BÜHLER DENIS (1811-1890) & EUGÈNE (1822-1907)
D'origine suisse, les frères Bühler sont des « jardiniers-paysagistes ». Ils figurent parmi les principaux protagonistes de la dernière époque du style irrégulier des jardins en France, aux côtés d'Alphand et de Barillet-Deschamps, maîtres-d'œuvre de la nouvelle politique des « espaces verts » décidée par Napoléon III et Haussmann, ou encore du théoricien Édouard André. Le manque de réflexions historiques dans ce domaine et la disparition ou la transformation de ces créations éminemment fragiles nous font traditionnellement englober sous les qualificatifs de « paysager », voire « à l'anglaise », tout le développement de l'art des jardins en France, depuis le milieu du xviiie siècle jusqu'à la fin du xixe. Or on peut y distinguer au moins quatre époques. Une première période qui va de 1760 à la Révolution où le « pittoresque » domine ; un deuxième moment « romantique » sous l'Empire et au début de la Restauration où l'on se débarrasse de la dominante architecturale (multiplication des fabriques) pour se ressourcer auprès des grands modèles d'outre-Manche ; un épisode d'abâtardissement formel jusqu'au milieu du xixe siècle ; enfin une véritable renaissance qui bénéficie des nouvelles orientations urbanistiques et hygiénistes du second Empire. Ainsi l'historien des jardins Arthur Mangin écrit-il en 1867 : « Le jardin paysager est-il le jardin de l'avenir ? J'inclinerais à le croire, et la raison en est que les règles auxquelles on l'a soumis n'ont rien d'immuable. On le comprend aujourd'hui autrement qu'il y a soixante ans ; on le comprendra probablement dans quelques années autrement qu'aujourd'hui ; sans pour cela porter atteinte à son principe, qui est tout à fait en rapport avec le caractère indiscipliné des sociétés modernes, avec leur goût pour le changement, avec leurs aspirations profondes. » Logiquement et dans le droit fil des inventeurs « progressistes » de ce style dans l'Angleterre de 1720, pour lui « le mode paysager, qui laisse la voie ouverte à toutes les innovations systématiques et à la fantaisie de chacun, n'a rien que de conforme à l'esprit libéral du xixe siècle ».
Il reste difficile de distinguer la part respective de chacun des frères Bühler dans les différents lieux auxquels leur nom est lié. Mais qu'il s'agisse de leurs deux grands parcs urbains : celui de la Tête-d'Or à Lyon ou du Thabor à Rennes, ou de nombreux domaines privés, ils semblent avoir le plus souvent collaboré. En ce qui concerne les travaux pour des propriétaires privés (créations nouvelles ou importants remaniements), l'inventaire en reste sûrement très incomplet. Denis Bühler travailla pour l'imprimeur Oberthür à Rennes, dans les parcs des châteaux de Valençay et du Magnet (Indre) ainsi qu'en Bretagne à Kerguéhennec (Morbihan). Eugène intervint pendant la guerre de 1870 au domaine des Touches en Touraine et dans le parc des Prébendes d'Oé à Tours (1871). Mais on les voit remanier le parc créé sous l'Empire par l'industriel Oberkampf à Jouy-en-Josas ainsi que le jardin Moët à Épernay, ou encore celui d'Esclimont près d'Ablis (Yvelines). Il resterait à vérifier leur rôle précis à Pibrac (Haute-Garonne) ou à Bonnétable (Sarthe), tandis que la découverte d'archives privées permet de leur rendre le parc de Courson (Essonne). La réputation acquise à la suite des grandes commandes publiques leur amena une vaste clientèle de propriétaires terriens nobles ou appartenant à la bourgeoisie aisée. Ils se trouvèrent ainsi à la tête d'une importante agence susceptible d'intervenir à travers toute la France.
« Une grande ville, avec sa gigantesque ossature de pierre, sa pléthore de population et sa circulation fébrile,[...]
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Écrit par
- Monique MOSSER : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles
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