CHI LI (1957- )
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La romancière Chi Li est née le 21 janvier 1957, à Wuhan, dans la province du Hubei. Elle appartient au courant « néo-réaliste » apparu en Chine dans les années 1980, auquel la critique rattache également Fang Fang, Liu Heng et Liu Zhenyun.
Venue au monde peu avant le Grand Bond en avant et les trois années de famine qui ont suivi, Chi Li sortait de l’enfance quand la révolution culturelle a commencé. Affligée d’une mauvaise origine de classe – son père, un militaire, bien qu’issu d’une famille de paysans pauvres et cadre du Parti communiste, va faire l’objet de critiques et sera emprisonné ; quant à sa mère, médecin et fille de médecin, elle ne peut qu’être suspecte –, Chi Li est alors soumise aux vicissitudes qui furent le lot de tous ceux qui partagèrent son infortune. En septembre 1974, au terme de ses études secondaires, et à l’instar de tous les « jeunes instruits » de l’époque, elle est envoyée à la campagne afin d’y être éduquée par les paysans. Elle se retrouve dans la plaine qui sépare la rivière Han du Yangzi Jiang, au cœur de la province du Hubei. Pendant six mois elle cultivera la terre avant d’être mutée en qualité d’institutrice dans l’école de la brigade où elle a été affectée. Elle ne rentre en ville qu’en décembre 1976, et entreprend des études de médecine au département de santé publique de l’Institut de médecine de la métallurgie de Wuhan. Elle a bénéficié d’une disposition qui permettait à certains « jeunes instruits » jugés méritants d’accéder à l’Université, s’ils étaient recommandés par les « masses » de leur unité et si cette recommandation était avalisée par les différents échelons hiérarchiques concernés. En revanche, c’est à son corps défendant qu’elle s’est engagée dans la voie médicale, le choix de la discipline ne lui ayant pas été laissé. Une fois son diplôme obtenu, en 1979, Chi Li exercera pendant trois ans, à la Compagnie sidérurgique de Wuhan, au service épidémiologique, jusqu’à ce que l’occasion s’offre à elle de changer d’orientation professionnelle. En 1983, elle parvient à s’inscrire à l’université de Wuhan pour y poursuivre des études de langue et littérature chinoises plus conformes à ses aspirations. Elles lui permettront, son cursus achevé, en 1987, d’entrer comme rédactrice à la revue littéraire Fangcao(Herbes aromatiques).
En 1990, Chi Li est admise comme écrivain professionnel et rattachée à l’Institut de littérature de la Fédération de la littérature et des arts de la municipalité de Wuhan, organisme dont elle prend la tête en 1995. En 2000, elle est élue à la présidence de cette même fédération et, en 2001, elle intègre le comité directeur de l’Association des écrivains chinois. Enfin, le 25 septembre 2012, elle accède à la vice-présidence de l’Association des écrivains de la province du Hubei. Parallèlement à ses activités professionnelles, elle siège à l’Assemblée nationale populaire depuis 1998.
En 1982, Chi Li, qui n’a encore écrit que des poèmes ou des sanwen, s’essaie pour la première fois à la fiction. Ses vrais débuts ont lieu cinq ans plus tard, avec un court roman qui reste à ce jour son œuvre la plus connue, la narration d’une journée de la vie d’un ouvrier ordinaire dans la Chine post-maoïste. Ce roman, Fannaorensheng(Triste Vie), Chi Li aura pourtant eu du mal à le faire éditer. Il lui aura fallu essuyer trois refus avant que la revue Shanghai wenxue(Littérature de Shanghai) ne finisse par l’accepter, en 1987. C’est que l’image de la condition ouvrière qu’il véhicule ne colle en rien aux standards du réalisme socialiste. Fannaorensheng marque un tournant dans la carrière de Chi Li, et attira sur la jeune femme l’attention des milieux littéraires chinois – le texte sera primé à sa sortie –, en inaugurant un style qui deviendra sa marque de fabrique. Après Triste Vie, et dans la même veine, Chi Li abordera des sujets qui relèvent à leur tour de l’expérience la plus commune : l’amour dans Bu tan aiqing (Sans parler d’amour, 1989), les joies et les difficultés de la maternité dans Taiyangchushi (Soleil levant, 1990), les mères chinoises dans Ni shiyitiaohe (Tu es une rivière, 1995). Avec Yumousharen (Préméditation, 1995), Chi Li s’essaie brièvement au roman historique, en proposant le récit d’une vendetta impossible qui se clôt au lendemain de l’avènement de la fondation de la République populaire.
Chi Li revendique une écriture de vérité : son ambition est de se tenir au plus près de la vie, en se gardant des modèles littéraires imposés. En ce sens, un texte comme Triste Vie, malgré sa banalité apparente, a eu un effet tout aussi subversif que la « littérature d’avant-garde » (xianfengwenxue) qui lui est à peu près contemporaine. Chi Li est ainsi devenue l’auteur le plus représentatif du « néo-réalisme » (xinxieshizhuyi), lequel a pour norme l’exactitude du détail, et non pas l’exemplarité des personnages. Son parti pris de proximité avec la vie ordinaire qu’elle décrit lui a valu le mépris d’une grande partie de la critique, alors que dans le même temps ses livres rencontraient un vrai succès populaire, consacré par de nombreuses adaptations télévisées ou cinématographiques. Des romans tels que Lailaiwangwang(Va-et-vient, 1998) ou Shenghuoxiu (Le Show de la vie, 2002) renforcent son image d’écrivain à succès. Certains jugeront sévèrement le titre accrocheur de son roman Youlekuaigan ni jiu han (littéralement « Cris quand tu jouis », 2003, devenu dans la version française Un Homme bien sous tout rapport), lequel ne rend pas justice au contenu du roman, une peinture très sagace de la misère masculine dans la Chine contemporaine. Kanmainiang (Les Sentinelles des blés, 2001) révélera une facette plus poétique du talent littéraire de Chi Li.
En marge de ses romans, Chi Li a notamment publié, outre le livre consacré à sa fille : Laiba, haizi(Allez, mon enfant, 2008), un ouvrage sur Wuhan, la ville qui sert de cadre à la plupart de ses œuvres, et dont elle a déclaré un jour l’aimer autant que la détester : Le Vieux Wuhan (Lao Wuhan, 2000).
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Écrit par
- Angel PINO : professeur émérite des Universités, université Bordeaux Montaigne
- Isabelle RABUT : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)
Classification
Autres références
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CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature
- Écrit par Paul DEMIÉVILLE , Jean-Pierre DIÉNY , Yves HERVOUET , François JULLIEN , Angel PINO et Isabelle RABUT
- 47 512 mots
- 3 médias
Le courant dit néoréaliste apparaît presque au même moment que le précédent. Les premières œuvres significatives sont publiées en 1987 :Fannao rensheng (Triste Vie), de Chi Li (née en 1957), et Fengjing (Une vue splendide), de Fang Fang (née en 1955), ont surpris par leur approche sans concessions...
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