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CLASSES SOCIALES Classe ouvrière

Classe ouvrière ? La notion paraît datée, associée à un type de mobilisation propre au xxe siècle. Le marxisme, sous ses différentes formes, lui a donné une forte visibilité sur les scènes idéologique, politique, artistique mais aussi scientifique. Depuis les années 1970, dans un pays comme la France, les débats intellectuels à propos de la classe ouvrière portent surtout sur sa fin, constamment annoncée. Il s'agit cependant de ne pas confondre mouvement ouvrier et classe ouvrière, comme cela a souvent été le cas dans le passé. S'il y a bien un déclin du mouvement ouvrier dans la période contemporaine, les mondes ouvriers subissent plus une recomposition sociale et culturelle qu'une simple disparition. C'est bien cette recomposition qui paraît aujourd'hui centrale, contribuant à l'invisibilité politique d'un monde social qui a perdu ses représentants, mais qui a également perdu de sa singularité en termes de conditions de travail et de mode de vie. Néanmoins, la catégorie statistique « ouvriers » regroupe encore un quart des Français actifs, et les vertus explicatives de la notion de classe peuvent se révéler utiles pour rendre compte des interactions quotidiennes et des rapports de force entre groupes sociaux.

Une existence courte dans un temps long

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En France, le processus de formation de la classe ouvrière, entamé pendant la période révolutionnaire s'inscrit dans le temps long, sur un siècle et demi, et prolonge l'histoire des corporations. Sa genèse, au cours du long xixe siècle, est inséparable des luttes sociales pour l'autonomie ouvrière (sans-culottisme, journées révolutionnaires de 1830) mais également du processus d'homogénéisation des représentations sociales impulsées par le pouvoir d'État : la législation sociale a, par exemple, fortement contribué à distinguer le groupe des ouvriers de celui des commerçants, relativement proches jusqu'à la Commune (1871). Le cas français se caractérise par une unification tardive et incomplète de la classe ouvrière, notamment par rapport au cas britannique. Ce déficit chronique d'ouvriérisation de la société française s'explique par la position longtemps hégémonique de la petite bourgeoisie propriétaire, par celle des artisans mais surtout des paysans dont le maintien des effectifs à un niveau important a freiné la migration vers les villes et l'industrie. Les élites économiques et politiques ont par conséquent dû très tôt faire appel à l'immigration, à la main-d'œuvre féminine et aux ouvriers-paysans. Mal dégagée du monde rural et artisanal, la classe ouvrière du pays manque d'autonomie ; ce qui se traduit par une faiblesse du mouvement ouvrier français.

Après plusieurs décennies de bouleversements, d'instabilité et de déracinement, c'est la crise des années 1930 qui stabilise et fixe le prolétariat industriel autour des grandes usines. Issu du deuxième âge de l'industrialisation (1900-1930), qui a vu l'éclosion de la grande usine et de la banlieue, un nouveau type d'ouvrier naît dans l'entre-deux-guerres d'une première génération d'ouvriers déracinés. L'apogée de l'ouvriérisation de la société française se situe entre 1950 et 1970, au moment où cette génération vit sa maturité. La force de la classe ouvrière s'exprime alors au sein d'une industrie tayloriste dominante, où ses différents membres se trouvent de fait unis par une relativement commune expérience hiérarchique du travail. La figure ouvrière traditionnelle est celle des O.S. (ouvriers spécialisés) des ateliers de production. Cette période des Trente Glorieuses, marquée par l'enrichissement de la collectivité nationale, ouvre un champ des possibles jusqu'alors inenvisagé par la plupart des familles ouvrières : accession à la propriété, accès aux[...]

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Écrit par

  • : chargé de recherche en sociologie, Institut national de la recherche agronomique (Centre d'économie et sociologie appliquées à l'agriculture et aux espaces ruraux), Dijon
  • : chargé de recherche, Institut national de la recherche agronomique, première classe, chercheur associé au C.M.H.- E.T.T.

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