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DARDENNE JEAN-PIERRE (1951- ) et LUC (1954- )

Figure humaine

La réalisation d'un portrait de Jean Louvet (Regarde Jonathan. Jean Louvet, son œuvre, 1983), dramaturge wallon fondateur du du Théâtre prolétarien de La Louvière, attire l'attention sur eux et leur permet de passer au long-métrage avec Falsch (1987). Le théâtre est encore très présent dans cette adaptation de la pièce de René Kalisky, où survivants et morts d'une famille juive se retrouvent pour régler leur différends.

Après La Promesse (1996), qui se concentre sur la relation d'un père et de son fils et leur vaut d’emblée la reconnaissance, les titres de leurs films semblent devenir ceux de possibles portraits : Rosetta (1999), Le Fils (2002), L'Enfant (2005), ou encore Le Silence de Lorna (2008) et Le Gamin au vélo (2011). Si le scénario, avec sa dramaturgie réfléchie, intéresse les Dardenne, c'est toujours pour être mis au service d'un désir entêté : faire surgir la vérité d'une personne (et non se contenter de bâtir un personnage), dessiner avec la caméra une figure humaine. Celle d'une jeune fille qui veut un travail et se bat pour cela comme pour un droit à l'existence (Rosetta). Celle d'un homme confronté au meurtrier de son fils, et qui, jusque dans sa chair, ressent l'oppression née des sentiments de vengeance (Le Fils). Celle, enfin, d'un jeune garçon tellement habitué à vivre de petits trafics qu'il croit pouvoir vendre le bébé dont sa compagne vient d'accoucher (L'Enfant).

<em>Deux Jours, une nuit,</em> de Jean-Pierre et Luc Dardenne - crédits : Diaphana Distributions/ D.R.

Deux Jours, une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Ce qui lie tous ces êtres, c'est de devoir lutter pour pouvoir faire face à eux-mêmes et retrouver une dignité dont le monde d'aujourd'hui n'a que faire. Se battre n'est pas un vain mot pour les Dardenne, qui ont eux-mêmes dû imposer avec La Promesse leur manière si personnelle de filmer, tout en mouvement, sur le qui-vive, après avoir subi la lourdeur et les automatismes qui dominent la réalisation des films dans les productions standards (ce fut l'expérience de Je pense à vous, 1992, qui reste pour eux un échec artistique). Affaire de cadrage, de cadre (le portrait, toujours), leur cinéma n'est pas strictement social et documentaire, à la manière des films d'un Ken Loach. Il est d'abord celui de la difficulté et de la nécessité d'être, cherchant toujours dans ses personnages le miracle de ce qui résiste : la survie d'une part d'humanité. Ce qu’incarne à merveille Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit (2014).

— Frédéric STRAUSS

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<em>Deux Jours, une nuit,</em> de Jean-Pierre et Luc Dardenne - crédits : Diaphana Distributions/ D.R.

Deux Jours, une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne

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