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CONSPIRATIONNISME

Le conspirationnisme est une vision du monde qui affirme que le cours de l’histoire n’est pas le fruit des jeux politiques nationaux et d’actions humaines incertaines, mais qu’il est en réalité provoqué uniformément par l’action secrète d’un petit groupe d’hommes désireux de réaliser un projet de contrôle et de domination des populations. Face à des événements ou des phénomènes dont ils contestent le déroulement même, comme dans le récit prouvé ou admis, les tenants du complotisme – vocable entré dans nos dictionnaires à la fin des années 2010 – opposent un contre-récit, un scénario fantasmatique, dont le motif narratif est récurrent : l’apparence d’un fait masque de véritables commanditaires qu’il faut démasquer et accuser publiquement pour mettre fin à leurs agissements. La lecture conspirationniste du monde repose sur un imaginaire sombre : les rapports sociaux y sont viciés par la tromperie, les individus et les groupes sont dépossédés de leur capacité d’agir librement. Ce discours est éminemment politique en ce qu’il vise à la fois à désigner des ennemis tapis dans l’ombre et à se mobiliser contre eux pour rendre le pouvoir à ceux qui en ont été privés.

Le motif narratif du conspirationnisme est ancien. Nombre de rumeurs populaires fonctionnent sur le dévoilement d’une manœuvre de grande ampleur ou sur la mise en accusation d’un groupe donné dans la survenue d’un bouleversement social. Historiquement, les groupes désignés sont des minorités, par exemple les juifs, accusés de profanations d’hosties ou de crimes rituels et d’empoisonnements des puits dès le xiie siècle. À partir du xviiie siècle s’ajoute une méfiance nouvelle, tournée cette fois vers le pouvoir central. En France, tout au long du siècle des Lumières, le « complot de famine » accuse le roi Louis XVI et son entourage politique, des hommes d’argents et des protestants, d’organiser la disette dans le pays. De nos jours, en Europe comme aux États-Unis, les deux formes d’incrimination coexistent, voire se confondent. D’une part, dans la défiance à l’égard des gouvernants, des agences étatiques, des services secrets (CIA, FBI, NSA, Mossad) et des organisations internationales (OMS, FMI), qui occupent le premier plan. Leur importance même paraît confirmer le « méga-complot » et la volonté d’élites globalisées d’instaurer un « nouvel ordre mondial », américain, capitaliste ou encore onusien et antipatriotique. D’autre part, dans la persistance d’un discours accusatoire à l’égard de divers sous-groupes réels ou fictionnels (jésuites, juifs, francs-maçons, communistes, Illuminati), qui agiraient directement ou en noyautant les centres politiques.

Si la diffusion du discours conspirationniste a connu un développement important à partir du début du xxe siècle, elle bénéficie désormais de la puissance d’Internet et des réseaux sociaux qui redoublent d’anciennes formes de présence dans l’espace public (maisons d’édition et déclarations dans les médias) et jouent sur la puissance des algorithmes pour imposer des fake news (fausses nouvelles), une désinformation forgée par des activistes politiques et des États, et activer en permanence l’imaginaire du complot.

La mécanique du conspirationnisme

Le propos conspirationniste se pare, sinon des atours de la science, du moins de la nécessité d’étayer son dévoilement d’une « trame cachée ». Sa mécanique utilise, cumulativement ou alternativement, plusieurs procédés.

Affirmer que tout est lié

Un premier procédé s’inspire de la pensée ésotérique. Il consiste à poser que « tout est lié » dans les événements qui rythment l’actualité, et que des situations en apparence distinctes sont en réalité en rapport les unes avec les autres. Dans cette vision, rien n’arrive par accident, au sens où les coïncidences et le hasard sont exclus du déroulement[...]

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Médias

Sociétés secrètes - crédits : BnF

Sociétés secrètes

Discours conspirationnistes diffusés sur un réseau social à la suite des attentats du 11 septembre 2001 - crédits : capture d'écran Facebook

Discours conspirationnistes diffusés sur un réseau social à la suite des attentats du 11 septembre 2001