CHAMPAIGNE PHILIPPE DE (1602-1674)
Formé à Bruxelles (où il est né en 1602), et à Mons par différents peintres dont le paysagiste Jacques Fouquières, Philippe de Champaigne, après avoir refusé de travailler avec Rubens, entreprend en 1621 le voyage d'Italie en empruntant la route de France. Mais il s'arrête à Paris et ne connaîtra jamais Rome. À cette époque, les relations artistiques entre la Flandre et Paris sont intenses : une communauté flamande s'active autour de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, bénéficiant de ses franchises ; depuis dix ans, François II Pourbus est peintre de la reine, et à Anvers Rubens s'apprête à élaborer le cycle de la Vie de Marie de Médicis (1622-1625) pour le palais du Luxembourg. À Paris, Champaigne fréquente d'abord l'atelier du maniériste Georges Lallemand, qui lui transmettra le goût savant de la seconde école de Fontainebleau ; il se lie d'amitié avec Nicolas Poussin, logé comme lui au collège de Laon, puis travaille avec Nicolas Duchesne à la décoration du palais du Luxembourg où il rencontre certainement le peintre italien Orazio Gentileschi, un caravagesque « classicisant ». Après un bref retour à Bruxelles en 1627, la faveur de Marie de Médicis le ramène dans la capitale : en 1628, Champaigne épouse la fille de Nicolas Duchesne et succède à ce dernier comme « peintre ordinaire de la reine mère ». Il reçoit une pension et bénéficie d'un logement au Luxembourg ; en 1629, des lettres de naturalisation lui sont accordées.
Un style baroque tempéré
En fait, depuis la mort de Pourbus (1622), il n'y a aucun peintre à Paris, hormis Simon Vouet, revenu d'Italie en 1627, qui soit comparable à Champaigne dans l'expression du sentiment religieux. Il n'y a pas non plus de meilleur portraitiste que ce fin scrutateur qui sait transgresser les codes un peu figés et solennels du genre par une attention minutieuse portée à la nature et à la psychologie. Sa renommée se confirme dès 1628-1629 avec la commande, par Marie de Médicis, d'une série de grands tableaux pour le carmel, alors très en vogue, de la rue Saint-Jacques (aujourd'hui dispersés, notamment entre les musées de Lyon, de Dijon et de Grenoble). Après la disgrâce de la reine mère, Champaigne bénéficie de la protection de Richelieu, pour lequel il réalise au Palais-Royal, vers 1630, la décoration de la galerie des Objets d'art et, aux côtés de Vouet, une partie de celle de la galerie des Hommes illustres (Louis XIII à la Victoire, Louvre ; Gaston de Foix, Musée national du château de Versailles) ; pour le cardinal également, il peint la coupole de l'église de la Sorbonne, ainsi qu'une série d'admirables portraits en pied ou en buste. À la fois brillant de coloris, majestueux de formes et d'un réalisme vigoureux mais toujours digne, le style baroque tempéré que Champaigne met alors au point est sans doute, dans le Paris des années 1630, l'alternative la plus convaincante à l'art lyrique et sensuel de Simon Vouet.
Après la mort du cardinal en 1642 puis celle du roi en 1643, qui avait lui aussi largement distingué et soutenu l'artiste (Assomption pour le retable de la paroisse royale de Saint-Germain-l'Auxerrois ; Vœu de Louis XIII pour Notre-Dame de Paris, 1637, musée de Caen), la faveur dont jouit Champaigne à la cour ne se dément pas (travaux pour Anne d'Autriche au Val-de-Grâce et au Palais-Royal). La période qui s'ouvre se caractérise néanmoins par une recherche de plus en plus marquée de gravité et de dépouillement, tant dans les nombreux portraits dont la pénétration psychologique et le rendu éblouissant des mains séduisent toutes les élites (Le Prévôt et les échevins de Paris, 1648, musée du Louvre ; Omer Talon, 1649, National Gallery of Art, Washington) que dans l'œuvre religieux (travaux pour les chartreux puis pour Port-Royal).[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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Médias
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