CASUISTIQUE
Utilisée spécialement en théologiemorale, mais aussi en droit et en médecine, la méthode casuistique consiste à résoudre les problèmes posés par l'action concrète au moyen de principes généraux et de l'étude des cas similaires. Deux principes la fondent : validité des lois générales comme normes de l'action particulière ; similitude de certaines actions humaines qui permet de transposer les lois de l'agir de l'une à l'autre. Science appliquée, la casuistique ne peut ni se soustraire à la lumière des principes ni se substituer au jugement de la conscience personnelle.
La casuistique existait dans les religions antiques, le judaïsme et le christianisme primitif. Au xvie siècle, en Occident, elle devient la méthode presque exclusive de la théologie morale catholique. À partir du xviie siècle, le mot « casuistique » prend un sens péjoratif et devient synonyme de subtilité excessive et même de mauvaise foi. Discréditée par ses excès (laxisme, minimalisme ou rigorisme), la casuistique demeure cependant, grâce à une utilisation plus rigoureuse, une des méthodes de la théologie morale catholique.
Principes moraux et situations humaines
Le mot « casuistique » vient du latin casus : événement fortuit, imprévu. En langage de droit, casus signifie fait concret, réel ou supposé. La casuistique est donc l'art d'appliquer les lois générales d'une discipline à un fait, réel ou supposé. On la rencontre dans l'enseignement du droit, de la médecine, de la psychologie, des sciences économiques. En théologie morale, elle est une méthode d'enseignement, mais aussi de recherche, l'étude des faits particuliers aboutissant à dégager les lois générales de l'action.
Singularité de tout acte
Chaque action humaine est unique et singulière. Mais la conscience personnelle, qui doit délibérer à son sujet et l'accomplir, n'est pas livrée à une spontanéité qui la condamnerait à la solitude. Elle doit examiner les circonstances complexes de l'action. Des lois générales n'y trouvent-elles pas leur point d'application ? N'y a-t-il pas conflit de valeurs ? La conscience peut encore se retourner vers son expérience ou celle des autres, des moralistes par exemple. N'y a-t-il jamais eu de cas semblable ? La casuistique repose sur ces deux principes : possibilité d'appliquer des lois générales aux actions particulières ; similitude des actions entre elles. Elle a d'abord une fonction d'enseignement, les élèves étant invités à résoudre, à la lumière des principes enseignés, des cas concrets. Une autre de ses fonctions est liée au sacrement de pénitence : celui qui se confesse expose au confesseur les circonstances de sa faute ; l'examen attentif de celles-ci permet de déterminer plus exactement la culpabilité. Enfin, la casuistique établit, à partir de l'analyse d'une action concrète ou de certains cas types, les normes que l'agir humain devra suivre dans des situations semblables.
École de médiocrité ?
La casuistique ne peut atteindre l'action immédiate dans sa singularité ; ne pouvant prescrire que des solutions toutes faites, elle doit se borner à établir un état de la question, le plus complet possible, tant pour les principes généraux que pour l'analyse des circonstances de l'action. La décision morale appartient de plein droit à celui qui pose l'acte. La casuistique n'est donc autonome qu'au niveau de la technique d'élaboration des cas. Certains voudraient limiter son application à la détermination des fautes, graves ou légères. Mais elle pourrait alors, en incitant à considérer comme léger ce qui est grave, conduire au minimalisme. Elle a d'ailleurs cédé parfois à cette tentation. Cependant, pure technique de cas, la casuistique peut aussi bien déterminer les limites inférieures de l'obligation que les exigences[...]
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Écrit par
- Louis-Gustave VEREECKE : professeur d'histoire de la théologie morale moderne à l'Accademia Alfonsiana de l'université pontificale du Latran (Rome)
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