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BAROQUE

Le baroque littéraire

Le baroque littéraire, un concept sous dépendance

La notion de « baroque littéraire », ou de « littérature baroque », s'est constituée tardivement, sous une double dépendance.

L'impératif de la forme

L'idée provient d'un déplacement vers la littérature des hypothèses théoriques élaborées, à la fin du xixe siècle, sur la notion de baroque appliquée aux arts d'organisation de l'espace (compositions architecturales et picturales), de figuration (peinture, sculpture) et d'ornementation (architecture d'intérieur, mobilier, ferronnerie, orfèvrerie).

La transposition des modes de construction et d'organisation de l'espace, destinés à produire des impressions ou des effets, à un secteur – la littérature – où la notion d'espace ne peut être qu'une métaphore et cède le pas à un objectif de signification, pose une première série de problèmes.

La littérature a pour matériau le langage, qui n'est pas une matière concrète, mais un système de signes ayant pour but essentiel de produire, non une forme ou une figure, mais un sens. L'objectif premier est de signifier, et secondairement, pour atteindre ce but, d'utiliser des moyens d'ordre rhétorique qui mettent les effets et les impressions au service de la signification. Tel est l'ordre traditionnel, qui a été perçu comme « naturel » et défini comme « classique ». Le baroque ayant été considéré comme l'inverse du classique, parler de baroque en littérature a consisté à inverser les termes, en donnant priorité à la forme sur le contenu, et à placer la signification en position seconde par rapport à un objectif premier qui consiste à produire des effets et à impressionner. C'est donc d'abord dans ce sens qu'on a conçu la notion de baroque littéraire, comme utilisation de moyens destinés à produire des effets et à agir sur l'imaginaire et l'affectivité, avec une oscillation entre les deux pôles de la venustà, la grâce (utilisant des moyens de séduction, comme le mot d'esprit, le concetto, le cliquetis précieux) et de la terribilità, ou désir d'impressionner (par la grandeur, la pompe, l'emphase, la volonté d'en imposer, de far stupir, selon l'expression du Cavalier Marin). L'objectif ultime de cette démarche apparaît comme la recherche d'un « sublime », qui a pour effet de mettre sous le charme (venustà) ou de créer la stupéfaction (terribilità). Les adversaires de cette esthétique auront vite fait de transformer ce sublime en grotesque, et de taxer de mauvais goût cette recherche de l'extrême.

Un autre problème, plus général, concerne la nature du code ou de l'instrumentation littéraire. Les arts de figuration procèdent selon une voie « mimétique », en agissant directement sur le matériau qui leur est propre. Le matériau de signes sur lequel travaille la littérature suppose, dans l'acte de lecture, une transformation du mot en image mentale, qui n'est pas matérielle, mais imaginaire ou conceptuelle. Le classicisme choisit, pour s'exprimer, la voie conceptuelle dite « sémiotique ». Toujours en fonction de l'opposition établie entre les deux esthétiques, le baroque se verra attribuer une préférence pour la voie « mimétique », dans un code qui la rend pour le moins problématique. Le baroque est vu comme un « matiérisme » qui s'efforcerait, comme dans un art figuratif, de faire participer son lecteur à un univers d'images. Des figures de style comme l'hypotypose (procédé d'expressivité réaliste), la réalisation de la métaphore, un penchant pour les deux directions qui se détournent de la voie intellectuelle (soit la recherche de l'état brut, de la sensualité, de la matérialité, soit une propension aux états extatiques ou oniriques, aux visions et aux songes) reproduiraient,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne
  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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