DIASPORA
Le mot grec diaspora signifie « dispersion ». Il apparaît dans la traduction grecque de la Bible hébraïque, dite Bible des Septante, effectuée à Alexandrie par à partir du IIIe siècle avant J.-C. Le mot désigne alors la situation des communautés juives établies hors de Judée, et ces communautés elles-mêmes. Les causes historiques de cette dispersion ont pu être violentes, comme dans le cas des réductions en captivité de 722 et de 586, ou pacifiques – simples migrations de communautés favorisées par la stabilité politique et économique des royaumes hellénistiques et de l'Empire romain qui leur succède. La diaspora juive n'acquiert son caractère absolument traumatique qu'avec la destruction du Temple de Jérusalem et l'annexion de la Judée par les Romains, en 70 après J.-C. Elle prend alors valeur de symbole en Occident et sera convoquée chaque fois qu'un peuple sera chassé de sa terre et contraint à l'exil au sein d'autres nations. C'est ainsi que l'on parle, entre autres, des diasporas arménienne, grecque, libanaise, kurde, palestinienne, sikhe ou tamoule. Pour autant, du point de vue des sciences sociales, l'ancrage dans une catastrophe originelle – invasion, persécution, expulsion – que celle-ci soit prise comme une fatalité, un châtiment ou une injustice historique, ne paraît pas indispensable à l'autonomie et à la pertinence de la notion de diaspora pour la différencier des phénomènes d'émigration, de colonisation, d'exil. Sans prétendre à l'exhaustivité, les différents cas de diaspora rapportés ci-après montrent que le phénomène « diasporique » repose avant tout sur des facteurs d'ordre culturel. On peut ainsi attribuer le caractère de diaspora à tout peuple disséminé sur la Terre pour quelque raison, qui, faisant durablement échec aux processus d'assimilation ou d'acculturation, maintient la conscience d'une différence, la mémoire vive d'une histoire et d'un pays particuliers, l'usage d'une langue ou l'attachement à une religion, et qui entretient et développe, en deçà comme au-delà des frontières étatiques, des liens d'alliance, d'échanges et de solidarité entre ses membres dispersés. Les catastrophes répétées provoquées par le modèle de l'État-nation et la floraison des discours exaltant le multiculturalisme et la diversité confèrent aujourd'hui aux diasporas une image plus avantageuse. En définitive, elles représentent une manière particulière et légitime d'exister et/ou de résister collectivement pour tous ceux qui ont de solides motifs de sentir et de manifester qu'ils sont à la fois « d'ici et d'ailleurs », une situation complexe qui touche de plus en plus de peuples, de personnes et de pays.
Diaspora juive
À la différence du mot hébreu galout (« exil »), qui se rattache à la nostalgie des origines, à la théologie du retour, aux thèses sionistes, le terme grec diaspora renvoie objectivement au phénomène historique de la dispersion des juifs à travers le monde. On s'accorde le plus souvent à distinguer deux phases dans cette diaspora : la première répond à une volonté d'essaimage des communautés, la seconde obéit à la nécessité de fuir les persécutions qui, du Moyen Âge à l'avènement du national-socialisme en Allemagne, ont cruellement frappé les juifs.
Avant l'ère chrétienne, le peuple juif avait connu deux déportations : celle de 722 marquait la fin du royaume d'Israël ; celle de 586 a eu pour conséquence la destruction du premier Temple de Jérusalem. Toutes deux n'ont pas manqué d'enraciner dans la mentalité populaire l'esprit messianique du grand retour, favorisant en quelque sorte le sentiment que l'exil est l'épreuve par laquelle il faut passer pour toucher un jour à la Terre promise.[...]
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Écrit par
- Spyros ASDRACHAS : chargé de conférences à l'École pratique des hautes études
- Vicken CHETERIAN
:
director of programmes , Cimera - Kamel DORAÏ : chercheur C.N.R.S., docteur en géographie, Institut français du Proche-Orient, Damas, Syrie, et Mingrinter, Poitiers, France
- Thibaut JAULIN : doctorant à l'université d'Aix-Marseille-III (sciences politiques)
- Claudine LOMBARD-SALMON : docteur ès lettres, chargée de recherche au C.N.R.S.
- Raoul VANEIGEM : écrivain
- Emmanuel ZAKHOS-PAPAZAKHARIOU : docteur de troisième cycle
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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