratique au nouveau gouvernement. Le soutien politique que l'État d'Israël et le « quartet » apportent à ce dernier augmente leurs rancœurs et récriminations.
Désormais, le pouvoir politique est partagé de facto entre le Hamas d'Ismaïl Haniyeh, qui contrôle la totalité de la bande de Gaza, et le Fatah de Mahmoud Abbas, qui déploie ses forces en Cisjordanie.
Économie et société
Les accords d'Oslo suscitent de nombreux espoirs chez les Palestiniens. Pendant plus de trente ans, ces derniers ont été placés sous un régime d'occupation attentatoire aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Le temps économique a été comme « suspendu » dans les territoires. Au nom de l'impératif de la lutte nationale, les individus avaient mis de côté leur développement de carrière ou leur vie familiale. Les populations attendent donc de la paix la « normalisation » de leurs conditions de vie. De fait, dès les premières années du processus d'Oslo, les Palestiniens investissent intensément dans de nombreux projets (économiques, culturels, éducatifs, sanitaires, etc.). Les villes de l'autonomie palestinienne traduisent l'enthousiasme ambiant : toutes sont en chantier permanent. Mais l'euphorie est de courte durée. Après quelques années de forte croissance, le boom économique s'arrête. De fortes contraintes pèsent sur les populations du fait de l'installation de nombreux checkpoints aux entrées et sorties des villes autonomes. La liberté de mouvement des populations est sérieusement limitée et gêne le développement des activités économiques et sociales au quotidien. Les Palestiniens sont cependant inégalement touchés par la détérioration de la situation. Certaines catégories sociales sortent relativement bénéficiaires de la période d'Oslo.
De profondes mutations sociales
La signature des accords de paix en 1993 et la création de l'Autorité palestinienne ont permis l'émergence de nouveaux acteurs sociaux.
La mise en place d'une administration d'État concourt à la constitution d'une classe de fonctionnaires qui sert, tout entière, les intérêts du nouveau régime. Les postes créés au sein des institutions publiques palestiniennes sont nombreux à partir de 1993. Ils permettent aux Palestiniens ayant travaillé au sein de l'administration civile israélienne sous l'occupation de rester en activité et de transmettre leurs savoir-faire et compétences professionnelles. Nombreux, cependant, sont ceux qui, parmi eux, sont relativement âgés et peu formés ; ils constituent les « petites mains » de la nouvelle administration : porteurs d'eau, serveurs de café, gardes du corps, chauffeurs...
Il faut ajouter à cette catégorie de fonctionnaires le personnel de l'OLP qui a suivi Yasser Arafat depuis Tunis jusque dans les territoires. Ces cadres de l'Autorité sont très visibles à Gaza, parce qu'ils sont proportionnellement plus nombreux qu'en Cisjordanie et qu'ils affichent publiquement leur réussite sociale. Ils bénéficient de conditions d'installation avantageuses et se distinguent de la population « locale » par leur niveau de vie élevé. Leurs modes de vie divergent également. À Gaza, ils poussent à l'ouverture des premiers bars, discothèques ou restaurants chics en bord de plage et affichent leur réussite sociale en construisant des villas de luxe ou en roulant au volant d'automobiles haut de gamme. Ils sont rapidement stigmatisés par les populations « autochtones » pour leurs comportements jugés peu conformes à la morale nationaliste. Les termes utilisés pour les désigner (les « Tunisiens » ou les « returnees ») prennent rapidement une connotation péjorative.
Enfin, la nouvelle administration palestinienne recrute beaucoup parmi les jeunes militants locaux du Fatah qui ont porté haut les couleurs de la lutte nationale durant la première intifada. Ces jeunes, qui ont souvent interrompu leurs études, se retrouvent brutalement relégués en bas de la hiérarchie sociale dans le nouveau contexte de paix, alors que leurs faits de guerre en ont fait des héros nationaux. Pour calmer leurs rancœurs potentielles, l'Autorité palestinienne leur offre une porte de sortie en les enrôlant au sein de ses propres forces de police et de sécurité.
