DOMINICAINS
Dans l'histoire des ordres religieux, la fondation des Frères prêcheurs ou Dominicains représente, au début du xiiie siècle, un tournant décisif. Rien de nouveau certes à ce que des religieux deviennent en fait prédicateurs ou missionnaires – tel fut le cas de nombreux moines aux siècles précédents –, mais il est original qu'une forme de vie religieuse se définisse non plus seulement par la conversion personnelle et la recherche de Dieu dans la fuite du monde, mais par l'accomplissement d'une fonction déterminée dans l'Église ; c'est une nouveauté d'identifier consécration à Dieu et députation totale à la prédication de l'Évangile. L'idéal de l'imitation des Apôtres, dont se réclament, depuis les Pères du désert, les groupements les plus divers, se déploie ici selon une dimension inédite : la participation, en vertu d'une profession religieuse reconnue telle par le Saint-Siège, à la mission prophétique de l'Église, l'annonce de la foi.
À la même époque, l'aspiration à des formes de vie plus intégralement évangéliques trouve expression, stimulant et, dans une certaine mesure, discipline, au sein du mouvement franciscain. Nées dans le même contexte mais plus proches l'une du monde des clercs, l'autre du monde des laïcs, les deux familles réagissent l'une sur l'autre et servent de modèles à d'autres : ainsi apparaît un type nouveau de vie religieuse, celui des ordres mendiants.
Donnant pour devise à son ordre : « Ne parler qu'avec Dieu ou que de Dieu », saint Dominique est l'initiateur d'un mode de vie original et difficile, qui allie intimement présence à Dieu et présence aux hommes à évangéliser. Le renouvellement perpétuel est pour les Dominicains une condition de la fidélité profonde. C'est donc en regard de l'évolution du monde que leur histoire devrait s'écrire.
Le fondateur : Dominique de Caleruega
La fondation de l'ordre des Frères prêcheurs, à Toulouse, en avril 1215, ne précède que de quelques mois le quatrième concile du Latran qui invite les évêques de la chrétienté à doter leurs diocèses de prédicateurs instruits, dont la vie exemplaire authentifierait la parole.
L'initiative du fondateur s'appuie sur une expérience de prédication, inaugurée neuf ans plus tôt, en pays albigeois. Traversant le midi de la France, l'évêque castillan d'Osma et le sous-prieur de son chapitre, Dominique de Caleruega, s'étaient joints en effet en 1206 au groupe d'abbés cisterciens mandatés par Innocent III pour mener campagne contre l'hérésie, non sans les avoir d'abord persuadés de se débarrasser de l'appareil de leur puissance féodale pour prêcher à la manière des Apôtres, dans la pauvreté.
L'entreprise n'avait pas survécu au déclenchement de la croisade contre les albigeois ; mais, bien qu'il soit resté en rapport avec les croisés et qu'il se soit lié d'amitié avec Simon de Montfort, Dominique continue de mener, seul ou avec des compagnons, une vie de prédicateur et réside dans la cité de Fanjeaux, non loin du monastère féminin de Prouilhe qu'il avait fondé pour des converties. Ce qu'il entreprend à Toulouse en 1215 est nouveau, car alors ses compagnons s'engagent à son égard par les vœux de religion. Les visées premières du petit groupe ne semblent pas se porter au-delà du diocèse de Toulouse, mais l'horizon s'élargit lorsque, le 15 août 1217, Dominique disperse ses seize premiers frères, les envoyant étudier, prêcher et constituer des communautés à Madrid, à Paris, à Bologne, à Rome.
Le développement rapide de l'ordre doit être appuyé auprès des évêques ; Dominique, clerc formé aux disciplines de la théologie et du droit, obtient de la chancellerie pontificale des lettres qui définissent[...]
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Écrit par
- André DUVAL : dominicain, archiviste de la province de France
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