SATIE ERIK (1866-1925)
Abondamment commentée, objet de multiples exégèses, l'œuvre de Satie reste imparfaitement connue en notre époque qui, pourtant, est presque encore la sienne. Il faut dire que tout semble être fait, aussi bien dans son existence d'artiste et de créateur que dans sa vie, pour déconcerter qui veut comprendre totalement l'esprit et l'influence de cet humoriste grave, humaniste aussi. Cette influence s'est exercée non seulement sur de nombreux musiciens, mais encore sur des écrivains, des peintres et des poètes. Tant par la pratique de son art que par la clarté de ses convictions exprimées avec une rare intransigeance malgré une pudeur qui les lui faisait dissimuler sous des plaisanteries qui rappellent celles d'Alphonse Allais, il a incarné et contribué à orienter l'esprit de tout un mouvement esthétique, d'une époque encore parfois capable d'influencer la nôtre.
« Né si jeune dans un monde si vieux »
C'est par cette phrase lapidaire qu'Erik Satie résumait son autobiographie. Toute la vie du musicien peut, en effet, se décrire en termes tels qu'on y découvre à chaque instant une volonté de renouvellement, un émerveillement devant la découverte, une humilité d'apprenti. Plus qu'à une éternelle jeunesse, elle nous fait penser à cette parole de l'Évangile : « Si vous ne restez semblable à ce petit enfant, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux. » Il est né à Honfleur, d'une mère d'origine écossaise et d'un père courtier maritime normand, et fut élevé dans la religion anglicane. Sa mère mourut alors qu'il avait six ans ; son père se remaria avec une jeune femme, professeur de piano, de qui il fut l'élève. C'est après ce second mariage qu'Erik Satie embrassa la religion catholique romaine. En 1879, il entre au conservatoire de Paris. Tout de suite, il déteste l'académisme et le conservatoire lui-même (« c'est un lieu sombre, sans agrément ni intérieur ni extérieur »). Il s'éloigne, d'instinct, d'Ambroise Thomas ou de Théodore Dubois pour vouer son admiration adolescente à Bach, Chopin et Schumann. En 1886, il quitte le conservatoire et s'engage dans un régiment d'infanterie, mais, s'apercevant vite qu'il n'a fait qu'échanger une prison hargneuse pour une autre absurde, il expose un soir d'hiver, par désespoir, sa poitrine nue à la bise glaciale et contracte une congestion pulmonaire qui, en le faisant réformer, lui rend sa liberté. Il est, dès lors, prêt à affronter la seule existence qui puisse lui convenir, qui puisse être en harmonie avec ses goûts et sa volonté non conformiste : la vie d'artiste. En 1887, c'est donc à Montmartre qu'il s'installe, car il sait pouvoir y rencontrer les êtres qui lui ressemblent ou, en tout cas, avec qui partager les risques d'une vie de bohème, la pauvreté parfois, et l'intransigeance esthétique.
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Écrit par
- Michel PHILIPPOT : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris
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