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FABIAN SOCIETY ou SOCIÉTÉ FABIENNE

La Fabian Society - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

La Fabian Society

Les « Fabiens » constituent depuis 1884 le plus célèbre club de pensée socialiste en Angleterre. Gros de quelques centaines de membres dans les années 1890, il en compte 2 462 en 1909, dont plus de la moitié sont des Londoniens. Ce nombre a plus que doublé à notre époque. Depuis sa naissance, on y a vu figurer la plupart des grands intellectuels de gauche, à commencer par G. B. Shaw et les Webb, mais aussi des hommes d'État, dont Ramsay MacDonald qui devint en 1924 le premier Premier ministre travailliste. Nombre de députés du Labour Party sont ou ont été affiliés à la Société. On peut la comparer en France aux clubs des années 1960, 1970 et 1980, particulièrement au club Jean-Moulin des années 1960.

Le dénomination de « Fabienne », quelque peu mystérieuse au premier abord, est une référence à un épisode de l'histoire romaine. Nommé dictateur par le Sénat de Rome, Fabius inaugura, contre le Carthaginois Hannibal, une habile stratégie de guérilla, alors appelée de « temporisation » : Fabius « Cunctator » réussit ainsi à affaiblir considérablement les forces ennemies sans les affronter. Pour un « Fabien », l'ennemi est le capitalisme : il importe d'en saper les bases par des réformes progressives qui rapprocheront le moment où un dernier effort, baptisé « révolutionnaire », permettra de parvenir à la société « socialiste ». Celle-ci, dans l'esprit de ses promoteurs, serait en particulier fondée sur l'appropriation publique des moyens de production et d'échanges. En 1889, G. B. Shaw a publié les Fabian Essays on Socialism (Essais fabiens sur le socialisme) qui forment, au dire de Clement Attlee en 1952, « le premier exposé cohérent d'une philosophie gradualiste, par opposition aux doctrines utopiques ou catastrophiques ». Fabianisme et réformisme ou révisionnisme sont largement synonymes. Il n'est pas sans intérêt de noter que le père du révisionnisme allemand, Edouard Bernstein, subit à la fin du xixe siècle la forte emprise de la doctrine anglaise. En Grande-Bretagne, il faut attendre précisément 1952 pour qu'un groupe de jeunes et de moins jeunes membres du Parti travailliste, Richard Crossman, C. A. R. Crosland, Roy Jenkins, Ian Mikardo, Denis Healey, ait l'audace de publier les New Fabian Essays, traduits deux ans plus tard en français sous le titre L'Avenir du travaillisme. Les auteurs, dont certains sont devenus des hommes d'État de premier plan, prétendaient s'inspirer du même esprit que leurs glorieux prédécesseurs.

Le « programme » fabien devait nécessairement être empirique, hostile à tout dogme, par définition antimarxiste. Il est d'abord fondé sur l'idée de l'éducation du peuple : la Société a commencé (et elle continue de le faire) par éditer des « brochures » (tracts) qui ont exposé des faits de la vie économique et sociale et proposé les remèdes socialistes aux maux constatés : « Dans la physique du socialisme, la lumière importe davantage que la chaleur » (G. B. Shaw). De 1884 à 1924, par exemple, on ne compta pas moins de 212 brochures auxquelles il convient d'ajouter nombre de publications spéciales. Les New Fabian Essays de 1952 mettent l'accent sur l'éducation, la démocratie sociale, le rôle des syndicats, la recherche (originalité par rapport à 1889) d'une politique internationale de gauche.

Pendant quelques décennies, les Fabiens se sont partagés entre des partis pris variés. Au départ, le socialisme municipal leur paraît le plus prometteur et, à Londres surtout, ils inspirent, à la fin de l'époque victorienne, le programme du parti « progressiste » en faveur de la municipalisation des eaux et de l'éclairage, du développement de transports publics à bon marché, etc. Pendant la Grande Guerre, l'historien G. D. H. Cole, l'un des meilleurs esprits[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Média

La Fabian Society - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

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