La nouvelle conjoncture entraîne aussi l'arrivée de nombreux Palestiniens de la diaspora. Intellectuels, entrepreneurs, ingénieurs, journalistes : tous cherchent à mettre leurs compétences au service de la construction de l'État. Il est vrai que l'Autorité palestinienne considère que sa diaspora – riche et bien éduquée – peut aider au développement économique et social des territoires ; elle fait donc ouvertement appel à elle. L'ampleur des investissements effectués ne répond toutefois pas aux attentes. Sans doute certains entrepreneurs ont-ils préféré s'abstenir, étant donné le contexte politique, particulièrement incertain, de la période d'Oslo. D'autres ont pu aussi trouver inquiétantes les pratiques autoritaires du régime.
L'arrivée de ces Palestiniens dits « de l'extérieur », souvent originaires d'Amérique du Nord, bouleverse la société des territoires. Ils ont, en effet, des comportements et référents culturels parfois fort éloignés des « normes » locales. Les enfants de la diaspora rencontrent d'importants problèmes d'intégration. Pour la plupart, ils découvrent la Palestine pour la première fois, alors qu'ils ont été élevés dans des sociétés occidentales où dominent l'industrie des loisirs, le consumérisme, le profit et l'individualisme. Brutalement plongés dans un univers où les valeurs ne sont plus les mêmes, ils tendent à créer leurs propres espaces de sociabilité (des fast-foods à l'américaine), leur propre langage (qui emprunte beaucoup à l'anglais) ou encore leur propre mode vestimentaire. Ce qui les conduit à un « entre-soi » rassurant.
Enfin, d'autres nouveaux venus participent à la transformation de la société des territoires durant la période d'Oslo. Il s'agit des donateurs internationaux. Les bailleurs de fonds étrangers sont, en effet, très nombreux à soutenir le processus de construction étatique, par une aide financière et technique. Les principales organisations internationales impliquées sur place sont la Banque mondiale, l'Union européenne et les Nations unies (par l'intermédiaire du PNUD). Mais les États-Unis, la Suède, l'Arabie Saoudite, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Norvège, la France et le Japon interviennent également largement au titre de l'aide bilatérale. Au total, sur la période 1994-2005, on estime le volume effectivement déboursé par les donateurs internationaux à 5 milliards de dollars.
Le poids financier des bailleurs de fonds étrangers a représenté un véritable « appel d'air » en termes d'emplois pour les populations. Au-delà, il a contribué à faire émerger une nouvelle catégorie de professionnels spécialisée dans le fundraising, la réponse à appel d'offres ou encore le management et le suivi de projets de développement. Elle est constituée, d'une part, de la bourgeoisie urbaine, plutôt chrétienne, souvent diplômée des universités occidentales les plus prestigieuses, et polyglotte. Elle comprend, d'autre part, des transfuges de la gauche palestinienne autrefois inspirés par le credo du marxisme. Ces nouveaux experts en « collecte de fonds » dirigent de grandes ONG nées dans le sillage d'Oslo, qui tiennent des discours aseptisés sur des thèmes « porteurs » : ainsi du droit des femmes, des droits de l'homme ou encore du développement durable. Il s'ensuit que les structures associatives de base qui avaient encadré la première intifada et assuré la continuité de la vie sociale dans le domaine de l'agriculture, de la santé ou de l'éducation durant l'occupation n'ont plus d'équivalent désormais, si ce n'est islamistes. Ainsi, en abandonnant le terrain de l'organisation sociale et politique, cette élite urbaine a, sans aucun doute, contribué à faire le lit du Hamas.
