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CAPITALE DE LA DOULEUR, Paul Eluard Fiche de lecture

Exposition surréaliste de Londres - crédits : Evening Standard/ Getty Images

Exposition surréaliste de Londres

Lorsque paraît en 1926 Capitale de la douleur, aux éditions Gallimard, le poète qui signe Paul Eluard (Eugène Grindel a choisi ce pseudonyme en 1916) rassemble en un seul volume deux périodes de sa vie, deux époques de son œuvre. L'ambiguïté du titre dit assez la cohérence de deux façons de voir : la lettre capitale ou signe douloureux identifie à l'esthétique surréaliste, de sa typographie unitaire, les poèmes nés de sa contribution intime ; la capitale assiégée rappelle les lectures urbaines de Walt Whitman (Feuilles d'herbes, 1855), et unanimistes de Jules Romains ou Georges Chennevière, ainsi que le retour à Paris après un voyage d'oubli autour du monde (1925). Eluard (1895-1952) a alors trente et un ans. S'il a déjà écrit une douzaine de recueils et plaquettes, la plupart de ses anciennes publications ont été par lui reniées, refusées, sinon détruites. Une nouvelle ère s'ouvre à partir de 1924, qui voit à la fois son engagement effectif dans le surréalisme, aux côtés de Breton et d'Aragon avec qui il fraternise depuis 1920, son rapprochement politique du Parti communiste (il y adhère en 1926) et l'éloignement de Gala, la femme qu'il aimait ; le 8 septembre 1926, date de l'achevé d'imprimer, marque également le début de sa renommée poétique et sa reconnaissance par un public plus vaste.

Un recueil sous influence

Sous le signe de Lautréamont, et de Rimbaud plus encore, Eluard compose un recueil dont les premiers éléments ont été rassemblés en 1922 et les derniers en 1926. Quatre sections permettent d'intégrer deux recueils précédents : Répétitions (paru aux éditions du Sans Pareil en mars 1922, c'est le « livre préféré » de la collaboration fraternelle avec Max Ernst), et Mourir de ne pas mourir (1924), au titre inspiré de Thérèse d'Avila, où s'énonce avec violence et dans le mystère l'amour rimbaldien.

Plus rimbaldien encore dans son inspiration mais aussi par le choix formel d'un titre et d'une disposition explicitement sous influence, le recueil qui suit, Les Petits Justes, comporte onze sections dont six se trouvaient déjà dans Mourir de ne pas mourir, tandis que quarante-six Nouveaux Poèmes viennent achever ce recueil de leur longue suite variée, par une alternance de tons et de motifs précisément articulée. « Au soir de la folie, nu et clair,/ L'espace entre les choses a la forme de mes paroles/ La forme des paroles d'un inconnu/ D'un vagabond qui dénoue la ceinture de sa gorge/ Et qui prend les échos au lasso » affirme la première strophe de « Ne plus partager », premier poème de cette nouvelle séquence. Et l'on voit apparaître dans l'espace verbal la prosodie des noms et des espaces plastiques de nombreux amis revendiqués (les peintres Ernst, Braque, Klee, Miró, Picasso, De Chirico, Masson), associés dans le mouvement du poème au goût du moderne populaire (Les Gertrude Hoffmann girls, l'écrivain de romans policiers Gaston Leroux), ou à une biographie détournée de la passion amoureuse. Ces trois fils, de l'amitié déplaçant les signes, de l'amour déchirant, et du mystère des romans ou des spectacles populaires, se nouent « dans le cylindre des tribulations », sans que le montage dada ou la merveille surréaliste viennent contredire ou interrompre la mélancolie sentimentale, le rêve amoureux ou le souvenir fragile.

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne

Classification

Média

Exposition surréaliste de Londres - crédits : Evening Standard/ Getty Images

Exposition surréaliste de Londres