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DIALOGUE

L'entrée en dialogue paraît d'autant plus désirable que le partenaire est plus différent ou plus lointain. Le dialogue répond à une préoccupation éthique – il serait l'antiviolence par excellence – et à un souci politique : comment améliorer la circulation de l'information de manière à orienter les conflits vers un consensus résolutoire ? Pouvoir et parole sont liés dans l'ambivalence : la parole peut épauler le pouvoir comme elle peut contrebalancer ses effets mortifères. On n'oubliera pas pour autant qu'il y a de faux dialogues, qui sont en fait de brutaux monologues. Comment les discerner ? Sommes-nous sur la voie de construire de véritables théories du dialogue, à tout le moins des analyses suffisamment puissantes pour éclairer la possibilité et la pratique de l'allocution ? Y a-t-il une compétence « dialogique » ? Plus que d'une théorie classique déjà inadéquate de l'échange d'informations toutes faites, qu'il suffirait de bien faire circuler, plus que d'une approche édifiante et apologétique qui a été trop souvent tenue pour la principale voie d'accès à une philosophie du dialogue, c'est d'une logique du dialogue que l'on a aujourd'hui besoin. Les linéaments et les premiers résultats nous en sont proposés par quelques chercheurs contemporains, qu'on peut considérer aussi comme de véritables artisans de paix et qui, par l'étude de la relation « interlocutive », dotent d'instruments nouveaux le projet des philosophies du dialogue.

Les philosophies du dialogue

La philosophie du dialogue est, au sens strict du terme, la philosophie de Martin Buber, philosophe israélien d'origine allemande qui a publié son principal ouvrage, Ich und Du (trad. franç. Le Je et le Tu, 1938), à Francfort en 1923. Cet existentialisme juif de la relation personnelle à autrui (Dieu ou l'autre conscience) trouve une sorte d'écho dans la pensée chrétienne et dans les problématiques politiques du monde contemporain où les relations entre les nations, entre les classes, entre les idéologies, tentent de s'établir sous la forme du dialogue.

C'est de la problématique philosophique que dépend la problématique politique : c'est de la réponse qu'on donne à la question de savoir si l'homme peut s'adresser à l'autre en établissant une relation authentique de personne à personne que dépend la réponse au problème politique de la possibilité des contrats et d'une histoire pacifiée.

La philosophie existentielle du dialogue (déployée d'abord dans la phénoménologie et l'existentialisme allemands du début du xxe siècle, puis chez les philosophes contemporains) a donc des conséquences dans l'ordre de la pensée et de l'histoire ; mais elle a aussi des antécédents dans l'ordre de la philosophie : il existe d'autres doctrines du dialogue que l'existentialisme (par exemple certaines mystiques du Moyen Âge ou de la Renaissance). De plus, le dialogue fut parfois la forme préférentielle de la philosophie (comme chez Platon) ou sa forme occasionnelle (comme chez Berkeley) et non pas seulement son contenu doctrinal : c'est qu'il est à la fois structure et parole, forme et conscience.

Le dialogue, simple instrument ou structure obligée

Ce n'est pas par un simple hasard que la philosophie ne commence, en Occident, à se poser véritablement pour elle-même que dans l'œuvre de Platon, c'est-à-dire dans la forme écrite du dialogue. À travers le dialogue platonicien (simple instrument littéraire de l'analyse dialectique), se dessine le véritable dialogue vivant que Socrate conduisait avec ses interlocuteurs athéniens. Derrière l'écriture se profile la parole non écrite et dans cette parole non écrite la philosophie pour la première fois atteint[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
  • : professeur à l'université de Paris-I

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Lanza del Vasto - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Lanza del Vasto

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