TRIOLET ELSA (1896-1970)
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Si elle fut la muse du poète Louis Aragon, Elsa Triolet n’en demeure pas moins une écrivaine de premier ordre, à qui l’on doit une trentaine de romans et de traductions. Figure de la Résistance, journaliste et romancière, première femme récompensée par le prix Goncourt, Elsa Triolet naît Ella Yourievna Kagan, le 12 septembre 1896 (le 25 septembre dans le calendrier grégorien), dans une famille juive de la bourgeoisie moscovite Elle fréquente très jeune les milieux intellectuels progressistes de la capitale russe. Sœur cadette de Lili Brik, la femme du poète soviétique Vladimir Maïakovski, elle est aussi l’amie d'enfance du linguiste Roman Jakobson. C'est pour elle que Viktor Chklovski écrit Zoo, lettres qui ne parlent pas d'amour ou la Troisième Héloïse (1923). Il y inclut quelques textes de la jeune femme, que Maxime Gorki remarque : il incite alors Elsa à écrire.
Arrivée en France après la révolution russe de 1917, mariée à un Français, André Triolet, qu’elle quittera en 1921, la jeune femme séjourne à Berlin et à Tahiti. Ce dernier voyage inspire son premier roman, écrit en russe et paru à Leningrad (auj. Saint-Pétersbourg) : À Tahiti (1925). Deux autres, publiés à Moscou, suivent : Fraise des bois (1926) et Camouflage (1928). Puis Elsa rencontre Louis Aragon en 1928 à Paris. Dès lors, leurs deux vies sont inséparables. À la fois compagne et inspiratrice du poète (il écrit pour elle Les Yeux d'Elsa, en 1942), membre, comme lui, du Parti communiste, elle entend bâtir son œuvre propre qui constitue souvent une sorte de réponse à celle d'Aragon. Après un assez long temps de silence, pendant lequel Elsa Triolet se fait notamment journaliste, elle publie Bonsoir, Thérèse (1938), chez Denoël.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Elsa Triolet prend rang au côté des écrivains résistants et participe à la fondation des Lettres françaises et du Comité national des écrivains. Le Cheval blanc (1943) montre la recherche d'un bonheur insaisissable. Les Amants d'Avignon, paru d'abord clandestinement sous le pseudonyme de Laurent Daniel, en 1943, retranscrit de façon directe l'expérience de la Résistance. Réuni avec un autre récit, Yvette, publié aussi dans la clandestinité, ils constituent Le premier accroc coûte deux cents francs (1944), qui obtient le prix Goncourt en 1945. Suit alors le cycle de L'Âge de Nylon où l'auteure entend, selon les principes du réalisme socialiste, dépeindre le monde capitaliste : Roses à crédit (1959), Luna-Park (1959) et L'Âme (1963).
L’écrivaine n'oublie cependant pas ses origines russes et traduit un choix de Vers et proses de Maïakovski (1957). Elle s'attache aussi à traduire le théâtre de Tchekhov, notamment Platonov(1967), encore mal connu en France. De même, elle traduit en russe les œuvres de Colette, Aragon ou Gide. En 1960 commence la publication des Œuvres romanesques croisées d'Aragon et d'Elsa Triolet tandis que, la même année, le poète fait paraître un choix des meilleures pages de sa compagne : Elsa Triolet choisie par Aragon. En 1965, à La Mise à mort, de celui-ci, Elsa répond en écho par Le Grand Jamais.
Elsa Triolet meurt le 16 juin 1970 au moulin de Villeneuve, à Saint-Arnoult-en-Yvelines, où le couple s’était établi depuis 1951.
« L'écriture, la plus noble conquête de l'homme. Le roman, intermédiaire entre l'homme et la vie. » Cette maxime, extraite des Proverbes d'Elsa, permet de définir le projet littéraire d'Elsa Triolet : l'auteure se veut en prise directe sur son temps. Elle écrit pour ses contemporains et leur pose, clairement, le problème de ce qu'ils vivent aujourd'hui et de ce qu'ils doivent envisager pour améliorer leurs lendemains. Il ne s'agit cependant pas d'une littérature de propagande. Elsa Triolet ne renonce à aucun des privilèges de l'écriture et elle peut[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre ÉNARD : écrivain
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