L'économie, un domaine de fortes restrictions
Durant la période du processus de paix, le domaine d'activité principal de la population est le secteur public : celui-ci concerne environ un quart des actifs. Viennent ensuite le commerce et les activités liés au tourisme (18 %), les activités manufacturières (16 %) et l'agriculture (14 %), pour les secteurs essentiels. L'aide internationale massive participe, pour beaucoup, aux fortes croissances enregistrées dans les premières années d'Oslo. Les fonds extérieurs doivent aider les Palestiniens à rattraper le « retard » de développement hérité de l'occupation israélienne. Ils sont prioritairement utilisés à la construction d'infrastructures de base (port et aéroport de Gaza, mais aussi réseaux électriques et hydrauliques, télécommunications, routes, etc.), ainsi qu'à l'édification des principaux bâtiments administratifs (ministères, Parlement, mairies, etc.).
L'activité économique des territoires palestiniens est encadrée par le protocole de Paris. Ce texte, adopté en 1994 par les deux parties en conflit, est d'inspiration libérale : il prévoit l'instauration d'une zone de libre-échange entre Israéliens et Palestiniens. Dans les faits, pourtant, il met à mal le principe de libre circulation, en imposant aux Palestiniens le contingentement de leurs produits à l'exportation comme à l'importation. Il leur impose également le respect de quotas sur les volumes de biens échangés. Dans le même temps, Israël soumet les entrepreneurs des territoires à des procédures d'autorisation d'entrée et de sortie de leurs produits. La plupart d'entre eux passent alors par des sous-traitants israéliens de l'import-export, afin de s'éviter des procédures longues, coûteuses et sans garantie de résultats. La mise en œuvre du protocole de Paris perpétue ainsi le système d'échange inégal mis en place durant les années d'occupation israélienne au détriment de l'économie palestinienne.
La liberté de circulation des personnes est également restreinte durant la période d'Oslo. Sous l'occupation, les Palestiniens sont nombreux à détenir un permis de travail en Israël. Ils sont majoritairement employés dans les métiers du BTP, l'industrie manufacturière, le travail domestique et l'agriculture. Mais, à partir de 1993, leur nombre fluctue considérablement, et plutôt à la baisse. En effet, les différents gouvernements israéliens recourent systématiquement au« bouclage » des zones autonomes palestiniennes en période de tensions. À chaque nouvel attentat ou à chaque blocage des discussions diplomatiques, les habitants des territoires sont empêchés de sortir de leurs villes de résidence et de se rendre dans une localité voisine ou, à plus forte raison, en Israël. Toutes ces restrictions conduisent à la détérioration progressive de la situation économique durant la période du processus de paix. On estime que le revenu national a baissé d'environ 30 % entre 1993 et 2000.
Une paupérisation des populations sans précédent
Le déclin économique se poursuit plus brutalement encore à partir de septembre 2000 et du déclenchement de la seconde intifada. D'après la Banque mondiale, le revenu moyen des Palestiniens chute de plus d'un tiers au cours des cinq premières années du soulèvement. En 2005, 60 % de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, contre 20 % en 1999. À la même date, le chômage concerne un quart des actifs, avec des taux dépassant les 40 % dans la bande de Gaza.
Les programmes d'aide alimentaire de l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, touchent 50 % de la population de Gaza. Des cas de malnutrition infantile sont enregistrés, alors qu'il s'agissait d'un phénomène inconnu jusque-là. La baisse du niveau de vie est générale ; elle contraint à l'émigration les plus riches comme les plus pauvres. Cette crise économique sans précédent accroît la dépendance financière des populations vis-à-vis de l'aide extérieure.
Le durcissement des conditions de vie observé dans les territoires palestiniens au cours des premières années de la seconde intifada, couplé à l'échec territorial d'Oslo, plonge les populations dans un profond désespoir. Les jeunes, en particulier, se sentent privés de tout horizon d'espérance. Cette absence de futur prometteur explique le recours généralisé à la pratique des attentats-suicides durant les premières années de la seconde intifada.
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Écrit par
- Olivier CARRÉ : docteur ès lettres et sciences sociales, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques
- Aude SIGNOLES : maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Sciences Po Aix
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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- SDN (Société des nations)
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