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CONFESSIONNALISME

Les contestations du principe confessionnel

Plusieurs facteurs ont peu à peu ébranlé l'autorité du principe confessionnel et progressivement aboli les inégalités qui en étaient la conséquence.

Le pluralisme confessionnel

La discrimination entre nationaux d'un même pays à raison de leur confession est en effet le corollaire ordinaire et logique de la confessionnalité de l'État. Encore faut-il qu'il ait déjà pris son parti d'une certaine diversité confessionnelle. Cette seule acceptation postule une longue et douloureuse évolution. Si la Réforme et les guerres de Religion avaient imposé l'acceptation du pluralisme confessionnel – et la rupture de la chrétienté – dans l'ordre international, il n'en allait pas de même à l'intérieur des États.

L'édit de Nantes (1598), qui entérinait l'existence d'une minorité réformée dans le royaume de France, fut une des premières brèches ouvertes dans le dogme de l'unité de foi indispensable, mais c'était une exception et l'esprit du temps l'admettait plutôt comme une concession à la nécessité que comme une conquête de la liberté de conscience. Concession dont l'édit de Fontainebleau qui le révoquait (1685) manifesta le caractère précaire. Néanmoins, à mesure que la persécution eut fait la preuve de son impuissance à restaurer l'unité religieuse, plusieurs pays acceptèrent de faire l'expérience de la tolérance de fait : les Provinces-Unies, la Grande-Bretagne. Mais nulle part cette tolérance ne signifia la fin du confessionnalisme, elle ne portait pas atteinte à la suprématie de la confession reconnue comme vraie. Les autres étaient assujetties à des régimes restrictifs et leurs adeptes ne jouissaient pas de la plénitude des droits politiques, voire civils : tel était le cas des fidèles de la religion dite prétendue réformée (R.P.R.) dans le royaume de France après la suspension de la persécution et avant 1787, ou bien celui des sujets catholiques de Sa Majesté britannique avant leur émancipation (1829). Au surplus, cette tolérance excluait presque partout ceux qui ne professaient aucune religion : même dans une société acquise aussi précocement que la société américaine au principe de la liberté de conscience en matière de religion et où la séparation des Églises et de la société civile favorisa la multiplication des confessions, l'accusation d'athéisme demeura pendant longtemps redoutable, infamante même.

L'esprit de liberté

Le second facteur déterminant, après le pluralisme confessionnel, fut l'esprit de liberté. Ce que le réalisme des gouvernants tolérait, faute de pouvoir l'interdire, la raison philosophique le revendiqua comme un droit indépendant des circonstances, antérieur et supérieur à la société, parce que lié à la personne : l'homme était libre de croire ou de ne pas croire et de professer seulement ce que son intelligence lui représentait comme vrai. Cette revendication fondamentale, conforme à l'inspiration libérale du mouvement philosophique des temps modernes, impliquait à terme la disparition du confessionnalisme. Pour être effective, la liberté de croire interdit aux Églises d'exercer quelque pression que ce soit sur les esprits et à l'État, dans ses relations avec les individus, de faire acception de leurs croyances : il est tenu de les traiter sur un pied d'égalité. De plus en plus clairement, la confessionnalité, telle que l'avaient conçue et pratiquée les sociétés d'Ancien Régime, ne semblait pas seulement contraire à la liberté des personnes, mais il apparaissait qu'elle allait à l'encontre d'une distinction essentielle entre l'ordre de la conscience individuelle et celui de la chose publique : ce n'est pas à l'État de définir la vérité. À la confessionnalité s'opposa désormais la laïcité.[...]

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Écrit par

  • : président de la Fondation nationale des sciences politiques

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