COBRA, mouvement artistique
Cobra – ou CoBrA, selon la typographie de Christian Dotremont – désigne un mouvement pictural fondé en 1948 par une poignée d'artistes d'Europe du Nord issus des avant-gardes formées après la Seconde Guerre mondiale. Forgé à partir des premières lettres de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam, cet acronyme aux connotations serpentines balise un territoire aux contours incertains et au centre de gravité aléatoire. Moins liés par un programme que par des modalités d'action, les membres de Cobra perpétuèrent bien au-delà de la dissolution du groupe, en 1951, le projet de générer un art expérimental affranchi de toute préoccupation esthétique. Les moyens qu'ils mettront en œuvre – spontanéité du geste, travail sur la matière, création collective – se doubleront d'une approche anthropologique de l'imaginaire propre à réveiller les interrogations présidant à l'élaboration des mythes primordiaux. Cette démarche, nourrie par une humeur révolutionnaire teintée d'utopie, trouvera un écho dans un des slogans de Mai-68, appelant à porter « l'imagination au pouvoir ».
Cobra contre les « ismes »
C'est à Paris, le 8 novembre 1948, à l'issue d'une réunion organisée par les représentants du surréalisme révolutionnaire, que Christian Dotremont et Joseph Noiret (du centre surréaliste révolutionnaire belge), Asger Jorn (du groupe expérimental danois), Karel Appel, Constant Anton Nieuwenhuis, dit Constant, et Cornelis van Beverloo, dit Corneille (du groupe expérimental hollandais) signent l'acte de naissance de Cobra. L'échec de cette réunion, qui avait pour but d'unifier les courants opposés aux « formalismes » alors en faveur à Paris, les engage à s'abstraire des débats dont la capitale française demeurait le pôle hégémonique.
Tout en partageant avec les surréalistes un antirationalisme forcené, ils critiquent l'illusionnisme des « calqueurs de rêve » (André Breton), aussi contestable à leurs yeux que le « constructivisme » d'un Mondrian ou le « réalisme socialiste » cher aux doctrinaires staliniens. Leur bref manifeste – intitulé « La cause était entendue » – marque leur refus d'instaurer une « unité théorique artificielle » au sein de mouvements par essence distincts, et prend la défense d'un art défini en termes de « travail » et d'« efficacité » ( notions tout juste propres à faire hurler un surréaliste orthodoxe). Ils inscrivent en outre l'internationalisation de leur activité dans une « dialectique » nourrie par leurs « expériences nationales ».
Toutefois, lorsqu'ils invitent les « artistes de n'importe quel pays » à se joindre à eux pour « travailler dans [leur] sens », ce sens ne recouvre encore que la perspective d'une « collaboration organique expérimentale », dont Dotremont (le rédacteur du manifeste) et ses amis ignorent sans doute alors les potentialités réelles.
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Écrit par
- Catherine VASSEUR : docteur en histoire de l'art à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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Média
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